When the sun goes down ☇ 10/08, 00h35.

ft. marilou.
10 AOÛT, 00H35.

Affalé sur l'un des canapés orange fluo de la salle de détente, le tête légèrement penchée sur un accoudoir, les jambes remontées sur le dossier, les bras croisés sur le ventre, la bouche légèrement entrouverte, les traits sereins, Pablo était profondément endormi. En réalité, il s'était installé là pour terminer la journée car il-n'avait-pas-pris-la-peine-de-regarder-qui s'était installé au piano. Alors il s'était posé les yeux fermés sur un des fauteuils pour écouter distraitement la suite de notes qui sortit de l'instrument. Il avait noté que la personne n'était pas vraiment un professionnel. Ou du moins, il jouait moins bien que lui, et comme Pablo n'était pas vraiment un professionnel, l'autre l'était encore moins. Bref, c'était sur cette pensée idiote que, sans s'en rendre compte, il s'assoupit. Il se retrouva alors dans le noir. Le sol avait disparu, le ciel aussi. Pourtant, lorsqu'il se mit à marcher, il entendit distinctement le bruit de ses pas, comme s'il avait porté des claquettes. Machinalement, il avança plus vite, encore plus vite, se mit à courir, puis boum. Le vide. Il se sentit tomber, tomber, tomber. « AAAAAAAAAAH. » D'un seul coup, il se redressa en sursaut, les yeux grands ouverts, dans une scène digne d'un film.

Nom de dieu. Pedro roupille dans la salle de détente. C’est plutôt tentant de prendre ma vengeance sur la dernière fois tiens. Je comptais aller me coucher (déjà), mais c’est plus intéressant de rester là à attendre. Oui, attendre qu’il se réveille. Vie passionnante. Je sais. En même temps, on a rien de mieux à faire sur ce bateau je vous rappelle. Après un petit détour à la cuisine pour prendre un pot de crème glacée noix de coco (oh que c’est bon) (non, je sais qu’on bouffe de la glace quand on déprime dans les films, mais, moi, je suis juste atrocement gourmande) et une petite cuillère, je retourne dans la salle de détente. Alléluia, il est encore là, en train de dormir plus ou moins sereinement. Si je n’avais pas la flemme de me déplacer encore une fois autre part, je crois que je serais allée chercher un crayon noir pour les yeux pour dessiner et écrire un peu n’importe quoi sur lui. Mais je suis trop flemmarde. Je suis déjà allée chercher de la crème glacée, c’est bien suffisant comme déplacement. Je me mets à genoux, par terre, vers le canapé et je le regarde en bouffant ma glace. Putain, oui, ça fait malade mentale en recherche de victime pour commettre un viol. « Réveille-toi Pedro. » Premier essais loupé. Je me rends compte que je n’ai pas la patience d’attendre qu’il daigne ouvrir les yeux. « Mon dieu, Hassan est en train de se taper Cameron ! » Second essais loupé. On ne sait jamais, parfois, ça marche ces choses-là. Je soupire désespérément et gobe une trop grosse cuillerée de glace, putain que c’est frooooid. Oooh, ça me donne une idée tout ça. Je prends un gros morceau de crème glacée avec ma cuillère et la secoue au-dessus du visage de Pedro. Ou Pablo. Et j’essaye de n’pas éclater de rire quand la glace s’échoue sur le front de celui-ci, et commence à glisser sur le nez. Il se réveille brutalement, et son cri me fait sursauter moi aussi. Je ne sais pas si c’est la glace qui l’a réveillé, mais, en tout cas, il l’est maintenant. « Je crois que t’as quelque chose sur le visage. »

Le premier truc qui vint à l'esprit de Pablo lorsqu'il émergea du sommeil, était qu'il avait super froid au nez, alors que le reste de son corps semblait stagner à la température normale. Et il avait aussi la désagréable impression qu'un pigeon lui avait chié sur le visage. Il grogna, clignant plusieurs fois des yeux. « Keskisp... ? » Une voix qu'il ne connaissait que trop bien et qu'il associait, à force d'usure, quasi automatiquement à "emmerdes" résonna juste à côté de lui. En l'entendant, par réflexe, il amena sa main jusqu'à sa tête pour tâter son visage. La retira tout aussi vite. Son regard se braqua sur ses doigts, qui avait trempé dans il ne savait quoi. Il s'empressa d'attraper le morceau de pâte dégoulinante qu'il analysa plus tard comme étant de la crème glacée. Il ne put retenir un bruit dégouté. Le jeune homme redressa la tête et tomba nez à nez avec la coupable qui, visiblement ne tenait pas à la vie. Plus agacé d'avoir été tiré du sommeil d'une telle façon - bon, en réalité, c'était son rêve qui l'avait réveillé, mais c'était plus pratique de remettre la faute sur elle - que réellement en colère, il eut l'air à moitié prêt à se jeter sur elle. D'un geste de la main, il lui renvoya le morceau de glace en plein dans la figure. « Non mais je vais te la faire bouffer, ta glace ! » s'exclama-t-il en se retenant de rire malgré tout. Il baissa les yeux vers le pot de crème glacée que Marilou tenait en main. Miam, noix de coco. Il se pencha, racla de son doigt le bord du pot, avant de savourer sa pêche, le doigt en bouche.

Il a pas l’air content. Il a vraiment pas l’air content. Son côté psychopathe-qui-mate-les-files-pioncer doit se réveiller en lui. J’en aurai presque peur. Oui, monsieur, c’est bien de la crème glacée que t’as là. Et alors ? C’est très très bon. Sans que je ne m’y attende, il me renvoie la glace dans la figure. « Taah, c’est froid, c’est froid, très froid, trop froid, je meurs, mayday, daaah, doux jésus » Oui, je parle vite, mais CRISE GRAVISSIME là. Je grimace, je ferme les yeux. Et puis, la solution ultime. Je tente, avec ma langue, d’atteindre le bout de mon nez pour lécher la glace et me « soulager » de ce froid. Mais, c’est que je galère. Rooh, j’y arrivais, quand j’étais petite, à toucher mon nez avec ma langue. Après plusieurs tentatives, j’abandonne. Moue boudeuse, je baisse les bras et regarde Pedro. « Tu veux pas m’aider ? … Non ? Tant pis. Sale ingrat. » Tss, si on ne peut même pas compter les uns sur les autres pour s’entre-aider hein, c’est nul. Alors, j’essaye comme je peux de retirer la glace avec mes doigts. Et, comme j’aime pas le gaspillage, je me lèche aussi les doigts pour qu’il n’reste plus de crème glacée. Puis, il ose, oui, il ose se servir dans MON pot sous mes yeux. Il n’a pas peur lui hein. La crème glacé, je ne partage pas. Non. Jamais. Je fixe Pedro, de mon regard de super-tueuse-grave-en-colère, qu’il comprenne son erreur. « C’est MA glace. Capich Pedro ? » oui, non, je ne rigole pas. Merde quoi, s’il veut de la glace, il bouge ses fesses l’gars, tout simplement. D’ailleurs, j’remarque qu’il lui reste encore un peu de crème glacée sur le pif. Forcément, il s’est contenté d’enlever le « morceau ». Fatale erreur. Alors, je m’approche de lui, toujours aussi sérieuse. Et je lui lèche le peu de glace qui lui restait sur la figure. « Bah quoi, faut pas gaspiller de la glace merde. Y’a des gosses qui crèvent de faim en Afrique, tsais ? » Oui, oui, c’est ma justification. En même temps, c'est vrai hein.

Dans la vie de tous les jours, la glace n'était pas tout à faire le pêcher mignon de Pablo. Rien de mieux lorsqu'il faisait chaud, ou après le repas, certes, mais son dessert favori, était, et avait toujours, toujours, été la mousse au chocolat. C'était quelque chose dont il pouvait se gaver pendant des heures jusqu'à exploser. Bref, face à la réaction de la jeuner femme, poing sur la bouche, il retint à moitié un rire. Elle était complètement folle ! Lorsqu'à l'aide de sa langue, elle essaya de nettoyer son visage, il ne put s'en empêcher plus longtemps, il éclata de rire, au point qu'il en eut presque les larmes aux yeux. Elle voulait le tuer, ouais, c'était ça. Et... L'aider ? Un grand sourire moqueur illumina le visage de Pablo. Désolé, gamine, débrouille-toi, c'est beaucoup plus amusant. Pedro, à nouveau, résonna à la place de son véritable prénom. Bah, il avait pris l'habitude, et à le faisait plus sourire qu'autre chose. Cependant, le visage neutre, il se pencha et, à nouveau, planta son index dans la crème glacée. Provoquant, la regardant dans les yeux, il fourra son doigt en bouche. Ben quoi, c'était à Pedro qu'elle s'était adressée, pas à lui, non ? Sans qu'il ne s'y attende, alors, elle se leva, lui sauta à moitié dessus et vint lui lécher la joue. Baah ! C'était comme ça qu'on témoignait son attirance envers les mâles, là d'où elle venait ? Une grimace de gosse dégouté feinte sur le visage, il essuya son visage. « C'est absolument dégueulasse. Je ne peux même pas me venger, sinon je vais encore passer pour le pervers de service ! » s'exclama-t-il. Ben oui, déjà que Marilou était persuadée qu'il était un vieux dégueu qui mate les filles quand elles dorment, pas besoin qu'en plus elle se conforte dans son idée en se prenant une lèche dans la figure.

C’est bête. Je pensais que Pablo pouvait potentiellement être mon ami. Mais le fait qu’il me pique ma glace une seconde fois me prouve que non. Il ne l’est pas et ne le sera jamais. Pour l’amour d’une glace. De ma glace. On partage pas la glace bordel de merde, je suis désolée, mais, non, ça ne se fait pas. Sauf en cas de copine vraiment très triste. Et encore, dans ce cas-là, on lui fout le pot de glace dans les mains et on s’enfuie mater une série, style how i met your mother, histoire de décompresser. Mais Pablo n’est pas une fille. Et ne chiale pas. Donc, il n’aura plus de ma glace. C’est terminé. Oveeeeeer. Monsieur a l’air choqué que je lui gentiment ramassé son reste de crème glacée sur la tronche. D’où il a vu qu’on gâchait de la glace lui ? Nom de dieu. C’est sacré quoi. « Putain, on t’a rien appris toi hein. Tu ne sais pas que gaspiller, c’est très très mal ? D’autant plus quand c’est de la crème glacée ? A la noix de coco ? A LA NOIX DE COCO BON SANG ! » Oh, et puis il reste encore l’espèce de pervers qui mate les filles roupiller hein. Non mais. Puis, je m’approche de son visage. Trèès proche, au moins qu’il ne reste que deux ou trois minuscules centimètres entre nous. Je plisse les yeux. Attention, mon regard de super-tueuse-grave-en-colère n’a pas suffi. Alors, je fais mon regard à la John Wayne comme dans le western « la prisonnière du désert ». Et je fixe ces yeux pendant quelques secondes, pour tenter de faire un peu comme dans les westerns justement, les défis du regard là. Je ne sais pas, mais ça a toujours l’air d’impressionner plus ou moins l’adversaire dans ces films. « Ecoute-moi bien mon petit. Tu ne plongeras plus tes odieux doigts dans mon pot. Tu ne le feras plus. Plus jamais. » je tente de prendre une voix menaçante. Et de faire un brin d’hypnose aussi, on sait jamais hein, ça pourrait marcher. Pour m’assurer qu’il ne puisse plus accéder à mon pot d’amour, je recule un peu, et serre le pot contre moi. Vous savez, un peu comme les gosses quand ils ont peur qu’on leur pique un truc. Et je ne le lâche pas des yeux. Qu’il crève, il n’aura plus de ma glace.