C’est marrant, j’ai de plus en plus l’impression de passer ma vie sur ce bateau dans deux endroits différents. Sous ma couette, et dans la cuisine. Passionnant hein, et très varié. Mais mise à part manger et dormir, je m’ennuie un peu ici. Surtout parce qu’on n’est pas encore dans notre prochaine destination, donc c’est un peu chiant d’être coincée là, avec tout le monde. Soit. Je dis ça, parce que je vais dans la cuisine là, comme d’habitude, pour manger. Ce n’est pas non plus de ma faute si j’ai toujours faim hein. J’ai peut-être une maladie qui fait que. C’est le coup. Bref. Sauf que, c’est bien ma chance hein, la personne indésirable number one (la seule en fait) est, bien entendu, dans la cuisine à ce moment précis. Dieu, s’il existe, me déteste, je crois. Faut dire que la dernière fois que j’ai prié, c’était pour réussir à ouvrir mon paquet de BN. Forcément. Soit. Je ne vais pas non plus faire demi-tour pour ce parasite, hein. Ce serait ridicule. Je fouille un peu les placards et le frigo pour trouver un truc à béqueter. Faire la cuisine ? Jamais. Je crois que je dois être un peu comme Susan Mayer vous savez. Capable de rater des pâtes, tout ça. En plus, j’en ai horreur. Et je suis trop flemmarde pour ça. Et je préfère qu’on me fasse à manger hein. Soit. Je jette quelques regards à l’autre-nul-qui-devrait-même-pas-être-ici-alors-que-j’y-suis-d’ailleurs un peu pour surveiller ses gestes, au cas où il s’met à faire quelque chose de douteux. C’est que j’reste sur mes gardes maintenant hein. Soit. Je ne trouve rien à manger. Enfin, c’est surtout que j’ai vraiment pas envie de me faire quelque chose. Je prends un yaourt. Ouais, j’ai faim, et je mange un yaourt, tout à fait. Parfum mangue, en plus. Je m’assois sur le comptoir, en face de l’autre-qui-bouffe. Il me parle. Non, non, je suis désolée, mais on ne parle pas à quelqu’un qu’on n’aime pas. Ce n’est pas logique. Le nominer ? Bien entendu, non mais oh. Je ne compte pas me le coltiner jusqu’à ma fin. Quoi que je vais sans doute partir avant lui. Merde alors. Bref. J’attrape une cuillère, et je commence mon yaourt. Place number one, tout à fait. Malheureusement, je doute qu’il parte d’ici avant de s’être envoyé Pablo. Ce qui n’est visiblement toujours pas fait. Douteux tiens. « J’ferais tout ce que je peux pour t’faire jarter d’ici le plus rapidement possible mon ange. » Ou je me contenterai de te pourrir quotidiennement l’existence jusqu’à ce que l’un de nous parte. Je pioche ma cuillère dans mon pot et la remplie au maximum de yaourt. C’est la guerre. Cuillère catapulte, en quelques rapides mouvements, j’envoie la sauce. Le yaourt, plutôt. Je visais plutôt la tronche du type, mais, raté, le yaourt s’éclate dans son assiette. Je me demande si le mélange omelette-yaourt, c’est bon. Je doute. « Bon appétit » que je lui lance, grand sourire hypocrite.