La deuxième escale lui plaisait un peu moins que la première mais restait spectaculaire. Naples, l’Italie. Pour eux, pauvres petits américains, l’Europe avait longtemps était un rêve inaccessible, pour elle en tous les cas, mis à part Paris. Ce voyage était donc une expérience unique de plusieurs façons. Elle n’avait pas l’habitude de vivre dans le luxe et cela se ressentait parfois à comment elle s’habillait. Mais cela lui convenait parfaitement, elle n’accordait que peu d’importance à la mode et refusait catégoriquement de dépenser tout son salaire dans des vêtements. La journée étant incroyablement belle, elle passa simplement une petite robe courte et attrapa la note qu’elle venait juste d’écrire. Dray, rendez vous à l’ Orto botanico di Napoli à quinze heures trente. Elle n’avait pas signé, n’avait rien précisé d’autre. Il viendrait ou non. Elle l’avait scotché sur la porte de la cabine avant de partir en direction de Naples, son matériel de peinture à la main. Elle avait entendu parler des jardins de Naples, avait rêvé de pouvoir le contempler tellement de fois qu’en arrivant à destination, elle en resta éblouie des minutes durant. Tout y était splendide, les agencements parfaitement bien menés, rien ne dépassait, tout n’était que pure merveille. Elle y avait déjà passé la journée de la veille mais ne pourrait jamais se lasser de ces jardins, jamais. Contrairement à la veille, elle s’installa cette fois, près du plus vieil arbre, comme indiqué dans le mot. Commençant à peindre, elle ne vu pas l’heure passer mais en apercevant une silhouette connu passer devant elle, elle esquissa un sourire et l’interpella. « Ici c’est parfait, ne bouge plus. » Elle posa son crayon et quitta l’abri de son chevalet pour aller à sa rencontre. « Rosaly, c’est moi qui t’ai fait venir. J’ai remarqué ton profil et je pensais que ce serait parfait pour mon dessin. Si tu es d’accord pour poser bien entendu. » Il y avait un banc juste sur leur droite et elle le désigna du regard, attendant une réaction de sa part. Elle dévoila aussi ce qu’elle avait dessiné la veille au soir avant de rentrer, lui tendant le dit dessin encore enroulé. « Si tu désires un petit aperçu de ce dont je suis capable. »

L'Italie. Pays cher à son cœur, sans que Dray y ai pourtant déjà mit un pied. Son sang respirait cette nation, sa famille en portait les gènes et les mœurs. Trop casanier, y fouler le sol était un doux rêve qu'il ne mit jamais en application. Depuis qu'ils avaient accosté, il trainait sa carcasse dans les rues inconnues, se délectant de l'ambiance, et de cette liberté. Aujourd'hui serait surement rythmé du même programme que la journée précédente. Pourtant. Aux environs de midi, le garçon émergea. En sortant de sa cabine il aperçu évidemment la note scotchée à sa porte. Un rendez-vous, avec une personne de sexe et d'identité inconnue. Hum, sa curiosité le perdra. Enfilant son costume -dont il oublia volontairement la veste-, il remonta sa chemise blanche jusqu'aux coudes, encouragé par la chaleur. Un peu en avance, le new-yorkais arriva au point de rendez-vous ; et alors qu'il cherchait du regard la rédactrice du mot, cette dernière se manifesta. Docilement, l'homme s'exécuta, restant les pieds encastrés dans le sol, sans bouger. Le pourquoi de cette requête, il l'apprit bien vite. Ses lèvres se pincèrent dans une attitude perplexe, peu habitué à une telle proposition. Son habitude à lui, était d'être « trop », ou « pas assez », jamais celui qu'il faut, parfaitement. « Je suis d'accord.. je suppose. » Réponse un peu bancale. Rosaly lui tendit un dessin, qu'il saisit. « Inutile. » Il garda pourtant la feuille roulée entre ses doigts, comme un trésor qu'il était peu enclin à lâcher, et encore moins à en visionner le contenu. Question de garder la surprise, ou de ne pas appréhender, au choix. « J'ai confiance. Si le résultat final ne me plait pas, je trouverais toujours un moment pour te faire passer par-dessus bord. » Esquissant un léger sourire du coin des lèvres, le candidat prit la direction du banc préalablement désigné.

Rose n’avait eut que peu de contacts avec les nouveaux arrivants. Elle connaissait vaguement leurs noms mais surtout ne savait rien d’eux et elle n’aimait pas cette ignorance. Et par-dessus tout, elle détestait les appeler les nouveaux et voulait arriver à les voir comme des candidats au même titre que tous les autres, mais pour cela il fallait qu’elle les côtoie un minimum. Si elle n’avait pas donné en personne le mot à Dray c’est que d’une certaine façon elle trouvait ça plus mystérieux. Les rendez vous anonymes rendent la chose plus attrayante, plus attendue. Elle pouvait aussi bien le décevoir mais peu lui importait, après tout elle voulait seulement apprendre à le connaitre. Si en plus elle pouvait avoir l’occasion de faire son portrait ce n’était que gagnant-gagnant. Elle l’avait remarqué dès qu’il était entré dans la discothèque. Il avait cette grâce des gens qui ne la conçoit pas, cette nonchalance qui donne un autre relief aux dessins. Lui demander simplement de poser sur le bateau était trop simple, elle voulait un cadre spéciale et par-dessus tout de la tranquillité, elle n’avait pas envie qu’on vienne regarder sur son épaule toutes les trois minutes. Quelque part elle ne lui avait pas laissé le choix mais elle était contente qu’il réponde positivement. Enfin, elle supposait. Il n’avait pas bougé d’un pouce depuis qu’elle lui avait demandé de s’arrêter, ce serait surement un modèle parfait, à l’écoute. Elle lui laissa son esquisse de la veille même s’il ne la regarda pas. Elle ne savait pas pourquoi il ne le fit pas mais ne s’en formalisa pas, il voulait peut-être simplement ne pas trop en attendre, ou pas assez. Esquissant un sourire à sa remarque, elle hocha la tête et recula pour se replacer derrière son chevalet. Crayon en main, elle leva les yeux pour l’observer un peu plus. « Parle-moi de toi, de ta vie, ton métier, ton enfance. » Elle ne pouvait pas dessiner et le regarder en même temps donc elle préféra se concentrer sur lui jusqu’à ce qu’il lui réponde avant de se plonger dans l’esquisse. Dans ces moments là, tout pouvait arriver sans qu’elle ne se rende compte. Quasiment coupé du monde, elle n’entendait plus rien et ne voyait que son modèle, Dray en l’occurrence. Plusieurs longues, pour lui sans doute, minutes, elle releva à nouveau la tête pour le fixer. « Raconte-moi quelque chose de triste, quelque chose qui t’as touché personnellement. » Il n’y avait aucune raison pour qu’il s’exécute, il n’y avait raison pour qu’il ne le fasse pas. Il ne le savait pas mais rose était digne de confiance.