⇝ quatorze heures, mardi 15 mai

C'est ce qui s'appelait une après-midi calme. Mais vraiment, vraiment calme. Trop calme. Ça confinait à l'emmerdement profond. Allongée sur l'un des sofas du salon, un bouquin à plat sur le ventre ― Jane Eyre et là, franchement, elle commençait à souffrir d'une sévère indigestion de Brontë ―, Bambi cherchait, sans grand succès pour le moment, une quelconque occupation un rien entraînante. Elle avait lâché son ouvrage, en arrivant au moment où la pauvre Jane apprend l'existence de Bertha la Folle, première épouse de Rochester et blablabla. Ce bouquin, elle l'avait déjà lu trois fois depuis son entrée dans le chalet et c'était déjà trois de trop. Elle n'arrivait plus à lire une seule ligne sans pousser un soupir las et, pour finir, elle l'avait laissé choir sur son abdomen. Remontant ses jambes laissées nues par son short en jean plutôt minimaliste, elle serra les genoux et poussa un nouveau soupir. « C'est fou ce qu'on s'amuuuuuse ! » lâcha-t-elle en remontant les manches de la marinière un peu trop large qu'elle avait enfilé un peu plus tôt dans la journée, après l'avoir piqué à l'une des filles. Bon, c'était un peu de sa faute aussi. Elle pouvait se bouger, sourire, déconner avec les uns, plaisanter avec les autres. Ouais mais bon. Aujourd'hui, elle se sentait légèrement de mauvais poil, s'étant probablement levée du pied gauche et avait tendance à s'agacer d'un rien. Il y avait des jours avec et des jours sans, hein. Eh bien, aujourd'hui était un jour sans, point barre. Celui qui n'était pas content n'avait qu'à faire avec.

« C'est fou ce qu'on s'amuuuuuse ! » Fut la phrase que j’entendis quand je passai devant le salon. Je me rendis donc à l’intérieur de ladite pièce et me rendis compte que Bambi était allongée sur le dos, dans une position bizarre. Je fronçai les sourcils et désignai la marinière qu’elle portait « Ce n’est pas à Ellea, ça ? » demandais-je en m’approchant. Puis je m’installai sur un fauteuil, les jambes en tailleur. « Limite, je m’en fou. » ajoutais-je finalement. Je me penchai vers elle et attrapai le bouquin sur son ventre. « Aaaah vraiment, et tu dis que tu t’emmerdes ? Tu m’étonnes. T’as vu ce que tu lis ! » Dis-je avec un faux air consterné, qui était un peu trop honnête en fait. Elle pouvait faire plein de trucs si elle le voulait, non ?

C'est Malika qui, finalement, se pointa finalement au salon alors que les autres l'avaient déserté. « Ce n’est pas à Ellea, ça ? » fit-elle, les yeux froncés avant de prendre place sur l'un des fauteuils tout proche. Bee haussa les épaules, triturant l'ourlet de la marinière. « Aucune idée.. c'était pas rangé donc j'ai décidé que ce serait à moi aujourd'hui » marmotta-t-elle avant de s'étirer, retenant à grand peine un bâillement. La grande brune en profita pour lui tirer le bouquin. Une moue un rien agacé se peignit sur son joli minois. « Aaaah vraiment, et tu dis que tu t’emmerdes ? Tu m’étonnes. T’as vu ce que tu lis ! » commenta-t-elle. Bambi-Jane haussa un sourcil avant d'éclater de rire. D'accord, d'accord, ce livre-là n'était pas le premier auquel on pensait pour se divertir. C'était plutôt le genre de bouquins chiants qu'on devait se taper pour le lycée et qu'on finissait par lire de mauvaise grâce la veille du contrôle de lecture. « J'aime bien ce bouquin.. enfin, j'aimais bien ce bouquin. Encore une ligne et j'crois qu'il va finir au feu » L'espace de deux secondes, son regard se porta sur la cheminée éteinte avant de revenir sur sa camarade. « Ils sont tous partis faire la sieste ou quoi ? » demanda-t-elle en fronçant le nez. C'était tellement calme que c'en devenait déprimant.