MARILOU & DRAY

Foutu prime. Le précédent avait une saveur bien plus douce que celui que Dray venait de passer. L'excitation de l'entrée dans l'aventure, et maintenant, la colère due à l'aventure. La punition infligée par ce Noah lui restait en travers de la gorge. Il était mauvais joueur, il ne l'avait caché, mais cette voix déjà attribuée pour les nominations lui paraissait injuste, qu'importe ce que chacun en pense. Lui, aurait donné toute sa cagnotte, sans sourciller, l'argent n'était pas un problème. Il ne venait pas sur le yacht pour repartir avec un petit pactole. Incapable de mettre sa rage de côté, le jeune homme se laissa naturellement consommer par elle, en oubliant de s'amuser une fois les résultats annoncés. Alors que certains faisaient la fête, lui arpentait le bateau, armé de clopes et whisky, ayant perdu sa cravate en route et la chemise à moitié ouverte. Assez misérable en soit. Mais c'était ça ou sérieusement déconner. Il s'agissait donc d'un moindre mal. La terrasse l'accueillit en son sein pendant un moment, jusqu'à ce que le froid de la nuit fasse frissonner le corps du garçon. Il effectua donc un replis stratégique dans les cuisines. Lieu qui n'était pas choisit au hasard, puisque sa bouteille était vide. Quelle idée d'en prendre une déjà entamée, aussi. Farfouillant dans les placards et le frigo, il en sortit deux-trois. Vodka, whisky et du champagne. Observant les récipients un à un, il n'arrivait pas à se décider. S'allongeant sur les plans de travail comme s'il s'agissait d'une position tout à fait normale dans une cuisine, il fixait ses trois prétendantes du regard. Soupire désespéré, presque suppliant. « Je.vais.tuer.Noah » prononça-t-il, touchant du doigt une à une les bouteilles à chaque mot articulé, comme s'il s'agissait d'un moyen conventionnel pour choisir. Quelqu'un rentra dans la cuisine. Mais Dray s'en fichait, il devait faire la peau à Noah. Ah, non, c'était pas ça. Choisir une boisson, voilà.

Le prime était mouvement cette fois. Enfin, mouvementé. Disons que là, j’ai pu voir que des couples se sont déjà formés. Aussi rapidement. Mon dieu. J’en suis dépassée en fait. D’ici une semaine ou deux, peut-être même qu’on sera quatre ou cinq célibataires vous savez. Enfin, quatre ou six, vu que c’est pair. Sauf si un couple à trois se forme. Mais c’est assez rare hein. Mais bon, on ne sait jamais. C’est con. Je préfèrerai que ce soit plus long à se mettre en place tout ça. Qu’on puisse s’amuser un peu avant qu’il n’y ait des couples partout. Ce n’est pas que je suis jalouse, attention, mais c’est que maintenant, ça fait de plus en plus de personnes plus ou moins casées. Plus ou moins, parce que je doute que certains se mettent réellement en couple maintenant, mais on voit déjà les attirances des gens. Alors s’envoyer en l’air avec quelqu’un qui sera potentiellement en couple d’ici quelques semaines, non merci. Je préfère me rabattre sur les gens libres, totalement libres. C’est qu’après on passe pour une salope, alors forcément. Du coup, j’ai finis par quitter la petite fête après le prime, moi aussi, ça devenait presque ennuyeux de voir des gens se bécoter un peu partout. Et en plus, notre bouteille de champagne était terminée, avec Pepper. L’ennui, c’est qu’à deux heures et demi (et un peu plus en fait), je n’ai aucune envie d’aller dormir. Et, comme d’habitude, je crève de faim. Ouais, j’ai toujours faim. Donc, je vais dans les cuisines histoire de manger je ne sais pas trop quoi encore, on verra. Mais y’a déjà quelqu’un. Dray, aka le type qui s’est sans doute envoyé en l’air avec Briony et qui a un peu fait raté ma partie de jambe en l’air à moi avec Cameron. Ca va que je ne suis pas rancunière hein. Il a l’air particulièrement mal en point, là, effondré sur les plans de travail à fixer les trois bouteilles. « Tu comptes t’enfiler ces trois bouteilles tout seul ? » C’est que ça risque de mal tourner après hein. Je me demande pourquoi il semble aussi désespéré. Peut-être qu’il avait quelqu’un en vue, et que ce quelqu’un fait partie de ces nouveaux presque couples. Ou peut-être que c’est à cause de l’annonce de Noah, qui dit que ceux qui n’ont rien foutu ont déjà une voix contre eux pour les prochaines nominations. Merde, j’ai une voix contre moi du coup. Enfin, au pire, ce n’est pas grave. N’empêche que ça m’a fait rire, de voir Briony, au prime, faire une crise comme ça. Non pas que je ne la comprends pas, ça peut être rageant, mais c’était bien marrant quand même.

L'alcool avait cette magnifique capacité à atténuer les soucis, tout paraissait léger et agréable, au bout de quelques verres. Dray avait toujours résisté aux vices de la drogue, mais il ne pouvait rester hermétique à toutes les tentations. Ce n'était qu'un homme. Marilou le sortit de ses pensées, mais il ne se redressa pas pour autant, toujours avachit sur les plans de travail. Du tac o tac, il lui répondit, d'un ton qui pouvait paraître cynique malgré lui. « Tu comptes t'envoyer qui cette semaine ? » Ses lèvres se retroussèrent en une moue amusée, il plaisantait, évidemment. Un peu facile de la voir comme la trainée de service. Ils étaient libres, enfin, une partie, faut dire que les gens se casaient à la vitesse de la lumière sur ce yacht. L'air marin probablement. Ou ils n'avaient pas comprit le but du jeu. Trouver l'amour, pas fréquenter quelqu'un le plus rapidement possible. « Pas tout seul, non. » Son regard s'attarda sur la demoiselle, du style a bien lui faire comprendre qu'elle allait l'aider dans sa tâche. Dieu merci, Dray savait quand s'arrêter, et ses limites étaient loin d'être atteinte. Il n'avait pas l'alcool mauvais, dépressif ou violent, au pire, ca le ramenait dix ans en arrière, dans le genre attardé de dix-neuf ans sans aucune tenue. Rien de bien méchant. « Mademoiselle aurait-elle une préférence ? » Il désigna les bouteilles d'un vague geste de tête. En attendant qu'elle choisisse son arme, il reprit, pour la taquiner. « Au fait, je n'ai pas eu l'occasion de te le dire, mais très jolie poitrine. Enfin, je l'ai mal vu, mais ce que j'en ai aperçu, c'était plutôt pas mal. » Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres, au rappel de cette journée. Heureusement elle n'avait pas l'air de lui en vouloir d'avoir interrompu son début d'ébat avec le séduisant Cameron. A sa place, surement aurait-il réagit un peu moins bien.

« Tu comptes t'envoyer qui cette semaine ? » Est-ce que j’ai une image de Marie-couche-toi-là-et-écarte-les-cuisses ? Apparemment. Pourtant, je suis persuadée de ne pas être la seule à s’être quasi envoyée quelqu’un. Et puis je m’en moque. Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent hein. Néanmoins, sa réplique me fait gentiment sourire. Je ne réfléchis pas tellement à qui je vais tenter de me faire en chaque début de semaine. Je devrais peut-être après tout. Haussement d’épaules. « J’en sais rien. Toi peut-être, qui sait. » Sourire en coin. Non pas que je compte me faire Dray, ici et maintenant. Puis, il dit qu’il ne compte pas boire tout ça tout seul. J’ai l’impression que tout le monde veut me faire boire ici. Je me répète peut-être hein, mais je sens qu’on va vraiment tous devenir alcooliques à force de ne faire que ça. Soit, je vais donc boire, encore. Parce que, question de politesse (on va dire), hors de question de refuser. J’examine les trois bouteilles. Champagne, vodka et whisky. Champagne, je viens d’en finir une bouteille avec Pepper et d’autres gens. On élimine. Whisky, j’ai horreur du whisky. On élimine. Reste donc la vodka. « Allons-y sur la vodka. » Qu’est-ce que je fous doux jésus. Je sens venir le lendemain difficile avec la gueule de bois. Je m’en voudrais à mort, demain. Mais, vous savez ce qu’on dit dans ces cas-là. On verra ça demain. Il juge bon de faire une remarque par rapport à mardi dernier, justement le soir où lui et Briony sont carrément arrivés au mauvais moment. J’avais presque oublié qu’il a pu se rincer l’œil. Presque. C’est gênant, en fait, de se faire prendre en plein préliminaire. « Merci. C’est marrant, tu me proposes à boire, tu m’complimentes sur ma poitrine, encore un peu et ça ressemblerait à un plan foireux pour me sauter. » Après, je me trompe peut-être hein. « Eh, dis, vu que tu t’es fait une rousse, elles ont vraiment le minou roux aussi ou … ? » Ca peut sembler ridicule, mais c’est une question que je me suis toujours posée, si les rousses avaient les poils pubiens roux. Au pire, je tenterai de me faire un roux ou une rousse pour vérifier ça. J’aurai l’impression de faire des choses douteuses avec une carotte, mais, peu importe. « Et on est bien, allongé là-dessus ? » raillé-je, parce que c’est assez rare de trouver quelqu’un allongé sur les plans de travails dans une cuisine. Généralement, au pire, on s’y assoie. Au mieux, on trouve une chaise ou un tabouret.

Marilou avait ce trait de caractère qui plaisait à Dray, celui tel qu'on pouvait vous dire n'importe quoi, les avis extérieurs ne comptent pas. Ou si peu. Beaucoup pensent avoir la capacité d'essuyer les critiques et les remarques cinglantes sans ciller, mais ils sont peu à vraiment en être capable. Le jeune homme avait l'habitude. Il passait pour un feignant, un glandeur, un je-m'en-foutiste, un bourge pédant, s'il avait écouté chacune de ces piques, autant dire qu'il aurait finit depuis un moment la corde au cou. Il avait choisit le parti d'en rire, et apparemment, elle aussi. Un brin de provocation. Ce brin qui fait la différence. Il la fixa intensément, comme pour sonder si il y avait du vrai là-dessous. « Qui sait, en effet. Ce bateau réserve pas mal de surprises. » Qui vivra, verra. M'enfin, le garçon était un peu trop éméché pour prendre vraiment en compte ces propos. Il n'était pas le genre de type entreprenant, c'est ce qui allait finir par lui causer du tord, surement. Toujours affalé sur les tables de travail, ses prunelles avaient maintenant vrillées sur ses chères bouteilles. Sa partenaire de boisson choisit son arme, il attrapa donc la vodka, l'ouvrit, et porta directement le liquide salvateur à ses lèvres, avant de lui tendre. Pur. Purement violent aussi. Le liquide lui arracha une grimace. « Et alors, mon plan foireux marche ? » Mouais, s'il avait eu cette intention, il aurait déjà arrêté de s'enfiler de l'alcool ; mais c'était toujours intéressant de savoir si elle serait capable de se laisser tenter ou non. Non pas qu'il doute de son potentiel de séduction, mais y avait une sérieuse concurrence sur ce yacht. « Tu sais elle est maniaque sur les bords, alors ca s'en ressent à ce niveau. On pourrait manger dessus. » Et hop, comment se sortir d'un piège. Bon, il faudrait qu'il discute avec Briony concernant ce point.. délicat. « Mais si tu voulais voir ca en détail, tu aurais du m'écouter et te joindre à nous, je suis pas sur que ca l'aurait dérangé.. Puis la baise à deux devant les caméras c'est d'un dépassé ! » Ironisa-t-il tout en se tournant pour se mettre sur le dos. « C'est plutôt pas mal, presque aussi confortable que nos lits. » Ce qui n'était pas franchement compliqué.