Allô maman bobo ♣ 25/07 - 23h17

PABLO & DRAY

Dray répondait à tous les stéréotypes de l'enfant pourri gâté. A vingt-neuf ans, maman faisait à manger, lavait ses vêtements, et repassait même ses boxers. Elle payait le loyer, aussi. Forcément, comme le jeune homme vivait encore chez ses parents. C'était la femme de sa vie. Sans elle, il serait surement mort de faim depuis longtemps. Cette aventure, en plus de ce concept affreusement niais de trouver l'amour, était pour cet assisté un moyen de s'assumer. La confrontation à la réalité du quotidien devenait plus violente à chaque heure passée à bord. En tant que première journée dans l'aventure, celle-ci fut très remplie, surtout en rencontres, et ce n'était pas encore finit. 23h et quelques. Logiquement, un repas l'attendait dans le frigo. Par automatisme, naïvement, le candidat ouvrit ce dernier, s'attendant à en sortir un de ces mets avec son prénom dessus. Échec. « Raaah. Faut tout faire soit-même sur ce yatch. » Pesta-t-il en claquant la porte. Ce n'était quand même pas trop demander que des cuisiniers s'occupent de les nourrir à toutes heures si ? … Si, peut-être. « Toujours en pause, y a vraiment des gens qui sont payés à rien faire. » En même temps mon grand, ce n'est pas vraiment une heure pour diner. Heureusement étaient fournis quelques bouquins de cuisine. Ce qui ne servit strictement à rien, vu l'ignorance complète du jeune homme dans le domaine. Après quasiment deux minutes d'intense réflexion ; gémissement. « Je veux ma maman » Comme un gamin. Il perdait tout d'un coup de sa superbe, c'est sur. Si un jour superbe il y eu. Plié en avant, le visage écrasé contre le livre de recettes, le mot désespoir paraissait encore trop faible en comparaison à la scène proposée par notre new-yorkais.

Pablo s'était éclipsé de la fête, discrètement. Les candidats étaient tous très occupés, ils ne remarqueraient pas son absence. Et de toute façon, il y avait encore au salon encore assez de joueur pour que le jeu en cours n'en soit pas handicapé. Un sourire amusé barrait son visage - certains de ses compagnons étaient franchement éméchés, et le spectacle n'en était que plus drôle à regarder. Bref, lorsqu'il se retira, ce fut tout naturellement vers la cuisine qu'il se rendit, dans l'idée de se servir un verre d'eau, qui aiderait à diluer l'alcool qu'il avait dans le sang. Il avait bu certes en moindre quantité que d'autres, et il avait acquit une assez bonne résistance à l'alcool, mais il devait absolument rester maître de ses actes. On pouvait le voir comme étant un rabat-joie, lui, préférait se voir comme indépendant. Donc, préférant ne pas prendre de risque, il déboula dans la cuisine. Quelqu'un s'y trouvait, ce qui l'étonna. Il finit par reconnaître l'un des nouveaux, qui était penché sur un bouquin. Sans faire attention à lui, il se servit un verre d'eau qu'il vida d'un trait. Un gémissement le tira de ses pensées. Et qui le fit éclater de rire. « Vu l'âge que tu as, ta maman doit être au moins aussi vieille que Poe ! » rigola-t-il. Vive les références de prof de litté. Pablo s'approcha néanmoins de Dray - c'était bien comme ça qu'il s'appelait, non ? - et posa le regard sur ce qui le captivait tant, lui arrachant un haussement de sourcils perplexe. « T'essaies de faire quoi, là ? » demanda-t-il. Il était un peu tard pour manger, quand même.

Ah, quelle soirée. Heureusement, l'air marin semblait avoir des vertus sur les mines défraichies par l'alcool. Même si Dray avait choisit de couper court aux jeux qui se déroulaient dans le salon du yacht, il avait continué à siroter quelques verres sur la terrasse, accompagné d'un tabac bien mérité. Mettons ceci sur le compte de l'âge ; à croire qu'il y avait une date de péremption aux activités. A partir d'un moment, ce qui vous amusait encore hier, vous ennuie aujourd'hui. Marqueur de temps aussi inquiétant que les rides. Tient, en parlant d'âge. « Edgar Poe ? » Demanda-t-il, hagard. « Compare encore une fois ma mère à un mec qui doit maintenant tenir de la poussière, et je fais des sushis de Pablo pour mon diner. » Le menaça-t-il.. avant de marmonner. « Enfin, faut déjà que je trouve comment on fait. » Soupire. Bon, il n'allait pas rester plié en deux jusqu'au petit matin, un peu de tenue que diable. Se redressant soudainement, les mains masculines s'appuyèrent sur le plan de travail et il se hissa sur ce dernier. Le jeune homme empoigna le livre de cuisine, et le tendit au candidat. « Cuisiner. J'essaye de cuisiner. De décoder ce livre. » Ses billes glissèrent sur les traits de son interlocuteur, l'espace de minimes secondes. « Je suis convaincu que dans cette caboche de gendre parfait il y a des talents exploitables en cuisine. » Par talent, il visait le fait de savoir au moins casser un oeuf, niveau de difficulté que n'avait pas encore réussit à franchir le protagoniste.

Bon. Au moins, il n'avait pas affaire à un ignare. S'il y avait bien quelque chose que Pablo ne supportait pas, c'était le manque de culture générale, qu'il apparentait la plupart du temps à la bêtise - tare dont il avait tout autant horreur. Vieux réflexe de prof. Les sportifs sans cervelles et les gamines écervelées, très peu pour lui - il ne prenait alors même plus la peine de faire semblant. « Des pâtes au Pablo, ce serait déjà plus réaliste » se moqua-t-il gentiment. Non seulement le jeune homme était italien, mais en plus ils étaient certainement encore en train de se balader au beau milieu de la Méditerranée. Alors des sushis ? Quelle bonne blague. Surtout que la bouffe japonaise, non merci. Bref. Toujours debout à côté du brun, son regard glissa jusqu'au livre qu'il tenait ouvert sous son nez. Un livre de cuisine. Plongé dans l'examen de l'illustration de la recette proposée sur la page - ça avait l'air franchement dégueu - il ne fit pas attention à Dray qui s'asseyait sur le plan de travail. Il sursauta, du coup, lorsqu'il referma d'un coup le bouquin et le lui tendit. San le prendre immédiatement, il adressa à son compagnon un signe de tête, un peu perplexe. « Tu parles au mec qui fait vivre à lui seul la pizzeria de son quartier, là. » Dans la catégorie " je bouffe comme un crevard mais j'ai une santé de fer un et une ligne du feu de dieu " Pablo était un champion. Nul aux fourneaux, il devait toujours aviser lorsque l'heure du repas approchait. Le choix qu'il devait faire alors se résumait à : a) se faire inviter chez quelqu'un, b) commander une pizza, c) se payer un petit resto, d) improviser un plat de pâtes à moitié cuites ou des trucs surgelés qui s'avéraient la plupart du temps ratés, e) ne pas manger. « Mais si même à nous deux on arrive pas à arriver à quelque chose, je te paie la corde. » Une fausse grimace entendue se peignit sur son visage. Ça va, ce n'était quand même pas si dramatique de n'avoir aucun talent culinaire. « Allez, file-moi ça ! » Il attrapa le livre de cuisine, une lueur de défi dans les yeux. « Monsieur a-t-il choisit ce qui lui ferait plaisir ? » demanda-t-il, le regard baissé sur le livre, qu'il feuilletait déjà.

Le bougre reprit Dray, ce qui provoqua chez ce dernier un regard vers le plafond. C'est qu'il n'appréciait pas ça, qu'on rectifie ses dires, que ce soit légitime ou non. Une marque de gaminerie malgré son âge, surement. Il est vrai que le prénom même de son interlocuteur pouvait faire deviner ses origines, autant que le sien, américain au possible, ne laissait guère percevoir leur Italie commune. Pourtant. Entre pâtes et pizzas, notre cher candidat remplissaient tous les stéréotypes du rital de base, ce qui fit sourire doucement le joueur de poker. Ce qui était moins drôle, par contre, c'était la nullité apparemment partagée en matière de cuisine. Ca ne l'arrangeait pas tout ca, lui qui voyait déjà son salut au bout des doigts doués de Pablo. Mais peut-être, finalement, puisqu'il lui proposa tacitement qu'ils s'y mettent tous les deux. C'est bien, il avait de l'espoir. Dray un peu moins. « Trop aimable. Au moins je me distinguerais dans cette aventure d'une certaine façon. Faudra pas trop me jalouser quand mon visage prendra possession de toutes les Une. » Une mort dans une télé-réalité, nul doute que ca ferait vendre. « Hum.. » Ainsi, il pouvait même choisir le menu ! Cette position lui plaisait, et la décontraction qui gagnait ses traits ne pouvait le contredire. Heureusement, ses papilles n'étaient pas difficiles. Alors que son co-cuisinier d'un soir feuilletait le livre, le garçon appuya sa main sur une page au hasard, lisant à l'envers. « Pâtes à la carbonara ! Facile pour toi non ? » Lui glissa-t-il en passant derrière lui pour rejoindre les frigos, à la recherche des ingrédients. Lardons, jambon, crème et compagnie vinrent garnir le plan de travail. Alors qu'il jetait un coup d'œil distrait sur la recette, il décida de profiter de ce moment de réflexion en commun pour cuisiner non pas le plat, mais Pablo lui-même. « Parle moi de ton aventure. Ton avis sur les candidats, les personnes qui se distinguent, celles qui s'effacent.. » Le candidat semblait posé, et à première vue, c'était quelque-chose d'assez rare sur le yacht, assez pour que Dray s'intéresse à son avis.