Lust {23/04/12 - 16h13}

Il doit être environ quatre heures de l’après-midi et j’ai décidé de squatter les toilettes. J’ai, en effet, une envie pressante mais par-dessus tout un abominable mal de tête. Rester cloitrer dans un cabinet me semble donc être la solution idéale pour ne pas avoir à entendre les imbécilités et les cris incessants des candidats. Si je pouvais avoir un fusil et en buttait deux-trois d’ailleurs, mes oreilles et ma tête en seraient grandement ravi. Bref. Je me faufile donc dans la salle de bain pour parvenir aux toilettes. Par chance, personne ne s’y trouve. Je fonce m’enfermer dans un cabinet, faire ce que j’ai à faire, puis pars me laver les mains. Finalement, j’ai décidé de ne pas m’isoler dans la petite pièce mais de rester dans la grande, à côté des lavabos. Le sol étant trop crade pour m’y allonger, je décide de m’asseoir sur le grand meuble, dos au miroir. Je m’empare alors d’un bâtonnet d’encens que je laisse glisser entre mes dents, tel un cowboy mâchant son brin d’herbe. Au fil des secondes, je laisse mes paupières se fermer tandis que la tranquillité règne dans la salle. Mais voilà qu’une candidate y fait irruption quelques minutes plus tard. Mes yeux s’entrouvrent alors. « Lust c’est bien ça ? » Je scrute la blonde comme si elle était un vulgaire objet. Cette fille ne m’inspire pas tellement confiance. Surtout d’après ce que j’ai pu entendre d’elle.

Lorsqu’elle entre dans les toilettes, Lust, elle est surprise de constater qu’un gars est déjà là. Pas dans le trip où il se lave les mains et s’apprête à sortir des toilettes. Non, non. Lui, il est posé, assit sur un meuble, à attendre dieu sait quoi. « Putain mais qu’est-ce que tu fous ici toi. », qu’elle souffle, plutôt surprise quoi. Avouez qu’on trouve quand même mieux comme endroit pour trouver un peu de solitude. Mais dans les toilettes, sérieux. Ça donne un côté louche dans l’histoire. Passons. Honnêtement, elle n’est pas là pour lui taper la causette, à ce type-là, mais plutôt pour pisser. Ce qui explique pourquoi elle s’enferme directement dans un cabinet sans lui accorder plus d’importance. Quoi que si : elle lui répond « ouais, ouais, c’est ça. » avant de fermer le verrou, pour lui confirmer son identité. Elle en ressort quelques instants et file se laver les mains. « T’es encore là, bordel, t’as pas trouvé mieux comme endroit ? » pas une attaque, une constatation.

J’aurai dû me douter qu’en m’installant dans les toilettes je n’aurai pu rester tranquille et seul bien longtemps. Lust, fraichement débarquée, s’adresse à moi nonchalamment alors que je m’endormais presque. « En quoi ça te pose un problème ?! » Dans un langage moins correct, j’aurais probablement dis à la jeune femme de se la fermer. Je ne vois absolument pas en quoi ça la dérange que je squatte les toilettes du chalet pour m’y reposer. A croire que la blonde porte bien sa couleur de cheveux. De plus, sa voix m’est insupportable. Quoi que ça, c’est peut-être plutôt à cause de mon mal de tête. Un mal de tête qui fait des dégâts sur mon humeur bien entendu et qui n’hésite pas à me mettre les nerfs à vif. Autrement dit, la jeune femme n’a pas intérêt à me chercher des noises. Ce qu’elle fait, évidemment, une fois s’être soulagée. « Non, vois-tu, j’aime écouter les gens entrain de pisser. Je dois être scatophile ou quelque chose du genre. » Tout en faisant tourner le bâton d’encens entre mes doigts, je ne peux m’empêcher de soupirer. « C’est toujours mieux que de vendre son corps à n’importe qui remarque. » Et d’un pic lancé, un. Je fais bien évidemment référence au métier de la blonde que j’ai entendu je-ne-sais-plus-où dans le chalet.

Evidemment, comme tout le monde ici, monsieur est susceptible. Il fallait s’y attendre, en fait. Visiblement, les gens prennent tout mal, absolument tout, la moindre petite remarque y compris. Mais merde, avouez au moins que y’a des endroits plus logiques pour éviter la foule quand même. Visiblement, la majorité des candidats sont particulièrement cons cette année. Illogiques, donc. Tu parles, forcément que ça fait de l’audience, des candidats comme ça. Le candidat réplique avec un humour douteux. Et encore une fois, totalement illogique. Il a beau la prendre pour une conne, là, il en reste le plus idiot des deux. Rapport entre écouter les gens pisser et la scatophilie ? (si ce n’est l’aspect assez écœurant) Aucun, en fait. Et encore un demeuré en plus dans ce jeu. « Je ne vois pas le rapport entre la scatophilie et le malin plaisir que tu éprouves à écouter les gens pisser. Si tu comptais me sortir une réplique assassine, t’as réussi à foirer ton coup, félicitation mon grand. » Monsieur enchaîne en parlant de l’actuel travail de Lust. Ce qui lui décroche tout de même un sourire. Remarquez, ce genre de dialogue est plus amusant que les banalités du genre « tu t’appelles comment, tu viens d’où, tu fais quoi ici ». Quoi qu’elle est assez étonnée qu’il sache ce qu’elle fout dans la vie. Elle ne l’a jusqu’aujourd’hui dit à personne, vous voyez, dans le jeu. Non pas que ce soit une chose dont elle ait honte. Monsieur a une longueur d’avance, puisqu’elle ne sait absolument rien de lui, ni même son prénom. Un rictus se dessine sur le visage de Lust. « Encore une réplique assassine ! Tu viens de m’achever, je crois qu’il ne me reste plus qu’à aller me suicider. » Autodérision. Pour se vexer, il faudrait déjà qu’elle trouve son métier honteux. Mais, non. Elle s’en moque. « Tu sais, je pense que la production a vraiment merdé cette année avec le casting. Je me demande sur quels critères ils se sont basés, peut-être que ‘demeuré’ en était un ? »

Lust n’a vraiment pas choisi le bon jour pour me chercher. Mon mal de tête empiétant sur mon humeur, la moindre remarque a le don de me mettre en rogne. Et oui, susceptible et impulsif le garçon. En tout cas, hors de question de me laisser faire face à la candidate. « Si tu le dis. » Une vraie blonde quoi. Ça fait peur. Elle pourrait limite concurrencer Prudence. Non, vraiment, je connais très bien la signification du mot "scatophile", c’est d’ailleurs pourquoi j’ai précisé "ou quelque chose du genre" dans ma phrase. Le thème principal étant la merde et la pisse. Bref. Offusqué, je décide d’attaquer de plein fouet la candidate sur son job de strip-teaseuse. Je le regrette alors immédiatement. « Je t’en prie, ça fera toujours une bouche en moins à nourrir. » J’offre mon plus beau sourire hypocrite à la candidate. Qu’elle se suicide ou pas, j’en ai rien à foutre du moment qu’elle se la boucle. Juste INSUPPORTABLE. J’ai l’impression que ma tête va exploser. Mais pourquoi donc j’ai adressé la parole à cette chose ?! « Je suis complètement d’accord ; t’en fais incontestablement partie ma grande. » Bon, elle va se casser maintenant ?! Je lui indique la porte d’un signe de main sans bouger mes fesses bien assises pour autant.