Timothé

Alors là bravo... bravo Dimitri ! Ta maladresse nous étonnera toujours. Non mais sérieusement, j'en venais vraiment à me demander si je n'étais pas le type le plus maladroit, ou bien le plus malchanceux, sur Terre tant je collectionnais les petits incidents aussi ridicules qu'inévitables ces derniers temps. Hier c'était le beurre qui, dans la cuisine, avait giclé de mes mains pour aller s'écraser directement sur la fenêtre ; et aujourd'hui, il y a cinq minutes en fait, c'était le pot de confiture qui venait de basculer du bord de la table pour venir s'éclater par terre. La chute avait été brutale, le pot n'avait pas survécu. Désormais la moquette blanche immaculée se voyait grossièrement tâchée de confiture de framboises... Il me fallait donc nettoyer en vitesse, une fois encore, avant que les dégâts n'empirent ou que quelqu'un ne foute un pied dedans. Alors que je m'apprêtais à courir jusque dans la cuisine pour me saisir d'une éponge, d'un saut, d'essuie-tout, de n'importe quoi pouvait dissimuler ma bêtise avant l'arrivée de mes camarades - je me croyais à l'abri pour une dizaine de minutes, m'étant levé particulièrement tôt ce matin -, j'entendis des pas se faire de plus en plus proches. Le temps de relever le museau, un jeune homme était là, devant moi, et visiblement prêt à petit-déjeuner lui aussi. Enfin c'était une supposition, hein. Que pouvait-il bien faire dans cette salle à manger à près de dix heures et demi du matin, je vous le demande. J'effectuai alors un geste brutal de la main, comme pour l'empêcher de faire un pas de plus. « Non ! Ne... ne marche surtout pas dedans, je... vas pas empirer la situation, je vais ne... nettoyer. » On avait vu meilleur accueil, tout de même. Voilà pourquoi je me repris aussitôt. Par chance, j'avais retenu le prénom du jeune homme, ce qui se voulait fortement exceptionnel quand on me connaissait. « Désolé, hum... Bonjour Ti... Timothé. Comme tu le vois j'ai... fais quelques bêtises. En témoigne cette a... affreuse tâche sur la moquette. » Ah vraiment, ça n'était pas très beau à voir. De toute manière j'allais finir par ne même plus être étonné de mes exploits... À force, on s'y habitue presque. Hier le beurre, aujourd'hui la confiture et demain... la moutarde, peut-être ? Oh pitié non.

Tim venait de se lever. La tête dans le cul, en somme. Les boucles emmêlées et qui partent dans tous les sens. Des cernes jusqu'aux omoplates. La belle gueule, vraiment. Il débarqua en débardeur-caleçon dans la salle à manger, après avoir été faire un rapide tour dans la cuisine pour choper un bol et une cuillère ainsi que du lait et une boite de céréales pour le petit-déjeuner. Il débarqua dans la salle à manger, et manqua de s'évanouir. Le sol, tâché de rouge partout, du sang. Un petit hoquet de peur sortit de sa bouche. Oui il sentait l'odeur du sang c'était sûrement cela. L'odeur du sang avait pour habitude de lui faire tourner la tête, ne fut-ce même que la vue du sang. Il fallait qu'il s'asseye mais les chaises étaient trop loin. Il remarqua alors Dimitri, l'auteur du crime sûrement. Avait-il blessé ou même.. TUÉ quelqu'un ? Ou s'était-il blessé lui même ? Dimitri tout en bégayant lui défendit de marcher dedans. Dans le.. sang. Et il tomba finalement dans les pommes. Sur le sol, juste à côté des tâches de sang. Il entendit la voix de Dimitri au loin mais ne put discerner ses paroles.

Je pensais être tranquille encore une dizaine voir une quinzaine de minutes avant d'avoir à rendre des comptes à mes camarades si je n'étais pas parvenu à faire disparaitre cette affreuse tâche de confiture actuellement bien étalée et répandue sur la moquette. Seulement, c'était sans compter sur l'arrivée de Timothé dans la salle à manger, que j'avais d'ailleurs prié de ne pas marcher dedans histoire de ne pas empirer et donner plus d'ampleur à la tâche déjà conséquente. Mais voilà, tout ce qu'avait pu retenir Timothé de mes paroles était que j'avais fait une bêtise. Allez savoir ce que le mot "bêtise" avait alors signifié à ses yeux... toujours était-il qu'un instant plus tard, le jeune homme tombait à terre, évanoui. J'en fus d'abord choqué, avant de paniquer un peu, tout de même. Personne ne s'était encore écroulé de la sorte devant moi. Autant vous dire que cette brutale chute me fit très, très peur. « OH MON DIEU ! TI... TIMOTHÉ ?! » Je plaçai mes mains de part et d'autre de son visage, avant de donner une grosse claque au jeune homme. N'y voyez là aucune intention de ma part de lui faire mal. Je ne souhaitais qu'une chose : le faire revenir à nous. Il semblait conscient, mais à peine. « Timothé ! Tu... tu m'entends ? À L'AIIIIIIIDE ! » Vue la solidarité qui régnait dans ce chalet, j'avais de très fortes chances d'être amené à devoir m'occuper seul du cas Timothé. Le jeune homme ne répondant toujours pas, je me saisis de la première chose que j'eus sous la main, à savoir un verre d'eau, avant de le renverser sur le visage du garçon. Pourvu que la claque, suivie de l'eau (fraiche, il me semble), puissent parvenir à réveiller Timothé. Parce qu'avec des tâches rouges un peu partout sur le sol et un jeune homme à terre, j'aurais vite fait d'être accusé de meurtre ou de quelque chose dans le genre.