J’entre dans la cuisine, et je tombe sur Sawyer, avachi sur la table en train de bouffer une glace. Ce qui me fait me dire que ça faisait un moment que je ne l’avais pas vu. Bah, en fait, ça fait depuis qu’on a couché ensemble. Enfin, non, y’avait aussi le strip-uno, mais ça compte pas trop. Et je l’ai vaguement vu au prime aussi. Il avait l’air particulièrement déçu du départ de Cameron. Pas étonnant. Tah. Faut que j’arrête d’y penser hein. Ça m’énerve de trop. Hum. Ca fait quelques secondes que je suis à l’entrée de la cuisine, et aucun regard, rien. Visiblement, cette glace doit être particulièrement bonne pour qu’il ne remarque qu’elle. On ne va pas se vexer pour une glace hein. Ce serait ridicule. Soit. Je crois que le départ de Cameron a fait plusieurs dégâts. Pourtant, c’est con, parce que c’est le jeu, et que c’est pas le premier gars qui doit partir. Et que ce n’est pas un décès non plus. Mais bon. Bande de cons qui n’ont pas voté pour lui tiens. Je déteste les gens. Exceptionnellement. Pour cette semaine. Tous des cons. Soit, j’en étais donc à Sawyer. Déjà qu’il est pas mal grognon, mais alors là, j’imagine que Sawyer doit être carrément invivable. Même pas peur. « Bouge tes fesses et fais-moi de la place. » Bah, paraît que c’est fun de s’allonger sur les tables, notamment celle-là, donc pourquoi pas hein. Au pire, je me trouverai une place sur le comptoir si jamais je me fais jeter. Je suis sûre que le comptoir est tout aussi confortable que la table hein, vraiment.

Complètement avachi sur la table de la cuisine, je savourai ma glace. Plus rien d’autre ne comptait autour de moi mis à part mon sorbet citron enrobage framboise. Si bien que je ne remarquai pas la présence de Marilou tout de suite. Elle aurait pu danser devant moi, faire la roue ou jongler, je ne l’aurai pas distingué. L’incroyable saveur dans mon palais m’avait emmené loin. Très loin. Je m’imaginais déjà sur une plage paradisiaque, seul, cramant au soleil. Ouai voilà. Manquait plus qu’une jolie fille à mes côtés m’éventaillant. Mais bon, je fus ramené à la dure réalité quand un son si élégant sortit de la bouche de la blonde. N’ayant pas le courage de me battre avec elle et de l’envoyer balader, je me poussai pour lui faire une place sur la table. Après tout, elle était grande et il y avait assez d’espace pour deux. « Tu m’excuseras j’ai pas envie de baiser. » Ouai bon on avait niqué qu’une seule fois avec Marilou mais vu qu’elle était un peu folle sur les bords, je préférais la prévenir avant qu’elle me saute dessus. Je n’étais pas contre me la taper à nouveau un jour mais là, vraiment, je n’avais pas le moral à ça. Je préférais faire une overdose de glace car ouai j’avais finit la première et j’entamais la deuxième, le carton se trouvant sous mon bras droit. « T’en veux une ? » Je n’étais habituellement pas très partageur mais autant qu’on se goinfre à deux. « Dit moi, tu préfères coucher avec un gars ou avec une fille ? » Demandais-je l’air de rien. Bizarrement, ça m’avait toujours intrigué. Marilou semblait bien placée pour répondre.

Sawyer me fait une place. Brave garçon. Je monte sur la table et m’allonge à mon tour. Et je zieute le plafond. Plafond très intéressant, d’ailleurs. On ne pense pas à regarder les plafonds en général, c’est bien dommage. Sauf quand on est allongé sur un lit, par exemple. Mais, genre, dans les cuisines, on n’y pense pas hein. Imaginez que quelqu’un écrive : je vais tous vous tuer. Et bah on l’aura tous là où je pense, parce qu’on n’aura pas levé le nez. Bordel, c’est dingue les choses stupides auxquelles je peux penser en si peu de temps. N’empêche que j’ai raison. Je me dis aussi qu’on doit bien avoir l’air con, tous les deux allongés sur une table. « La ferme espèce de crétin. » non, parce que, non, si je viens sur cette table, ce n’est pas pour baiser. Ça aurait pu hein, mais non. Naméoh. Y’a pas non plus écrit « si je viens vous parlez c’est histoire de tirer un coup » sur mon front hein. Une glace. Je crois que je fais un régime exceptionnellement composé de glace depuis lundi soir. Pas sûre que ce soit très recommandé ça. Je tends le bras pour attraper la glace. Sa question m’arrache un sourire. « Ca dépend. » réponse vague et carrément pas précise. En même temps, si j’avais une véritable préférence, j’imagine que je ne serais pas bisexuelle. J’imagine. « En fait quand je suis avec un mec, au bout d’un moment, j’ai vite envie d’une fille. Et inversement tsais. » Tordue hein. De toutes manières, je me lasse rapidement de mon/ma partenaire avant de me lasser de son sexe. C’est cru dis comme ça. Mais ce n’est pas de ma faute hein. On ne contrôle pas ses envies non plus. « Et toi alors ? Y’en a pas mal qui disent que t’es un gay refoulé. »

J’étais très confortablement installé aux côtés de Marilou sur la table de la cuisine. A nous voir, on aurait dit deux gitans mais qu’importe ! C’est le bien-être qui compte, non ?! Quand la blonde me demanda si gentiment de me la fermer, je décidai de ne rien rétorquer. Car après tout, celle-là je l’avais bien mérité. Je n’avais pas fait preuve de finesse en déclarant ne pas avoir envie de baiser avec elle. J’aurais dû me taire mais bon ça avait été plus fort que moi. A présent tout en entamant un deuxième sorbet, saveur passion-ananas cette fois, j’avais décidé de me replonger dans mon endroit paradisiaque. Mais impossible de retourner sur mon île avec Marilou à côté de moi n’arrêtant pas de faire des bruits bizarres avec la glace que je venais de lui filer. Grrr. Quelle emmerdeuse celle-là ! J’abandonnai donc mon idée première pour entamer une discussion avec elle. Puisqu’elle était là, autant qu’elle serve à quelque chose. Ainsi, je lui avais demandé si elle préférait coucher avec la gente féminine ou masculine. Je n’attendais pas de réponse particulière de sa part. J’étais juste un peu intrigué par la bisexualité de la jeune femme. « Mouai je comprends. Tu te lasses rapidement de la personne quoi ?! » J’avais à peu près le même problème qu’elle. A la différence que moi, j’étais attiré uniquement par le sexe féminin. Quand j’avais un plan sexe ou autre, je me laissais rapidement de la personne et avait un besoin irréprochable d’aller voir ailleurs. Par contre, je ne désirais pas de relation exclusive. Hors de question de tromper ma partenaire. L’infidélité j’avais horreur de ça donc autant ne pas instaurer d’exclusivité dans mes relations. « Et tu crois les rumeurs ? » Rétorquais-je d’un air complètement blasé. Oui, je savais parfaitement qu’elle faisait référence au baiser que Cameron m’avait donné lors du prime.

Sawyer semble absolument comprendre ce que je veux dire. Peut-être qu’il a le même genre de problème avec les gens. De toutes manières, j’imagine que si on est ici, c’est qu’on a plus ou moins des problèmes, du côté sentimental. En toute logique. Faut dire qu’une fois qu’on connait plus ou moins le partenaire, il n’y a plus rien. Plus de surprises, que dalle. Juste une espèce de routine fastidieuse. Horriblement fastidieuse. Et quand on a l’impression de tout connaître de l’autre et de s’ennuyer à mourir, j’imagine qu’il vaut mieux tout simplement partir ? Et tenter autre chose. Quelque chose de nouveau, même si on sait d’avance qu’on se lassera vite. Et on re-pioche quelqu’un pour une nouvelle histoire. C’est une chose vraiment très simple. Mais, avec ça, vous savez, nous, les filles, on passe pour des « salopes » parce qu’on n’arrive pas à se poser avec une seule personne durant trèèès longtemps. Faut pas trop rêver. On l’a pas toutes, notre prince charmant. « Exactement. Mais en même temps, vaut mieux ça plutôt que … Que rester avec quelqu’un que t’aimes plus, parce que tu le connais trop ? Non ? » Sawyer, gay ? A vrai dire, je m’en fiche un peu. Il n’a pas le profil. Enfin je ne crois pas. Je ne sais pas juger les gens. Et au pire, c’est ses affaires, j’ai envie de dire. Alors les rumeurs. « Je prendrais pas la peine de te questionner si je les croyais. » Je reporte mon attention sur ma glace. N’empêche que je ne fais qu’en gober, depuis le début du jeu. Mauvais, mauvais pour moi ça. « Dis, c’est quoi ta vie à l’extérieur ? Enfin, ta vraie vie quoi. » Je me rends compte que je ne connais absolument rien de chez les candidats ici. Ce qu’ils foutent, s’ils ont de la famille, des gosses, où ils vivent, tout ça.

Au-fur-et-à-mesure de la conversation, je me rendais compte que j’étais là, installé confortablement sur la table de la cuisine, aux côtés de Marilou, avec qui j’avais entamé une discussion assez sérieuse. Non mais ALLO quoi ! Notre relation avait évolué à une putain de vitesse grand V. D’abord, au début de l’aventure, je l’évitais, la prenant pour une sainte-nitouche. Ensuite, je l’évitais, la prenant pour une folle furieuse. Puis, me voilà un beau jour tirant mon coup avec la même fille dans les WC et maintenant discutant avec elle de la pluie et du beau temps. What the fuck ?! C’est à peine si je lui aurais adressé la parole à l’extérieur. Comme quoi, l’aventure qu’est Three Wishes pouvait être bénéfique, puisqu’au fil des jours, je m’attachai à la petite blonde. « Ouai c’est sûr. Maintenant, moi j’en reste au stade "petite culotte" la plupart du temps. » Là je me rendais compte que j’avais été un peu trop maladroit dans mes propos vu le moment intime qu’on avait partagé, un peu plus tôt. « Enfin là, avec le contexte de l’émission, c’est pas pareil. On s’attache beaucoup plus vite aux gens et ne peut pas trop s’en lasser puisqu’on vit 24h/24 avec eux. » Enfin si, bien sûr, on pouvait très bien se lasser de certaines personnes, mais pas s’en débarrasser comme dans la vie extérieure. « Qu'on parle de moi en bien ou en mal peu importe. L'essentiel c'est qu'on parle de moi. » Je connaissais parfaitement bien cette citation. Ce n’était pas la première fois que je l’utilisais pour mettre un terme à des rumeurs, et ça ne serait probablement pas la dernière. [...] Tout comme Marilou, je décidai de reporter mon attention sur ma deuxième glace, que j’avais quasiment finie à présent. « Je suis photographe. Je sillonne à longueur de journée les routes des Etats-Unis pour prendre les plus beaux clichés. Mais à côté de ça, je lutte pour gagner des tunes. Donc j’économise et je vis le plus simplement possible.. dans ma caravane. » Aoutch. Je m’étais livré à une vitesse fulgurante si bien que je ne savais pas si la blonde avait retenue quelque chose de mes propos. Tant pis. Elle pouvait déjà s’estimer heureuse que j’ai répondu à sa question alors que j’avais rembarré une quantité monstrueuse de personne à cette même question. « Et toi ? »

Le stade « petite culotte » a en tout cas le don de me faire subitement rire. Soit. « Si tu ne franchis pas le cap « petite culotte », t’es là pour quoi alors ? » non, parce que, logiquement, on est tous là pour « l’amour », à peu près. Enfin, on n’y croit pas tous, mais bon, on espère sans doute vivre plus qu’un coup rapide ? Techniquement, ouais. Attention, je ne dis pas que je vais être amoureuse dans ce jeu, tout ça. Mais on verra. Disons que je ne vais pas rejeter l’idée et tout, si jamais ça arrive. Forcément, c’est plus ennuyeux, en fait, d’être dans un jeu comme ça. Ça change tout, si vous voulez. Un coup d’un soir ne sera jamais un coup d’un soir. Vous n’pourrez jamais baiser avec un inconnu. Parce que vous serez contraint de le voir le lendemain. Et, ouais, on s’attache vite, et ça fait bien chier, parce que, ces gens-là, ils partent vite aussi. L’émission est contradictoire. On te demande d’être amoureux en quelques semaines, mais t’es jamais sûr de pouvoir rester avec l’heureux élu. Et les « on se revoit après », tout le monde sait qu’ils ne sont jamais tenus. Une fois sortie du jeu, c’est chacun pour sa pomme je crois. C’est peut-être mieux comme ça. « Etre détesté, ça vaut toujours mieux que d’être ignoré. » Ouais bon. Vrai. Sawyer est donc photographe. C’est plutôt cool comme métier. Enfin je trouve. Disons que c’est sans doute mieux de faire quelque chose qu’on aime, plutôt qu’un truc qu’on déteste, non ? Tant pis pour le fric. Dans une caravane. J’avoue que je suis particulièrement surprise. Mais pourquoi pas hein. Enfin, d’un côté, ça doit être cool de faire ce qu’il fait. Techniquement, t’es libre. Pas de contraintes directs. « Et ta famille, tout ça ? » Et moi. Je me demande ce que je vais pouvoir dire tiens. Je mange ma glace, et j’y réfléchis. C’est que j’ai pas une vie passionnante vous savez. Quelque chose de tout à fait banale. « Aloooors. Je double des voix dans des dessins animés, ce genre de connerie, quand j’ai des affaires. Sinon je fais des petits jobs miteux tu sais. Enfin, là, techniquement, je n’ai rien, je me suis faite virée de mon dernier job. J’étais serveuse et j’ai vidéune bière sur un type particulièrement con. Ce qui n’a pas plus au patron. Enfin bref. » vous savez, le cliché même de la serveuse qui se fait toucher le cul par des connards sans doute ivrognes. « J’habite dans un appartement minuscule que je partage avec ma sœur, elle s’est faîte larguée et savait pas trop où aller. » Je pourrais aussi dire que j’ai un lapin nain qui s’appelle Annie, et que j’ai confié à ma sœur, mais je doute que ça intéresse grandement Sawyer. Il a pas la tête à prendre soin des lapins si vous voulez mon avis.

Tout en savourant ma deuxième glace, que j’avais quasiment terminée, je continuais la conversation entamée avec Marilou. « A toi de le découvrir. » Ouai non, ça serait trop facile de lui expliquer les raisons de ma présence au sein du jeu. Et d’ailleurs ça m’emmerdait royalement de lui avouer tout cela. Si elle voulait savoir, elle n’avait qu’à apprendre à mieux me connaître, point barre. Car après tout, il était évident que je n’étais pas là pour faire voler les petites culottes en éclat. Des plans culs je n’avais qu’à claquer des doigts pour en avoir à l’extérieur. Véridique. « Exactement ! L’ignorance est la pire des sentences qui soit, crois-moi ! » Bien évidemment je parlais en connaissance de cause. Dans la vie de tous les jours, j’étais très souvent détesté et ça ne me gênait aucunement. Je m’en accommodais même et en j’en jouais parfois avec les gens. Maintenant l’ignorance je la connaissais vis-à-vis de mon père. Celui-ci avait honte de moi, je crois. Les trois/quarts de mes appels, il les refusait et à chaque fois, mon cœur en était brisé. Impossible de s’accommoder de l’ignorance de quelqu’un qu’on aime. « Je suis très proche de ma grande sœur. C’est un exemple de réussite pour moi. C’est d’ailleurs elle qui m’a inscrit à l’émission. J’apprécie énormément son mari aussi. C’est un mec en or et je le considère vraiment comme un membre à part entière de la famille. Puis après, y’a mon père. » J’avale ma salive avant de reprendre. On aurait dit que Marilou avait lu dans mes pensées en me posant cette question, tiens ! « On se voit pas souvent et ça n’a jamais été simple avec lui. Enfin voilà. » Changement de sujet, please ! Quoi que non, après toutes ses révélations, c’était bien à Marilou de me faire part de sa courte existence. Si bien, que je n’avais pas hésité à lui demander ce qu’il en était de sa vie. Son métier me fit décrocher un sourire ; doubler des voix, ça devait être marrant ça, tiens ! Mais bon pour autant, sa vie ne me paraissait pas idyllique. Dans un sens, ça me rassurai. J’avais l’air moins con ainsi. « Ouai.. » Je ne savais que dire d’autre. En plus de cela, j’avais étrangement un petit coup de barre. Moi qui pensais prendre une troisième glace, j’allais peut-être passer par la case "dodo" avant.