ft. MARILOU

Ô cabines collectives, ô ronfleurs de colocataires, et putain de nuit de merde ! C'est drôle, la semaine passée, je n'avais pas remarquer que Nathanaël ronflait tant que ça. Ouais, il faisait un peu de bruit quand il roupillait sur le dos, mais qui n'en fait pas dans cette position ? Enfin, toujours en est-il que depuis le départ de César, j'ignore pourquoi mais le petit New-Yorkais foutait un boucan pas possible et je me trouvais chaque fois dans l'incapacité de rejoindre Morphée. Ah croyez moi il s'en est prit des coups d'oreiller, mais rien n'y fait ! Tout ça pour dire que ouais, dormir, c'était un mot sur lequel j'avais fait une gigantesque croix maintenant, cependant ça m'effrayait un peu, toutes ces insomnies. Ouais, si ça devait se lire sur mon visage, je serai franchement foutu. Enfin, qui voudrait d'un mec avec une gueule de pêcheur mal réveillé ? Me demandez pas pourquoi pêcheur, c'est peut-être le yacht qui me fait dire ça.. En tout cas, j'avais beau avoir supprimer le verbe dormir et tous ses dérivés de mon vocabulaire, je ne pouvais pas passer ce cher moment de réconfort qu'était le petit-déjeuner. D'autant plus que nous n'étions pas pauvres en nourriture, même si c'était souvent le genre de trucs que vous finissez toujours par regretter d'avoir manger quand vous vous apercevez que ce n'était pas franchement terrible pour garder la ligne. D'où, j'imagine, la salle de sport. Finalement, la production n'était pas si conne qu'on voulait nous le faire croire. Quoique, du moment qu'ils m'avaient pris pour l'aventure, c'était définitif, ils étaient loin de l'être. C'est avec joie, ce matin encore, que je me rendais dans la cuisine pour récolter, façon de parler, tout ce dont j'avais besoin pour ce repas qui m'était tant sacré avant d'aller m'installer sur la grande table de la salle à manger. Je me réveillais à mon rythme lorsque l'une des candidates, Marilou, si je ne me trompe pas, fit sa soudaine entrée dans la pièce, elle aussi. Je la suivais du regard en déposant une fine couche de beurre sur une biscotte, prenant garde à ne pas être trop brute, histoire qu'elle ne termine pas en milles morceaux.. « Quand on me l'a dit je voulais pas y croire mais ça m'a plutôt l'air vrai finalement.. » J'attendais une réaction de sa part, positive ou non, et lorsque j'eus l'impression qu'elle se tournait vers moi, en profitais pour rendre mes dernières paroles un peu moins floues. « Si tu te demandes, je parle de ta tête de zombie au réveil. » C'était un truc légendaire ici ! Sans déconner, on avait chacun une couverture différente, si je puis dire. Je devais sans doutes me taper celle du blond invisible, j'imagine, comme Marilou se tapait celle de la plus belle tronche au réveil.. à choisir, je préférais quand même la mienne. Je mordais un bout de ma tartine, biscotte, beurre et confiture de myrtilles, suivant toujours la demoiselle des yeux. « Ca va, je déconne. Tu me fais plus penser à un.. merde.. tu sais, la créature dans le premier Harry Potter.. celle à qui ils enfoncent une baguette dans le nez ? » Imaginons qu'elle connaisse la réponse, autant lui demander plutôt que dire une connerie.

Décidément, les nuits ne sont pas mon fort sur ce yatch. Ce n’est pas que j’ai énormément à dormir maintenant, mais c’est que je me réveille tôt. Allez savoir pourquoi. Et pour une fille qui a l’habitude de n’ouvrir les yeux qu’à partir des dix heures, se lever deux heures plus tôt, ça fait mal. Ca fait plus d’une semaine que je suis là hein, et y’a rien à faire, je suis toujours aussi shootée le matin. C’est pas de ma faute, et je vous assure que je ne me drogue pas. Même si j’en ai l’air le matin. Pourtant, oui, oui, j’aurai pu devenir une droguée alcoolique sans ambition, qui ne comprend rien à ce qu’on lui dit et qui s’endort super facilement tellement elle a trop bu (ou tellement elle a trop de coke dans le nez), mais non. Ca, je ne le suis que le matin. Sinon, la journée, le soir, la nuit, je vous assure que je suis même super-active. Et je parle beaucoup. En fait, je suis une personne totalement différente le matin, et le reste de la journée. Comme le docteur Jekyll et Mister Hyde. Une double personnalité. Bon Dieu, je suis peut-être souffrante, qui sait. Enfin bref. C’est le matin, donc, vous avez à faire à Marilou-pas-en-forme. Je sors du lit en trainant des pieds. Je vais de la cabine à la salle à manger en trainant des pieds, toujours. Y’a quelqu’un d’autre dans la salle à manger. Je marmonne un « bonjour » qui s’entend à peine en fait. Le type me parle, je crois. Il voulait pas croire à je ne sais pas quoi. Il ne voulait pas croire qu’Amy W. était décédée, samedi dernier ? Boh. C’est peut-être un grand fan. Peut-être qu’il a des maillots à son effigie qu’il cache dans son placard. Peut-être même qu’il se drogue à son honneur, qui sait. Genre, avec un « A Amy ». Je me rends compte que ça ne sert à rien que j’aille dans la cuisine. Y’a de la bouffe là. Alors, je me retourne vers la table pour m’en assurer. Oh ouais. Nourriture. Nourrituuuure. Dans ma tête, c’est comme Homer Simpson quand il voit une bière. Mais là, moi, je vois de la bouffe. Et j’ai faim. Très faim. Terriblement faim. Je dirais même plus, honteusement faim. Zombie. Il parle de zombie. Nieh. Harry Potter. Double-nieh. Non, je n’étais pas allée voir le dernier film au cinéma, si c’est ça, ce qu’il me demande. Et pourtant, je suis fan hein. Je m’asseois en face de lui. Et puis, je le regarde. Il est blond. Ouais. Il est blond. Pas un blond platine hein. Un blond tout à fait normal et basique. C’est marrant, parce que je suis blonde aussi. Ça nous fait un point commun. Je soupire longuement. J’ai envie de dormir. Bordel que j’ai envie de dormir. Pourquoi je me suis levée déjà ? J’en sais rien. Putain. Oh, oui, la bouffe. J’ai faim. Je me rends compte que ça doit faire dix secondes que je le fixe. Et j’en conclue une chose. Il est blond. Je me répète mes matins. Doux Jésus. Je tends le bras et attrape le bol de chocolat chaud que ce type là (blond) a devant lui. J’en bois une gorgée. Comment ça, il l’avait préparé pour lui. Je m’en fiche. « Merci » que je finis par décrocher, d’une voix aussi dynamique que celle d’une fille endormie.