⊹ keep holding on.

MERCREDI 19 AVRIL, SEIZE HEURES. ⊹ dimitri

Laissant ses pas la guider hors de la maison, ses écouteurs aux oreilles, la brune commença à courir après avoir passé la pergola. C’était un mot qu’elle n’avait encore jamais placé dans une phrase d’ailleurs, pergola. Ça semblait impérieux, ça allait de soit avec une maison immense comme celle-ci mais jamais avec sa petite vie à Saint Louis. C’était un mot qu’on ne devait entendre que dans la bouche des gens guindés et assez riches pour se permettre une maison secondaire à Staddt pour la saison d’hiver. C’est pourquoi elle éprouva un certain plaisir à le prononcer à voix haute plusieurs fois, rien que pour elle, rien que pour prouver qu’elle était aussi digne de ce mot que le pdg qui venait trainer sur son lieu de travail. Par la suite, seules quelques notes sortirent de ses lèvres tandis qu’elle trouvait son rythme. Courir était une chose si naturelle qu’elle pouvait penser à tout autre chose sans avoir besoin de rappeler à ses jambes qu’elles devaient continuer à bouger. Cléo se concentra principalement sur la vue qui était assez exceptionnelle. C’était comme courir dans le parc à côté de chez elle sauf que là ça faisait presque office de jardin comme c’était tout près de la maison. Comme la brune n’avait jamais quitté Saint Louis, le paysage était typiquement de ceux qu’elle n’avait jamais eu l’occasion d’admirer ce qui la laissait songeuse. Elle avait l’impression de plus en plus oppressante qu’elle n’avait pas sa place ici, d’être le maillon faible de la bande, la tache sur cette magnifique peinture qui s’offrait à elle. Elle ferma les yeux et secoua la tête en redescendant du pont, ce qui explique pourquoi elle percuta violemment un grand brun qui venait d’apparaitre dans son champ de vision. C’était en descente et elle avait tellement d’élan qu’ils s’écroulèrent tout deux dans l’herbe attenante. Elle se réjouit de ne pas peser grand-chose mais avait tout de même peur de lui avoir fait mal, aussi roula-t-elle immédiatement dans l’herbe près de lui pour ne pas appuyer plus sur lui. « Je suis vraiment désolée, c’est entièrement ma faute. Je t’ai fais mal, ça va aller ? » Sa voix partait de plus en plus dans les aigus, preuve qu’elle était proche de la panique mais elle arrivait encore à se contenir, à quatre patte près de lui.

C'était un doux après-midi et j'avais eu dans l'idée de me balader quelques minutes dans le parc histoire d'en découvrir toute la splendeur. Ah vraiment, non seulement ce parc était immense, mais en plus il offrait une vue imprenable sur la montagne et sur le lac. Il faisait vraiment bon vivre en cet endroit. Je marchai alors d'un pas dynamique, ne manquant pas au passage d'admirer toute la verdure autour de moi, et ce en gardant mes mains dans mes poches. Pour une fois, j'avais l'impression d'être décontracté, serein, paisible. Je ne stressais pour rien, mon rythme cardiaque était régulier. Bref, j'étais bien. Mais alors que je continuai mon chemin à travers le parc sans vraiment regarder devant moi, je fus violemment percuté par une demoiselle qui, de toute évidence, n'avait pas non plus pensé à regarder devant elle en descendant du pont sur lequel je m'apprêtais à grimper. Le collision fut telle que nous en perdîmes tous deux l'équilibre, pour finalement nous retrouver sur l'herbe. La jeune femme se retrouva donc sur moi, avant de rouler sur le côté et de s'excuser. « Je suis vraiment désolée, c’est entièrement ma faute. Je t’ai fais mal, ça va aller ? » Elle semblait réellement inquiète pour moi, ce qui était mignon. Mais j'allais bien, du moins il me semblait ne pas avoir été blessé au cours de l'impact. J'étais vivant, c'était tout ce qu'il fallait en retenir. « Hum, oui. Oui ça va ne... ne t'en fais surtout pas. » J'entrepris alors de me lever avant de frotter sur mes genoux avec mes mains. Je tendis ensuite l'une d'elle à la demoiselle pour l'aider à se relever, à son tour. Une fois debout tous les deux, j'adressai à nouveau quelques mots à celle que j'avais percuté quelques instants plus tôt. « Et... et toi, ça va ? Je veux dire... rien de cassé ? Parce que bon contrairement à toi je... je ne suis pas un poids plume, hein. » Je n'avais pas une carrure bien imposante mais cela n'empêchait rien au fait que j'aurais très bien pu lui faire mal. Je n'espérais pas que c'eut été le cas. Je découvris enfin véritablement le visage de la demoiselle, un très joli minois en passant. J'avais comme un vague souvenir de son nom, qui devait être Cléo ou Chloé... Non Cléo, c'était Cléo. Peu de chance par contre qu'elle se souvienne du mien, de nom.

En général, Cléo était assez adroite pour ne rien renverser sur son passage ce qui l’embêtait d’autant plus que pour la seule fois où ça lui arrivait, c’était sur un être humain qu’elle s’écrasait telle une crêpe. Le fait que ce soit un homme était bon signe, ils sont généralement plus costauds et plus résistants que les femmes. Qui plus est, il ne lui avait pas encore hurlé de faire attention donc il ne semblait pas trop trop fâché. Très rapidement, il la rassura sur son état de santé tandis qu’elle tendait les mains devant elle, vers lui, sans savoir qu’en faire. Même s’il était réellement blessé ce n’est pas comme si Cléo pourrait y faire grand-chose. Il se releva prestement ce qui laissa la brune à genoux, la tête levée vers lui. Elle avait quelque peu bloquée sur le ne t’en fais pas. Elle venait de le percuter et de les projeter dans l’herbe mais il lui assurait que ce n’était pas très important. C’était … Étonnant, tout à fait son genre, c’est pourquoi elle le gratifia d’un sourire avant d’attraper la main qu’il lui tendait et de se relever. « Merci. » Elle s’éclaircit légèrement la gorge, ne sachant que faire ou que dire. Elle ne se tortillait déjà pas d’embarras, ce qui n’était pas un mince exploit vu la situation. Pour la deuxième fois en moins d’une minute, Cléo leva la tête pour dévisager le jeune homme qui lui demandait s’il ne lui avait pas fait mal. C’était le monde à l’envers. « Non, non. » Elle s’empressa de lui répondre, interrompant par la même sa phrase, aussi garda-t-elle les lèvres closes jusqu’à ce qu’il ait terminé. Il n’était certes pas un poids plume mais il n’était pas un sumo non plus. D’accord, si c’était lui qui lui était tombé dessus, elle aurait pu avoir quelques bobos supplémentaires mais là à part quelques bleus, elle n’avait rien. « Je vais très bien, c’est … Gentil de demander vu la situation. » Elle n’en revenait toujours pas qu’il se soit inquiété pour sa santé. Elle trouvait ça étonnamment attendrissant. « Tu pourras dire qu’une fille t’as sauté dessus maintenant. Enfin, ça doit t’arriver souvent ceci dit. » Elle lui jeta un regard et un léger sourire. « Mais pas au premier degré j’espère, que tu ne fais vraiment pas tomber toutes les filles sur ton passage. » Sourire plus sincère tandis qu’elle imaginait d’autres expressions à prendre au premier degré qui aurait pu convenir. Mais ce n’était pas vraiment le moment alors elle se promit de remettre ça à plus tard. « Dimitri c’est ça ? » S’il y avait bien une chose qu’elle détestait, c’était demander leurs prénoms à tout le monde alors elle s’était fait un pense bête les trois derniers jours.

« Merci. » Aider la jeune femme à se relever était selon moi la moindre des choses, voilà pourquoi je n'avais pas hésité à lui tendre ma main pour que celle-ci puisse l'attraper et se hisser sur ses deux jambes. Je lui avais aussitôt demandé si elle s'était faite mal. Ce n'était pas mon cas, mais nous n'avions pas franchement la même morphologie alors je préférais m'assurer de ne pas avoir abîmé la jolie brune. « Non, non. » Visiblement tout allait bien, et j'en étais rassuré. « Je vais très bien, c’est … Gentil de demander vu la situation. » Selon moi c'était normal. Elle n'était pas la seule en cause dans l'histoire, moi non plus je n'avais pas regardé devant moi et pourtant c'était bel et bien moi qui m'apprêtait à emprunter le pont. Alors à priori, j'étais plus en cause encore. « Tu pourras dire qu’une fille t’as sauté dessus maintenant. Enfin, ça doit t’arriver souvent ceci dit. » Je laissai s'échapper un léger rire. Oh non, j'étais bien loin de me faire sauter dessus par des filles au quotidien, encore moins d'aussi jolies que Cléo. « Mais pas au premier degré j’espère, que tu ne fais vraiment pas tomber toutes les filles sur ton passage. » Ah, pour le coup, ça ne m'arrivait que très rarement. Là, en l'occurrence, c'était bien la première fois que j'entrais en collision avec une jeune femme, dans un parc qui plus est. « De façon générale... hum. Les filles ne tombent pas franchement comme... comme des mouches à mon passage. » Fait avéré, j'étais loin d'attirer tous les regards et encore moins d'être convoité par les demoiselles. Avec un physique passe-partout, on n'en attendait pas moins de moi. « Dimitri c’est ça ? » Un sourire prit place sur mes lèvres, amical et sincère celui-ci. « C'est bien ça, et... Cléo, il me semble. Hum. » Je roulai des yeux, regardant autour de moi un instant avant de porter à nouveau le regard sur Cléo, intimidé. « Tu faisais... ton jogging ? » C'est ce qu'il m'avait semblé en voyant la jeune femme tout à l'heure, mais j'attendais encore confirmation de sa part. Elle m'était tombée dessus à une telle vitesse qu'elle était probablement en train de courir lorsque l'impact avait eu lieu.

Oh. Dimitri avait tout l’air du genre d’homme qui plait aux filles, il était plus que gentil et on pouvait le dire, loin, très loin d’être laid. Ou peut-être n’était-elle pas vraiment au fait de ce qu’il plaisait aux filles ces jours ci. Elle ne portait que peu d’attention aux célébrités en vogue et aurait été bien en peine de devoir en citer en serait-ce un qui déchaine les foules sur son passage. Mais il était certain que le jeune homme semblait timide et que c’était peut-être ça qui retenait les filles de lui fondre dans les bras. « C’est étonnant. » Elle n’essayait pas spécialement d’améliorer l’égo du jeune homme en le flattant aussi évidemment mais se contentait de lui faire partager le fond de ses pensées. Après tout elle avait passé un peu plus de temps que nécessaire à réfléchir et lui devait bien une réponse. Cléo ajouta un léger sourire pour ne pas qu’il pense qu’elle se moque de lui. Comme elle se rappelait son prénom, lui aussi ce qui évita les gênantes questions quotidienne de présentation. Il faudrait vraiment penser à investir dans un badge à son nom ou un truc comme ça pour éviter de paraitre ridicule à chaque fois que quelqu’un oublie un prénom. « Oui oui, mon jogging. » Elle lui adressa à son tour un sourire timide tout en observant discrètement sa tenue. Outre le fait qu’elle l’avait littéralement propulsé sur l’herbe, elle portait, de fait, un pantalon de jogging et un débardeur tout simple. « D’habitude je fais ça dans la rue alors le paysage m’a un peu distraite. » Ses lèvres esquissèrent une légère grimace, elle s’en voulait encore de ne pas l’avoir vu. « Je suppose qu’il faudrait être vraiment blasé pour ne pas trouver ça beau. » Être une sorte de duc et habiter dans un château encore plus grand et un parc gigantesque. Ou être un roi. Au choix. « Tu … » Cléo s’arrêta et se racla légèrement la gorge avant de continuer sa phrase. « Tu veux marcher un peu ? » Elle avait déjà couru une bonne demi-heure, un peu de compagnie ne pouvait lui faire de mal. Lui souriant légèrement, elle s’avança vers le pont, d’où elle venait donc. « Sur le pont c’est encore mieux. »

« C’est étonnant. » Pendant un moment j'avais cru que Cléo se foutait de moi, qu'elle s'exprimait de façon ironique mais lorsqu'elle m'offrit un sourire qui me parut alors sincère, je compris que j'étais en train de me faire des idées. Elle n'était pas le genre de filles à se moquer des types comme moi. J'avais par ailleurs cherché à savoir si elle était en train de courir, de faire son sport lorsque la collision avait eu lieu. « Oui oui, mon jogging. » C'est bien ce qu'il m'avait semblé, à en juger la tenue de la demoiselle. « D’habitude je fais ça dans la rue alors le paysage m’a un peu distraite. » Il était vrai que la beauté du paysage qu'offrait ce parc pouvait en distraire plus d'un, moi le premier. « Je suppose qu’il faudrait être vraiment blasé pour ne pas trouver ça beau. » J'acquiesçai un sourire, lui signifiant que j'étais totalement de son avis. Qui pouvait résister à une splendeur pareille, je vous le demande ? « Tu … » Cléo s'arrêta avant de poursuivre, ce qui me rappela que j'avais aussi cette fameuse habitude de ne pas toujours terminer mes phrases, cherchant désespérément à reprendre mon souffle ou à avaler ma salive avant. « Tu veux marcher un peu ? » Je souris à nouveau, bien décidé à accepter sa proposition. « Avec plai... plaisir. » Cléo fit alors un pas ou deux pour se retrouver sur le pont duquel elle était en train de descendre lorsque nous nous étions rentrés dedans. « Sur le pont c’est encore mieux. » J'étais du même avis, et je la suivis donc sur le pont. « Cléo, je... hum. Pourquoi tu restes avec moi ? » J'avalai ma salive, car une fois n'était pas coutume. « Je... je veux dire... Tu pourrais très bien passer ton chemin et ne pas t'attarder sur moi. Je suis pas intéressant dans mon genre, et t'as sans... sans doute mieux à faire aussi. » Je trouvais étrange le fait qu'une si jolie jeune femme puisse prendre le temps de discuter et de marcher avec moi dans ce parc à la verdure et au paysage idylliques. Peut-être étais-je juste parano... ou manquais-je tout simplement de confiance en moi.