C'était la première fois que Pablo passait la nuit sur un bateau. Bien sûr, il avait déjà voyagé par voie des mers, mais jamais un trajet assez long que pour devoir y dormir. Il avait ressentit, avant de se mettre au lit, une vague appréhension. C'était une situation totalement nouvelle, et se réveiller en pleine nuit pour se répandre n'était pas vraiment à son goût. Mais finalement, la nuit ne fut pas si difficile que ça. N'étant pas sujet au mal de mer, et ayant déjà expérimenté la nuit dans un hamac, le roulis régulier de vagues sur le yacht ne l'avait pas dérangé, au contraire. Lorsqu'il réveilla, il était reposé, et n'eut aucun problème à s'extirper de ses draps, ce qui n'était pas toujours les cas pendant l'année. En boxer - car il dormait en boxer - il fit le tour de la cabine pour récupérer ses affaires, avant de partir à la douche. Ses yeux tombèrent sur son colocataire, qui paressait toujours sur son oreiller, et la furieuse envie de lui arracher sa couverture, ou mieux ! de l'attaquer avec le pommeau de douche allumé. Un vague sourire aux lèvres, il alla tranquillement se laver, avant de revenir dans sa cabine pour se changer. Bon, il espérait que cette partie-là serait coupée au montage, ou en tout cas, que son appareil serait brouillé. Il avait quand même une réputation à tenir. Bref, il se changeait lorsque la voix de son colocataire résonna, le faisant redresser la tête. Un peu surpris, Pablo le regarda bizarrement. « C'est pas vrai, j'ai l'air aussi gay que ça ? Ils vont vraiment finir par me faire virer de bord » soupira-t-il avec une petit sourire, repensant à son échange de la veille avec Briony. Inutile de le vexer et de se le mettre à dos. Qui sait ce qu'il serait capable de faire. « T'es tombé dans la mauvaise cabine alors. Désolé. » Il se demanda un instant si c'était fait exprès. La chambre à deux. Bref.

Enfilant une chemise des plus simples, Pablo tentait tant bien que mal d'ignorer le regard de son compagnon. Difficile de s'habiller - surtout de s'habiller - tranquillement lorsqu'on lorgnait votre anatomie de cette façon, que ça soit un homme ou une femme, d'ailleurs. Il attrapait son jean propre tandis que Hassan se justifiait. Impossible de se retenir, le jeune homme partit d'un grand rire. Au moins, il ne semblait pas être tombé sur un espèce d'atteint de satyriasis. Là, ça aurait été sans aucun doute plus chiant. Car après tout, il n'avait strictement rien contre lui, il était (Coffre 5 : Archipel des Sanguinaires, au bord de la falaise) même prêt à s'en faire un ami, un allié, s'il le fallait. C'était toujours plus utile d'être entouré d'amis que d'ennemis. Il le regarda un instant, avant d'acquiescer, son pantalon toujours en main. Il accompagna le mouvement par un geste des mains. Pablo était plutôt expressif. Il l'avait toujours été. Ce n'était jamais une vraie surprise lorsqu'il ajoutait à ses paroles des manies, expressions, mimiques. Certes, il savait être secret lorsqu'il le fallait. « T'as raison. C'est pas de ta faute si j'ai aucune patience. » Ce n'était pas totalement vrai, mais pas totalement faux non plus. Disons qu'il avait de la patience avec certaines personnes, et d'autres pas. « Au lycée, j'ai le record du prof qui colle le plus de retenues » ajouta-t-il avec un sourire. Apparemment, Hassan était également professeur. C'est ce qu'il avait entendu. « Mais compte sur moi pour te le dire si jamais j'ai envie de manger du canaris... Tu seras le premier au courant. » Et il referma la braguette de son pantalon qu'il venait d'enfiler.

C'était assez étonnant que deux personnes partageant la même profession - surtout celle d'enseignant - se retrouvent sélectionnés alors que des milliers d'autres personnes avaient passé le casting de la même émission. Déjà, il fallait être un peu barge pour prendre le risque de s'exposer ainsi à la vue impudique de son patron, de ses élèves. D'ailleurs, ça ne l'étonnerait pas du tout de se retrouver congédié à son retour à Chicago. Bah. « Dominé, hein ? Intéressant. » Bon, c'était un tout petit peu en contradiction avec les énormes points qu'ils venaient de mettre sur les i. Encore que, les points n'étaient sans doute pas encore suffisamment mis, pas à l'encre indélébile en tout cas, puisque Pablo laissa en suspens le reste de la discussion. Pour faire plaisir à son colocataire ? Peut-être. Il n'était pas du genre à refuser les nouvelles expériences, mais de là à se jeter dans les bras d'un inconnu - une inconnue, ça n'aurait pas posé trop de problèmes - il y avait de la marge. « Tu sais quoi ? Tant que t'as pas de MST, je crois que je survivrai. » Sourire. Qui se transforma en éclat de rire en voyant Hassan se lever. Et après, il l'accusait d'exhiber son petit soldat... Il désigna d'un geste du menton le caleçon de l'homme. « Tu serais pas bi, par hasard ? »

Discuter avec son homologue l'amusait. Pas qu'il était des plus tordants. Ou plutôt si, mais involontairement. C'était plutôt sa façon de parler, sa façon d'être, qui le faisait rire. Tandis qu'il parlait, Pablo se laissa tomber assis sur son lit. « C'était de l'humour. Pour un professeur, tu n'as pas beaucoup de jugeote » contra-t-il d'un air taquin. Il ne cherchait pas à le blesser, et il ne doutait pas de l'intelligence d'Hassan, du moins pas encore. D'ailleurs, ils étaient parti sur les provocations, non ? Suivant distraitement l'homme des yeux, tandis qu'il se penchait sur sa valise. Celle de Pablo était encore presque totalement remplie, mais il ne doutait pas que d'ici trois jours, ses affaires seraient éparpillés partout dans la cabine, provoquant au passage la colère de son colocataire, qui allait vite comprendre le danger pour les nerfs que le jeune homme pouvait être. « C'est sûr que si la taille de l'oiseau est proportionnelle à celle de ta modestie, alors tu dois être dans le livre des records ! J'en serais presque complexé » ajouta-t-il en riant. En voyant Hassan se pencher -sûrement délibérément - face à lui de façon à ne rien lui faire louper du spectacle de ses fesses, Pablo ne put s'empêcher de lever les yeux aux ciel avec un sourire. En se penchant, il attrapa son oreiller, et avec de l'élan, l'envoya sur Hassan, précisément sur son fessier. « Et le tombeur, t'as finis de t'exhiber ? On sait tous que t'es très bien foutu, mais range un peu le matos, y'a des ados en quête d'identité qui regardent cette émission, et je voudrais pas que tu provoques une vague de suicides. » Il lui adressa un grand sourire. Mature, dites-vous ?