Dix-sept heures quinze. Une première journée pratiquement achevée. A vrai dire, Lust n’avait pas fait grand-chose de sa journée. Elle avait dormi. Beaucoup. Genre jusqu’en début d’après-midi. C’est que c’est reposant de pouvoir roupiller sans entendre un « excuse-moi, je dois partir travailler moi, enfin, tu vois, ce serait cool que tu rentres chez toi maintenant » ou un « vous devez libérer la chambre à onze heures ! » franchement, ouais. Honnêtement, elle flippe déjà de devoir repartir d’ici. Elle n’est pas habituée à ce luxe, la petite, et elle y prend déjà goût. D’ailleurs, Lust, au début, elle n’avait même pas réalisé dans quel luxe elle serait jetée, une fois dans le jeu. Elle s’attendait bien à ce que ce soit un peu plus confortable que la normale, mais de là à y trouver un jacuzzi ? Oh que non. Surprise, ouais. Encore un peu et elle va se prend pour une de ces gosses de riches. Lorsqu’elle déniche le fameux jacuzzi, une nana y est déjà. Inconnue au bataillon. Elle pourrait être arrivée cette nuit, après le prime, que Lust le capterait pas. Faut dire que côté candidats, elle n’y a pas énormément prêté attention pour le moment. Rien qu’aujourd’hui, elle a pris soin de flâner loin des candidats. Certes, dans ce jeu, il vaut mieux faire copain-copain rapidement et avec tout le monde si on n’veut pas finir à la porte un peu trop rapidement, mais l’idée de jouer les lèches-bottes ne la séduit pas tellement. On verra plus tard. Lust hausse un sourcil un voyant l’autre nana. Elle voulait être seule. Elle contente de la saluer et dépose sa serviette –chourée dans un hôtel, s’il-vous-plait- au bord du bassin. Lust enlève son jean un peu usé, son t-shirt un peu trop grand et ses chaussures. Elle s’installe ensuite dans le jacuzzi, en face de l’autre nana. En sous-vêtements, ouais. Faute d’avoir un maillot de bain.
A croire que c’est la journée des emmerdeurs, un autre candidat décide, lui aussi, de profiter du jacuzzi à cette heure. Contrairement à la nana, elle le reconnait lui, parce qu’ils sont dans la même piaule. Elle se souvient plus de son nom. Mais sa tronche lui revient, c’est déjà ça. Il râle. Déjà. Pire que Lust qui, elle, en arrivant, a préféré se la boucler plutôt que d’exprimer son mécontentement. « Commence par arrêter de brailler. Et y'aura plus aucune raison pour que je devienne une pimbêche chiante. »

Un sourire amusé se dessine sur le visage de Lust, lorsque la candidate prend la parole. Pas vexée pour un sous, Lust. Faut être honnête, elle a raison, la nana. Côté socialisation, Lust a pas mal d’efforts à faire. L’ennui, c’est que dans un jeu comme ça, il est plutôt vital de faire une bonne impression pour rester un minimum de temps. Un peu mal foutue, la Lust, et autant dire que ça n’la réjouirait pas vraiment de devoir partir d’ici en à peine une semaine. Au pire. Elle tentera de faire comme dans son travail, ça devrait passer. Si elle arrive à faire raquer des clients en disant ce qu’ils leur plaisent, elle devrait réussir à ne pas trop se faire détester de la même façon. Ouais, honnêtement, elle ne l’imaginait pas comme ça, son jeu, mais bon. Elle jette un regard en biais au candidat, qui n’semble pas s’être vexé, ni quoi que ce soit. Pas de quoi en faire un drame, donc. « Que tu crois. » Parce que, ouais, remballer ses paroles n’allait sans doute pas être tâche aisée pour Lust. Enfin. « J’essayerai d’être plus … ouais, plus « sympa », si ça te chante. » Sincère, avec ça. C’est que Lust, elle parle trop vite, en général. Elle ne souhaite pas particulièrement vexer les autres. Faut dire qu’ici, ils ont tendance à s’emballer pour pas grand-chose aussi. Putain de susceptibles, les candidats. Enfin. Elle se calle un peu plus confortablement dans le jacuzzi, ferme les yeux. Ouais. Y’a pas intérêt qu’on la renvoie du jeu cette semaine. Une semaine de « vacances » ici n’est franchement pas suffisant. Et puis, merde, y’a un jacuzzi ici, ce n’est pas « rien ». Puis, le candidat fait une réflexion assez louche, demande le prénom de la candidate. Autrement dit, ces deux-là sont prêts à s’taper la causette un petit moment.

« T’as raison. » J’haussais les épaules, plutôt détaché face à cet humble aveu de la part du candidat. Ma phrase ne l’avait visé lui, mais cherchait plutôt à la faire réagir, elle. « C’est moi qui vais finir en pimbêche chiante. Ça va pas là. » Cette image me faisait rire, car sans même le connaître, je le voyais plutôt mal dans ce rôle. En fait, ça me paraissait même plutôt ridicule. Mais bon, je doutais que ce soit complètement sérieux comme réplique. Une voix féminine me vint alors aux oreilles et je détournais du regard un moment pour m’attarder sur la candidate qui nous accompagnait dans le jacuzzi. « J’essayerai d’être plus… oui, plus ‘sympa’, si ça te chante. » Qu’elle essaie simplement de faire un effort me suffisait déjà. Je n’en avais pas demandé autant, de toute façon. Qu’elle agisse à sa guise, moi, je ne faisais que signifier ce qui me passait par la tête. Je lui avais donné un conseil, tout simplement. Dieu seul sait qu’une première mauvaise impression pouvait affecter bien des choses, dans le futur. Et disons qu’en ayant une attitude pareille, son jeu risquait de se voir écourter. Du moins, c’est ainsi que je voyais les choses. Me retournant vers le jeune homme qui me faisait face, ayant cru l’entendre dire quelque chose que ne compris pas, je le questionnais du regard. Trop tard, visiblement, car il bifurqua vers autre chose. « Je peux te poser une question indiscrète ? » Mes sourcils s’arquèrent légèrement devant son interrogation. Ne le connaissait ni d’Adam, ni d’Ève, je m’inquiétais de la teneur des propos qui risquait de sortir de sa bouche d’ici quelques secondes. Sans raison, apparemment. « Tu me rappelles ton prénom ? » Il sourit, j’en fis de même, soulagée par sa question qui s’avérait des plus simples. « Yasmine. » lui répondis-je sans plus de fioritures. « Je vais avoir besoin d’un coup de main pour me souvenir du tien. » lui mentionnais-je. En fait, j’avais beau creuser dans le plus profond de ma mémoire, aucun souvenir, aucun nom ne me revenait pour ce candidat. Encore moins pour la jeune femme qui nous accompagnait. « Ça vaut pour toi aussi. » lançais-je à son attention. J’avais l’impression qu’elle cherchait à s’isoler dans son coin, et je tentais ainsi de la réchapper. Soit, peut-être souhaitait seulement ne pas se joindre à la conversation, et je respectais son choix. Mais au moins je lui avais tendu une perche, si ce n’était point le cas. Trop gentille.

c'est affreux, désolé .