Un brin de lumière solaire illuminait le visage de Hassan alors qu'il ouvrit un oeil puis l'autre. Il se retourna sauvagement dans son lit, tortillant sa couette dans tous les sens et laissant entrevoir toute sa jambe découverte jusqu'au bout de son caleçon. Un nouveau candidat les avait rejoint, lui et Pablo, dans la cabine qui portait le numéro 305. Tous deux dormaient encore profondément. Hassan essaya de s'endormir à nouveau, en vain. Il se tourna et se retourna entre ses couettes, finissant par en faire une vraie boule. Il se frotta les yeux comme un petit enfant fatigué et contempla le plafond tout en réfléchissant longuement, encore la tête dans le cul comme on dit chez lui. Il regarda alors vers les deux lits de ses colocataires de chambre, tous deux aussi emmitouflés dans leurs couettes. Il fallait dire qu'il était mal tombé, dans la chambre de deux bomes sexuelles. Hétérosexuelles, surtout. La poisse. Mais Hassan était persuadé qu'il avait arriver à ses fins avec Pablo. Ne sachant plus dormir et ayant assez profité du confort du matelas, Hassan s'assit sur son lit, laissant voir ses jambes dénudées ainsi que son caleçon et son torse nu. Il regarda longuement ses deux colocataires jusqu'à ce que l'un d'entre eux se réveille. Il allait enfin pouvoir ouvrir sa bouche et faire la causette à quelqu'un. Mais d'abord une pause pipi s'imposait. Pas le temps, son coloc' lui adressait déjà la parole.

Note à soi-même. Ne plus jamais boire de café. Jamais. Never. Nunca. Mai. Nie. Nunquam. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Pablo n'avait jamais bu une seule goute de café avant la veille au soir. Le matin, c'était jus de fruit, et s'il voulait veiller, c'était red bull. Le café ça bousille les dents, le red bull la santé. Quite à être bousillé de toute façon, autant rester présentable. Bref, pour la première fois de sa vie, il avait décidé de se mesurer au café - ce qu'il trouvait tout bonnement dégueulasse, au passage - car il s'était plongé dans un livre vers minuit et demi, et il ne pouvait se résoudre à s'arrêter en plein milieu. Peu habitué au breuvage, il s'était finalement retrouvé à être incapable de s'endormir. Ce n'était que vers quatre heures qu'il sombra finalement dans le sommeil. Alors qu'il était partit pour dormir jusqu'au zénith, pour récupérer de son manque de sommeil durant la nuit, il fut réveiller un peu après dix heures par un bruit dans la cabine. Encore endormi, il se redressa, assis bien droit sur son matelas, le regard vide, le cerveau ailleurs. Ses yeux glissèrent jusqu'à Hassan, à l'origine de ce raffut - ou de ce qui lui avait semblé être un raffut - matinal. « Hakim ? non, Hassan... tu vas où ? » annonâ-t-il sans s'en rendre compte. Il ne maîtrisait même pas son esprit, plongé dans un demi-sommeil le faisant raconter n'importe quoi. « Je viens de dire quoi, là ? » Il bailla, soupira, cligna plusieurs fois des yeux, finit par dévisager Hassan, paupières plissées, comme si c'était lui avait dit quelque chose d'incompréhensible. Ça lui arrivait, parfois, lorsqu'il se réveillait trop tôt. Il avait cette manie de raconter n'importe quoi, lorsqu'il émergeait sans avoir ses heures de sommeil - et ce travers, qui n'allait pas en s'arrangeant, avait valu des heures et des heures de fou rire à ses parents. « Non, laisse-moi dormir... » ronchonna-t-il, en retombant sur son oreiller.

Le beau professeur se leva droit comme un i sur son lit drapé de blanc. On aurait dit un remake pourri de la Belle-au-Bois-Dormant se réveillant après son baiser tant attendu. Si seulement avait pu lui donner un baiser à ce ténébreux Pablo.. Enfin.. Tout vient à point à qui sait attendre. Il marmonna un prénom arabe puis parvint à trouver le bon pour appeler Hassan. Il lui demanda alors où il allait. Puis se rendant compte des âneries qu'il débitait, il le pria de le laisser dormir et retomba sur son oreiller comme une masse de vingt tonnes. Hassan ne put réprimer un fou rire alors qu'un ours ronflait déjà à côté de lui. Jones, lui ayant visiblement le sommeil lourd, dormait toujours, aucunement dérangé par le bruit que faisait Hassan dans la cabine. Hassan regarda alors la frimousse endormie du beau brun qui venait de lui faire une tirade ensommeillée. « Alors là mon mignon, tu te mets le doigt dans l'oeil. » C'était plus un monologue qu'autre chose puisque Pablo était reparti dans les bras de Morphée. Mais pas pour très longtemps. Hassan connaissait le moyen pour le faire sortir de son sommeil profond, un moyen qui n'échouerait sûrement pas. Pablo risquait même de s'énerver contre Hassan, mais après tout ils s'entendaient bien, et si Pablo était bien luné il en rigolerait à gorge déployée. Hassan osa alors une chose qu'il n'aurait jamais faite auparavant, bien trop peureux et bien trop timide pour cela. Il souleva quelque peu la couette de Pablo et se poussa dans le lit avec son collègue. Les deux professeurs furent bientôt blottis l'un contre l'autre dans le lit étroit de Pablo. Hassan y prenait un malin plaisir. Ça passe ou ça casse?

Un grognement de bien-être secoua le jeune professeur, lorsqu'il sentit son oreiller sous son oreille. Mon dieu, on sous-estimait beaucoup trop la compagnie des lits. Doux, affectueux, et toujours là lorsque vous en aviez besoin. Et contrairement aux femmes, ça ne vous faisait pas des crises de jalousie et ne vous parlait pas d'engagement. Pablo songea une seconde à renoncer aux femmes pour officialiser la relation qu'il entretenait avec son lit. Voilà. Il délirait. Ses paupières papillonnèrent. Ses yeux se fermèrent, et... Et il fut à nouveau réveillé. Par un corps étranger qui souleva sa couverture, produisant un sale courant d'air qui le fit remuer. Un bruit étrange du genre moitié grommellement, moitié juron s'échappa de ses lèvres tandis qu'il se retournait pour étrangler la source de ce désagrément. Il se retrouva alors collé à un corps. Un corps long et musclé. Un corps... d'homme ? Pablo rouvrit les yeux d'un coup, parfaitement réveillé. Stupéfait de voir le visage de Hassan si proche d'un seul coup, il eut une exclamation de surprise qu'il étouffa avec son poing, pour ne pas réveiller Jones. Les sourcils haussés, il faillit péter un plomb. Non. Encore trop fatigué. « Bizarre. J'étais pourtant sûr que c'était mon lit » fit-il en accentuant bien sur le signe de sa propriété. Son pieds le démangeait d'envoyer un bon coup dans les bijoux d'Hassan pour avoir osé se taper l'incruste dans son lit. D'autant plus que cette proximité le gênait. Certes, il appréciait Hassan, mais pas encore au point de faire un collé serré avec lui. Ce n'était pas le genre de truc qu'il faisait en général avec un mec. En bénissant les cieux d'avoir un si bon contrôle de lui-même - manquerait plus qu'il se mette à rougir - il désigna plutôt le troisième larron d'un regard. « Désolé mais nous ne sommes pas seuls. Repasse plus tard » ironisa-t-il. Pour confirmer ses dires et pour faire comprendre à Hassan que non, il avança son index jusqu'à la poitrine de son colocataire jusqu'à le toucher, le fit glisser tout doucement le long de son torse, jusqu'à son caleçon. Arrivé là, il recula la main. Dans un air de défi.

Une fois glissé sous les couettes de son charmant collègue de lycée, Hassan se sentait un peu plus proche du but. Après avoir embrassé Cameron il y a deux jours, il semblait être passé à la vitesse supérieure avec les mâles du bateau. Ces deux-là, en l’occurrence. Hassan fut alors surpris par l'action de Pablo qui se retourna comme un sauvage dans son lit et encercla son acolyte de ses bras lourds et endormis. La réaction du colocataire de chambre d'Hassan fut alors des plus marrantes. Ses yeux s'ouvrirent d'un coup, comme un poisson apeuré. Il retint un léger cri et remarqua le fait que cela était son, insinuant donc qu'Hassan n'avait rien à y faire. Ce qui était moralement correct, et Hassan lui donnait totalement raison. Cependant, Hassan avait osé et il allait continuer à oser. Sa démarche était lancée. Pablo montra alors à Hassan le corps de Jones endormi sous ses draps, ironisant qu'ils n'étaient pas seuls et ne pouvant donc pas passer à l'acte. Il le prenait plutôt bien, c'était .. étonnant. Hassan réprima un sourire victorieux mais ne disait toujours pas mot. Il préférait se taire, préférant le silence qui était, selon lui, bien plus énigmatique. L'homme au prénom de pizzaiolo tendit alors son index et le posa sur le torse de Hassan qui ne put contrôler un frisson qui fila dans son dos. Que faisait-il, au juste? Hassan loucha sur le doigt du beau brun qui descendait tout doucement vers l'objet sexuel qui lui servait de cerveau en ce moment. Tuptuptup, tup. Le vilain petit doigt se stoppa net à la couture du caleçon d'Hassan, qui ne put s'empêcher de s'agrandir à vitesse grand V. Hassan regarda alors son partenaire de lit dans les yeux, le visage neutre mais qui cachait un sourire. La main d'Hassan caressa alors le vilain doigt d'une façon lente et désireuse et remonta jusqu'à la main du jeune homme. Hassan joua avec les quelques petits poils qui avaient fait surface sur la main du professeur de littérature. « Que comptes-tu faire, au juste? » lança Hassan, répondant au défi de l'hétérosexuel qui semblait changer de bord.

Un lit. Celui de Pablo. Dedans - son propriétaire. Et, depuis peu, quelqu'un d'autre. Le colocataire de service. Rien de plus normal. Sans doute le jeune professeur n'aurait-il pas accepter la situation avec autant de laxisme, si le moment avait été autre, et s'ils avaient été seuls. En effet, Jones, bien qu'endormi, se trouvait également dans la pièce, ce qui le rassurait un peu. Pas qu'il avait peur de commettre quelque chose qu'il pourrait regretter plus tard - en fait, il s'était même toujours promis de tenter au moins une fois une expérience homosexuelle - c'était plutôt la perspective que son corps puisse le trahir qui l'effrayait. Il se savait hétéro, et même si, en toute objectivité, Hassan n'était pas un homme repoussant, il savait qu'il n'avait pas systématiquement chaud dans le bas du ventre en le voyant complètement à poil, lorsqu'il se changeait. Mais "le corps a ses raisons que la raison ne connait point" pourrait-on reformuler. Et qu'il puisse perdre ses moyens ne serait-ce qu'une seconde était pour lui la pire des trouilles. Rien que d'y penser, il se sentait faible. Ce fut au tour du trentenaire de jouer. D'un geste aussi léger qu'avait été celui de Pablo quelques secondes plus tôt, les doigts de son colocataire remontèrent le long de sa main, tirant une grimace ironique à l'intéressé. « Et toi, que comptes-tu faire ? Tu vas continuer à me courir après jusqu'à la fin du jeu ? » éluda-t-il. Son ton avait été emprunt de sarcasmes, mais il se posait réellement la question en son fort intérieur. Sérieusement, allait-il passer son temps à le chauffer comme il le faisait depuis le début, dans l'attente que Pablo craque ? Peut-être. Ou peut-être qu'il finirait par se lasser. Ce n'était pas les hommes - ni même les femmes, puisque Hassan était bisexuel - qui manquaient, sur ce bateau. « Je suis sûr que Cameron ne serait pas contre le fait de tâter de ton canaris. » Ses lèvres s'étirèrent en un grand sourire hypocrite.

Le beau brun grimaça au touché de sa main par son partenaire de lit. Visiblement, il avait toujours des réflexes purement homophobes. Dommage. Mais Hassan comptait bien les lui faire perdre. Pablo lui demanda alors ce que lui comptait faire. Lui courir après jusqu'à la fin de l'aventure? S'il savait, Hassan en avait grandement envie. Mais ce serait trop pitoyable de passer pour le petit mendiant qui ne voulait qu'une chose : se taper Pablo. Celui qui ferait tout pour y parvenir, non ce ne serait pas Hassan. Il n'avait pas envie de se battre pour cela, ce serait Pablo qui reviendrait vers lui tout naturellement, il en fit le serment. Les deux hommes étaient toujours dans le même lit, silencieux, se regardant. Pablo continua alors en remarquant que Cameron, lui, ne serait pas contre le fait de tâter le canari de Hassan. Mais ça, Hassan le savait très bien. Cameron s'était dès l'entrée dans le jeu annoncé comme bisexuel. Pablo non, au contraire. Et c'est tout ce qui plaisait à Hassan, la conquête d'un hétérosexuel. C'était tombé sur le colleur de services, tout simplement parce que Hassan le trouvait irrésistible et qu'ils s'étaient retrouvés dans la même chambre. Pas de bol mon petit Pablo. Ce dernier souria comme un hypocrite, ce qui ne plut pas vraiment à son collègue. Il envoya passer la couette sur la tête de Pablo et sortit illico presto du lit conjugal - ou futur lit conjugal si vous préférez. « Ton hypocrisie je m'en passerais volontiers. Et puisque j'ai l'air si lourd que ça, non je ne te courrai plus après à partir de maintenant. Content? » Hassan se tenait debout - toujours en simple caleçon - entre les lits, le visage fermé et regardait fixement l'homme qui le faisait craquer comme personne d'autre.

Retournement de situation. Brusquement, Hassan se releva, rejeta le pan de couverture qui le recouvrait sur Pablo, qui en ressortit tout ébouriffé. Lorsque celui-ci se débarrassa du drap, et qu'il se redressa à son tour, assis sur le matelas, son colocataire était déjà hors de lit, visiblement mécontent. Quoi encore ? Tous deux se fixaient de loin et, si le regard du trentenaire était hostile, celui de l'italien était plutôt pensif. Il le jaugeait avec intérêt, sans gêne. « Pas particulièrement. » Un temps. « Et puis, je ne me souviens pas avoir dit que tu étais lourd, je t'ai simplement posé une question. » Plusieurs secondes passèrent, suite à cette réflexion de Pablo. Il n'était pas franchement sûr que Hassan se sente mieux après ça. De plus, ce n'était pas exactement la vérité. Quoi qu'on en dise, plaire ne laisse jamais indifférent. Mais mince, il n'allait pas lui tailler une pipe pour arrête de tirer la gueule. Il soupira cependant imperceptiblement, avant de lui adresser un sourire d'enfant qui demande pardon. « D'accord, je suis désolé, je ne voulais pas que tu le prennes mal. » Penchant légèrement la tête sur le côté, Pablo le regardait toujours. « Mais toute belle gueule que tu aies, ne compte pas sur moi pour te supplier de me pardonner, navré » ajouta-t-il. Et puis quoi, encore ? Il était prêt à beaucoup de choses pour rester dans les bonnes grâces de personnes dont il souhaitait qu'elles aient une bonne image de lui, certes, mais pas au moins de mettre à ce point sa fierté de côté. Si Hassan était à ce point susceptible, tant pis pour lui. D'autant plus qu'il ne comprenait pas ce qu'il avait fait pour que l'homme prenne la mouche à ce point. Était-ce sa réflexion sur Cameron, ou le sourire qui l'avait accompagné ? Une remarque taquine, bien que vraie, ou une moue faussement moqueuse ? Ou peut-être simplement le fait de ne pas être désiré comme lui désirait.