Lorsque Naelia ouvrit les yeux à son réveil, elle fut surprise de voir que la pièce était plus claire qu'à l'accoutumée. Un coup d'œil vers sa montre lui indiqua qu'il était dix heures moins le quart. Pour la plupart des candidats, c'était une heure trop matinale pour se lever, mais pas pour elle, habituée à se lever une voire deux heures plus tôt. Elle s'assit au bord de son lit, s'étira. En face d'elle, Briony, son unique colocataire depuis que Lexi avait été éliminée voilà maintenant deux semaines. Briony semblait dormir profondément, ses paupières closes, son visage paisible et sa respiration régulière. Voilà longtemps qu'elles n'avaient pas passées un moment ensemble, songea alors Naelia. Elles partageaient leur cabine depuis plusieurs semaines mais ne faisaient le plus souvent que se croiser et échanger quelques banalités. De bonne humeur, elle se glissa hors de la chambre en silence et fila vers la cuisine. Cinq bonnes minutes plus tard et la voilà qui revenait dans la chambre, un plateau chargé de nourriture dans les bras. Ouais, une envie d'être sympa, comme ça. Sans doute cela ne se reproduirait pas, mais pour une fois, là voilà qui voulait faire plaisir à sa colocataire de chambre. Super coloc', mais rien que pour une journée. Enfin, une matinée. Ou juste un petit-déjeuner, peut-être. Rouvrant la porte, elle constata qu'entre temps Briony s'était réveillé. « Bonjour! » lança-t-elle. Elle posa son plateau sur le lit qui avait appartenu à Lexi et s'assit à côté. Naelia était prête à être sympa mais elle ne tenait pas à mettre des miettes plein son lit. Elle croqua dans une brioche et prit un croissant qu'elle tendit à Briony.

Briony n’était pas matinale pour un sou. Enfin, en période de ‘vacances’. Et, autant dire que sur ce yacht, elle se sentait comme tel. Ainsi, entre les longues heures où la rouquine se prélassait au soleil ou dans son lit, il n’y avait pas de temps, ni même une micro seconde, pour penser à se lever tôt. Par ailleurs, il n’y avait rien à faire sur ce bateau de bon matin, pas même le ménage. Elle en sait quelque chose, enfin passons. Ainsi, il avait beau être 10 heures du matin, peut être plus qui sait, le soleil avait beau se lever et faire chier son monde, elle, Briony, resterait vautrée dans son lit aujourd’hui. La belle en avait décidé ainsi et c‘est ainsi que cela se passerait, autant être clair, enfin son corps en avait décidé ainsi, et le manque de sommeil qui s’était accumulé aussi. Soit. Tout, absolument tout, était fait pour qu’elle n’est pas à, ne serait-ce que, bouger le petit doigt pendant encore de longues heures. Mais, il en fut décidé autrement lorsque Naelia décida d’entrer en hurlant dans la pièce, ce qui la fit sursauter. D’un œil interrogateur, Briony inspecta la pièce et le plateau que la jeune femme portait. « Que me vaut tout ceci ? » fit-elle après avoir bâillé, et s’être étirée, puis braqua ses prunelles vers sa colocataire, suspicieuse. Après quelques secondes, elle lança un furtif regard au croissant qui hurlait son prénom, l’inspectant d’un œil. « Tu veux m’empoisonner ! C'est toi en fait ! » s’exclama-t-elle d’un air théâtral en la pointant du doigt. Puis, elle finit par prendre le dit croissant et mordre dedans. « J’ai fais un cauchemar où quelqu’un tentait de m’empoisonner c’pour ca » expliqua-t-elle la bouche pleine, avant de lui décocher un sourire.

Rentrant dans la chambre les bras chargés de nourriture et de bonnes choses, Naelia s'attendait davantage à un remerciement qu'à un regard des plus interrogateurs et suspicieux et pour toute réponse à: « Que me vaut tout ceci ? » Non qu'elle aie cherché par cette attention à se faire bien voir ou à recevoir quelque chose en retour, mais un simple « merci » n'aurait pas été de trop. Tant pis. « Tu veux m’empoisonner ! C'est toi en fait ! » Surprise alors qu'elle mordait à nouveau dans sa brioche, Naelia écarquilla les yeux et étouffa un rire. Sacrée Briony. « J’ai fais un cauchemar où quelqu’un tentait de m’empoisonner c’pour ca. » Elle hocha la tête. Briony lui décocha un sourire, auquel elle ne répondit que par un regard en biais. Ne prenant pas vraiment en compte les derniers mots de sa colocataire de cabine, elle parla d'une voix basse et grave. « C'est bon, j'avoue. » dit-elle en reposant sa brioche sur le plateau et en levant les deux mains en l'air, l'air coupable. « C'est moi » poursuivit-elle, la voix assez grave, baissant le visage vers le sol. Quitte à jouer le jeu, autant le jouer à fond. Elle s'inspirait de quelques films policiers qu'elle avait pu voir, s'amusant à en jouer, même si elle doutait de sa crédibilité. « Mais!... » dit-elle assez fort et l'air presque théâtral. Elle fit une courte pause, comme pour jouer de suspens. « Je n'ai fait qu'exécuter des ordres de quelqu'un. Le commanditaire de ton empoisonnement est un candidat, je te laisse deviner le ou laquelle. » Jouant pas si mal que ça, elle leva les yeux vers Briony et haussa les sourcils, un sourire entendu étirant ses lèvres. Elle en faisait trop peut-être? Sûrement. Sans attendre, elle reprit sa brioche, mordant à nouveau dedans à pleines dents.

Malgré le dit cauchemar et les pseudo accusations portées, Briony ne se gêna absolument pour se resservir, le sourire aux lèvres. Et, évidement, elle était reconnaissante pour ce petit déjeuné au lit, puis elle s’apprêtait à la remercier mais celle-ci se prit au jeu. Tant pis plus tard. Naelia leva les bras et avoua son crime. Tiraillée entre le rire et le rire, Briony éclata de rire avant de se mettre debout sur son lit. « Je le savais ! » s’exclama-t-elle en la pointant du doigt, sautant sur son lit. « Mais rien du tout ! J’vais tout dire à la police ! Tu es faite Naelia ! » répondit-elle, coupant les explications de sa colocataire, avant de sur-jouer et échapper un rire sardonique. Puis, la brune releva les yeux vers la rousse, lui expliquant qu’elle n’avait fait qu’exécuter les ordres d’un autre. Briony arqua un sourcil perplexe, se mettant à réfléchir. « Je devrais fermer cette porte à clé pour t’empêcher de t’enfuir » marmonna-t-elle entre deux réflexions, un sourire en coin. La demoiselle pivota sur les talons, attrapa une brioche à la volée, puis se retrouva face à la complice, s’avança, la faisant reculer, avant de -doucement- la pousser pour qu’elle se retrouve assise sur le lit. « Nom, prénom, âge, date de naissance, numéro de sécu ! » s’exclama-t-elle, braquant ses prunelles noisettes dans celle de la jolie brune, plus que convaincante. On pourrait presque penser qu'elle avait toujours fait ça de sa vie. La rouquine resta ainsi quelques infimes minutes avant d’éclater de rire et de se laisser tomber sur le lit à côté de Naelia.

Un petit-déjeuner au lit classique et tranquille? Il fallait croire que non. Un petit-déjeuner au lit mélangé à un film policier. Oui, plutôt. Ou à une partie de cluedo. Naelia a tué – ou pas – Briony dans la cabine avec un croissant empoisonné. Restait à savoir sous les ordres de qui? Ce qui ne semblait pas intéresser Briony au départ, trop contente d'avoir vu juste quant à la culpabilité de Naelia. Elle pointait son doigt vers elle tel une arme, menaçant de tout dire à la police et de l'enfermer pour éviter qu'elle ne prenne la fuite. Évidemment, devant de telles menaces Naelia ne pouvait que rester tranquille. Menaçante – d'un certain point de vue – Briony avançait vers elle, la faisant reculer à petits pas. Concentrée pour retenir le rire qui lui brûlait les lèvres, Naelia continua cependant de jouer le jeu à fond, se laissant tomber assise sur le lit quand Briony la poussa doucement. « Nom, prénom, âge, date de naissance, numéro de sécu ! » Gros délire. Naelia se pinça fort les lèvres pour éviter de rire trop tôt et gâcher cette scène... mémorable? Soutenant le regard accusateur de sa colocataire de cabine, elle réussit à rester calme et prit son rôle de meurtrière empoisonneuse très à cœur. « Je ne dirai rien, pas même sous la torture! » dit-elle la voix pleine de conviction. Elle n'était pas une balance. En fait, si elle avait vraiment été une criminelle, si elle avait tué quelqu'un en agissant sous les ordres d'un ou une ami(e) et si elle s'était retrouvée dans une telle situation, elle n'aurait sans doute pas craquer, pas balancer qui que ce soit. Mais peut-être que ça faisait beaucoup de « si » pour être considérée comme une situation possible. Elles continuèrent à se jauger du regard ainsi un moment, comme si aucune ne voulait céder et puis elles éclatèrent de rire au même moment, Briony se laissant tomber à côté d'elle. Naelia quant à elle assise sur le lit, tomba allongée sur le dos, se laissa roulé sur le ventre et il lui fallut une bonne poignée de secondes pour calmer son fou rire. Elle reprit son souffle, puis lança à Briony. « Bon t'as encore faim ou quoi? » Elle désigna le plateau et les quelques restes de nourriture qu'il contenait encore, ainsi que les quelques trucs à boire qu'elle avait pris avec elle de la cuisine. S'approchant du plateau, elle se servit un verre de jus d'orange et d'un geste en proposa à Briony.