Le jeudi 26 avril, début de matinée.
Jewon & Freddie

Y a des matin comme ça, où rien ne va. Là, tu traines les pieds, t'arrives pas à émergé, le sommeil est plus fort que l'reste. Tes cheveux sont en pagaille, y a même une partie qui envahissent ton visage dont les traits sont particulièrement tiré. Tu bailles, tu tiens ta tasse de café entre tes mains. Bordel, t'es crevée et t'sais même pas pourquoi, parce que tu as rien fait d'plus que d'habitude et t'es pas du genre à être aussi molle le matin. Enfin, quoi qu'il en soit, tu débarques dans l'boudoire, sans même te rendre compte qu'il y a déjà quelqu'un. T'es trop occupée à mater les différents livres. Tu t'dis que t'as quand même de la chance parce que t'as un cinéma et une bibliothèque à ta disposition, alors t'as peut-être pas droit au nouveauté, tu as au moins des classiques à ta disposition. Puis d'un coup, tu te r'trouve couverte de café, parce que tu t'es retournée et tu ne t'attendais pas à la présence d'un gars que tu as à peine croisé. Tu lâches un juron, puis deux, puis trois. T'as d'la chance que le café était pas brulant, parce que ça aurait pu faire beaucoup plus de dégât qu'un t-shirt imbibé de café. Putain t'm'as fait peur. Putain, quoi... T'as d'la chance que je suis pas cardiaque ou une connerie du genre. Putain. Tu t'en remets pas, tu poses la tasse. Tu le regardes finalement, soupirant. Pfiou. Désolée, c'est pas d'ta faute. Putain, mais t'imagines même pas comme j'ai eu peur. Aoutch. Putain désolée, j'suis vulgaire.

Mal réveillé j'errais un peu partout dans le chalet à la recherche de quelque chose d'intéressant à faire. Non pas que j'éprouve particulièrement le besoin de m'occuper mais disons que si je ne voulais pas tomber de fatigue d'un instant à l'autre, il valait mieux que je ne reste pas à rien faire. Mon inspection du chalet avait pris fin depuis quelques jours auparavant et il ne me semblait pas avoir d'autres pièces à visiter, bien que luxueux il n'était pas non plus immense et j'en avais fait plus rapidement le tour que ce que j'aurais pu penser. Me remémorant rapidement les pièces que j'avais entrevu, l'image du boudoir resta plus longtemps dans mon esprit et je décidais donc que c'était là que je devais me rendre. Là-bas je tombais sur une jeune femme à qui je n'avais jamais adressé la parole, je n'étais même pas certaine de l'avoir déjà croisé et visiblement surprise par ma présence elle renversa son café sur elle. « Merde, désolé. » lui dis-je précipitamment, même si au final je n'y étais pour rien. Le flot d'insanité qui sortait alors de bouche était assez drôle je devais l'avouer, un léger rire s'échappa alors de ma bouche. « T'en fais pas j'ai déjà entendu plus vulgaire que toi. » Oui moi en l'occurrence. Puis je lui tendis un mouchoir que je trouvais sur une table voisine pour qu'elle s'essuie même si je n'étais pas certain que cela aide en quelque chose.

T'en fais pas j'ai déjà entendu plus vulgaire que toi. Sur le coup, tu as difficile à l'croire, parce que franchement, t'y as été fort. Tu finis par soupire et marmonner un merci lorsqu'il tend un mouchoir. Tu t'sens complètement nul. T'as mal la tête. Ouai, y a des matin comme ça, où rien ne va. Tu t'laisses tomber sur un fauteuil allongé, t'essayes d'éponger ton t-shirt mais ça change rien, ça te colle à la peau, ça te redessine le corps. Tu poses tes coudes sur tes genou, t'passes tes mains contre ton front et t'en profites pour rejeter tes cheveux en arrière. Puis finalement, tu relèves ton regard vers le type qu'est là et tu souris. Puis t'as ce rire nerveux qui vient, parce que t'as tendance que t'as l'air complètement ridicule. Au moins, tu m'oublieras pas de ci tôt. Moi c'est Fred et toi? C'est quoi déjà? Désolée, en plus d'être née avec deux main gauche, je ne suis pas douée avec les prénoms. Tu r'gardes ton t-shirt et tu soupires à nouveau. Boarf. T'as la flemme d'aller te changer.

Il ne fallait pas qu'elle s'en fasse pour si peu, ce n'était que du café renversé sur son t-shirt Enfin après vous savez ce que j'en dis moi, ce n'était pas comme si tout dans la vie m'était indifférent mais presque. Alors je ne comprenais pas pourquoi elle semblait si énervée, si désemparée presque. Il y avait certainement quelque chose là dessous. « On est deux alors, je suis incapable de retenir les prénoms des autres. Moi c'est Jewon. » lui dis-je en souriant alors que je m'asseyais à mon tour. « Ça va ? » demandais-je alors simplement, pas comme on ferait la conversation mais parce qu'elle n'avait pas l'air d'être dans un bon jour. Après tout ça arrivait à tout le monde, moi très souvent, mais je n'allais pas la laisser comme ça et repartir comme si de rien n'était. Non j'ai beau me comporter parfois comme le dernier des idiots, ce n'était pas à ce point là.

On est deux alors, je suis incapable de retenir les prénoms des autres. Moi c'est Jewon. Jewon. Maintenant que c'est dit, tu penses pas l'oublier d'avantage. Faut juste que la personne te le dise une bonne fois pour toute, comme si t'avais besoin d'une vue d'ensemble pour retenir son prénom. Enfin, quand tu dis vue d'ensemble, tu parles de son visage et de sa voix. Jewon. Tu r'tiens. Pfiou, t'as eu pleins de prénoms à retenir ces derniers temps, tu te demandes comment tu fais pour pas en oublier au fur et à mesure. Il pose ses fesses. je me réajuste sans y penser, sans m'en rendre compte, juste pour lui laisser d'la place et qu'il ait pas l'impression que j'empiète dans son espace vital. Toi, tu t'en fous, mais y en a qu'ça dérange. Ça va ? Qu'il te demande, avec un sourire. Tu poses ton regard sur lui, avec un sourire. Tu t'rend compte que t'as pas l'air en forme pour le coup. Surtout que t'es couverte de café. Oui, oui, j'suis juste crevée. P't'être que je me suis agitée pendant la nuit. J'me souviens jamais de c'que je rêve, mais ça devait être un putain de cauchemar, pour pas changé. T'as beau être crevée, t'as le causant. Mais ça va généralement avec la fatigue. Soit t'es une larve, soit un moulin à parole comblée d'une pile électrique qui fonctionne et puise son énergie dans son système de secours. Et toi? Première semaine, j'suppose que t'es encore en train d'faire tes marques ici? Il faut du temps, toi, t'as pas encore totalement tes marques, alors lui qui a une semaine de décalage.

Elle ne semblait pas dans son assiette, ou peut-être était elle toujours comme cela, mais j'en doutais fortement. Alors j'avais essayé d'en savoir un peu plus sur les raisons de son état actuel. Certainement pas par altruisme, parce que jusqu'à preuve du contraire je ne le suis pas mais j'aurais plutôt dit par curiosité. « Ça arrive à tout le monde, ça va passer. » lui dis-je en haussant les épaules lorsqu'elle m'avoua qu'elle était simplement fatiguée et qu'elle avait passé une mauvaise nuit. C'était notre lot à tous, il y avait souvent des jours où la nuit avait été mauvaise et la journée n'était que le prolongement logique de notre nuit. « Oui c'est certain qu'il me faudra encore du temps pour m'y habituer mais ça va. Le chalet est magnifique et les gens plutôt sympas alors je ne me plains pas trop. » répondis-je dans un sourire. Après tout je n'avais pas encore fait de rencontre désagréable et mon aventure se passait jusque là sans encombre même si j'étais arrivé une semaine après tout le monde, je n'avais vraiment pas à me plaindre de quoi que ce soit.

Ça arrive à tout le monde, ça va passer. T'en doutes pas une seule seconde, t'es pas du genre à déprimé dans ton coin pendant des heures, là, tu cherchais juste à te réveiller tranquillement. Le café, c'était pas prévu, mais tu survivras. D'ailleurs, t'y penses plus réellement, c'est à peine si tu sens le tissus humide qui te colle à la peau, encore tiède. La pièce sent le café et cette odeur est loin de te déplaire. Tu regardes Jewon, qu'est à côté de toi. Il parle du chalet. Oui c'est certain qu'il me faudra encore du temps pour m'y habituer mais ça va. Le chalet est magnifique et les gens plutôt sympas alors je ne me plains pas trop. Les gens sont plutôt sympa? Hm. Mouai. Y avait des personnes qu'il valait mieux pas te foutre à dos. Genre la petite blonde, la métisse et le Beau gosse sur lequel t'as renversé ton vin. Oui, renversé, faut croire que t'es maladroite. Bon, pas vraiment, la première fois, c'était carrément voulu. C'était pas d'la drague, ca aurait tout aussi bien pu être une femme, tu voulais juste engagé la conversation. Enfin, tout ca pour dire que toi, tu t'méfies, sans pour autant les juger. C'est juste qu'ils ont pas l'air de se laisser faire et qu'ils savent probablement comment blesser les gens. Tu voudrais pas te frotter à eux. C'est quoi, la chose qui va le plus te manquer, ici, au chalet? Moi, j'pense que c'est mon cinéma, avec son odeur de pop-corn. C'est pas vraiment, TON cinéma, mais ton lieu de travaille que tu considères un peu comme ta deuxième maison.

Changeant radicalement la conversation de sujet, elle me demanda ce qui allait le plus me manquer ici. Question difficile, je ne déprécie pas ma vie mais disons qu'elle n'a rien d'extraordinaire et que quand on me posait la question, spontanément aucune réponse ne me venait à l'esprit. Je me rendais compte à quel point ma vie était vide de sens, et sans attache. C'était peut être le temps de changer, j'avais pourtant essayé mais sans succès. Peut être que cette fois-ci serait la bonne. « Je sais pas mon bar je crois. » lui répondis-je alors après quelques secondes de réflexion en haussant les épaules. Oui c'est sans doute là que j'aime le plus passer mon temps, je suis toujours entouré et puis servir des cocktails toute la nuit ce n'est pas si désagréable que ça. Surtout que je finis rarement la nuit seul. « Enfin j'y travaille, ne va pas croire que je suis alcoolique. » ajoutais-je, me rendant compte que mes paroles pouvaient prêter à confusion. Parce que si l'on ne sait pas que je suis barman, il est facile de s'imaginer que je passe toutes mes soirées ivres dans un bar miteux de Baltimore, ce qui n'est pas le cas.

Je sais pas mon bar je crois. Tu trouves ça dingue le nombre de gens qui vivent pour leur boulot. Toi aussi t'es comme ça. T'adore ce que tu fais, tu vois carrément pas c'que tu pourrais faire d'autre dans la vie mais... Parfois, tu te dis qu'il te manque quelques choses. Un plus. Un bonus. Enfin j'y travaille, ne va pas croire que je suis alcoolique. T'avais compris directement, mais l'fiat qu'il le précise, ça te fait rire. Tu tournes ton regard vers lui, t'as ce petit sourire qui persiste. Si tu l'es pas, tu l'seras avant la fin d'l'aventure. Alcoolique. Suffit d'voir comme les candidats picolaient l'année dernière. Enfin, une aventure est pas une autre. Tu souris toujours, mais tu détourne le regard. Qu'est ce qui te plait tant dans ton bar? Tu l'juges pas, t'es pareil, tu vivrais bien dans ton cinéma si tu l'pouvais. Tu poses peut-être trop de questions. Il va finir par croire que c'est un interrogatoire, en plus, t'es du genre à être cash et de ne pas avoir le moindre tact. Ta quetsion, elle pourrait être péjorative, mais non, elle ne l'est pas, parce que Fred, t'es une fille authentique qui pose les questions comme elles viennent. Tu triches pas, tu fais pas semblant, dans la vie, t'es juste maladroite. Avec tout. les gens, les objets, ton corps. T'abandonnerais ton bar par amour? Ou t'es pas du genre à y croire? Tu penses pas abandonné ton cinéma par amour. Enfin, t'as jamais été amoureuse, donc tu peux pas le certifier.

Il m'avait semblé essentiel de préciser que si j'aimais tant mon bar c'était parce que c'était mon lieu de travail et pas un endroit où je m'enfilais verre après verre chaque soir. On ne savait jamais qu'elle en vienne à se méprendre pour ma personne. Sa remarque m'arracha un léger rire. Je travaillais dans un bar et je n'étais pas encore devenu alcoolique, je doutais fort qu'une aventure comme celle-là me pousse à le devenir. Sa question me fit alors réfléchir. Ce que j'aimais dans mon bar ? Au départ c'était un simple travail en attendant de trouver mieux mais plus les mois passaient et moins j'imaginais mon avenir autre part que dans ce bar parce que je savais qu'au mieux je pourrais obtenir un poste comme serveur et je préférais mieux être barman. Et finalement j'avais fini par m'attacher à ce lieu. « C'est vivant, il y a toujours du monde. On n'a jamais le temps de s'ennuyer. » Ce qui était l'exact contraire de ma vie, c'était sûrement pourquoi j'aimais y passer autant de temps sans doute parce que l'ambiance contrastait avec mon misérable quotidien. « Et toi qu'est-ce qui te plaît tant dans ton cinéma ? » lui renvoyais-je la question. Après tout elle semblait aussi pratiquement vivre pour son travail, je n'étais pas le seul. Personne n'allait pas me manquer en dehors du jeu, simplement mon bar c'était ridicule mais c'était la dure réalité. « Je sais pas je suppose que si je rencontrai la bonne personne oui, mais je crois qu'à force j'ai cessé d'y croire. Qu'en est-il pour toi ? » Oui je savais que quitter le bar dans lequel je travaillais était tout à fait envisageable si jamais je rencontrais la bonne personne un jour ou l'autre. Mais jamais je n'étais tombé amoureux dans ma vie, et même si je n'avais que vingt-quatre ans j'étais persuadé que personne ne saurait jamais me convenir, sans doute parce que j'étais bien trop difficile.