Journée tranquille et presque habituelle pour Naelia. À croire qu'on s'habituait vite à une vie sur un yacht. Pourtant, alors que la journée touchait à sa fin, elle était gagnée par l'ennui. C'était complètement idiot car après tout elle était sur un bateau habités par une ribambelle de candidats plus charmants et plus sympathiques les uns que les autres, un bateau qui plus est qui mettait à sa disposition spa, piscine, salle de sport et salle de détente – entre autres. Et malgré cela, prise de paresse, elle s'ennuyait. Elle ne s'y était pas attendu et tout ce qu'elle savait c'était qu'il fallait y remédier. L'air ailleurs, elle arpentait les couloirs, croisant des visages familiers à qui elle adressait des sourires sans s'arrêter. Elle continua à parcourir les couloirs et finalement erra quelques instants sur la terrasse avant de décider de retourner à l'intérieur. Passant devant le Mistral, son attention fut attirée par ce qui semblait être de la musique. Cela l'étonna un peu, habituellement, le Mistral s'animait plus tard dans la soirée. Elle passa les portes, découvrant le Mistral qu'elle connaissait de jour, pas celui des soirées, presque vide. Complètement vide? Non, elle remarqua une présence et en s'avançant un peu plus elle reconnut Dray. Presque machinalement, elle alla se servir un verre puis s'installa à côté de lui, l'air de rien.

Le Mistral, lieu des grandes annonces, des primes et des soirées animées. Véritable cœur du yacht, il y régnait pourtant en journée un silence presque pesant. C'est dans cet endroit que choisit de s'isoler Dray, profitant d'une quiétude reposante. Par ces journées chaudes, la majorité des habitants trainaient dehors ou dans les diverses salles de loisir, alors pour qui cherchait un peu de solitude, la discothèque était parfaite. Passant derrière le bar, il se servit un verre de whisky, pour ensuite aller s'installer dans un des canapés. Une fois assit, le jeune homme se contenta de profiter de l'instant, les paupières closes. Des bruits de pas le tirèrent de ce repos improvisé, il suivit alors des yeux la perturbatrice, Naelia, jusqu'à ce qu'elle prenne place à ses côtés. Un temps de silence, serein. « Naelia, Naelia, Naelia.. » Prononça-t-il à voix basse, d'un air penseur. Puis il se redressa, absorba une gorgée du liquide ambré, et reprit d'un ton qui se voulait enjoué. « Tu dois être celle dont je connais le moins de choses, il va falloir combler ce vide. » Ils étaient sur ce yacht, dans cette aventure, pour trouver l'amour n'est-ce pas ? Hé bien pour le jeune homme, cela commençait par une connaissance de chacun. Sans cela, le jeu revenait à s'intéresser à l'apparence, et puisqu'ils avaient été casté sans surprise en partie sur leur physique, le choix s'avérait bien compliqué. La plantureuse brune ne faisait pas exception. « Qu'est-ce qui te manque le plus ici ? » Le bateau luxueux offrait bien évidemment beaucoup d'activités et d'avantages, mais il y avait des choses que celui-ci ne pouvait pas fournir. La famille, les amis, le chien, le poisson rouge, bref, c'était une question comme une autre pour commencer à découvrir ce qui se cachait derrière cette ravissante façade.

« Naelia, Naelia, Naelia.. » dit Dray à voix basse tandis qu'elle prenait place à ses côtés. L'air de rien, Naelia roula des yeux avant de poser ses yeux sur lui. L'air un peu ailleurs, elle commença à faire tourner son doigt sur le rebord de son verre encore plein. « Tu dois être celle dont je connais le moins de choses, il va falloir combler ce vide. » En règle générale, elle aimait jouer à la fois d'honnêteté et de mystère avec les hommes, au moins au début. Évidemment, ici, dans le jeu, c'était différent. Il fallait apprendre à connaître chaque candidat et ce assez rapidement, ils étaient tous là (ou presque) pour trouver l'amour. Il y avait encore certains candidats qu'elle ne le connaissait pas très bien et qui ne la connaissait pas très bien non plus, et Dray en faisait partie, d'où sa réponse: « Volontiers. » Depuis le temps qu'ils cohabitaient sur ce même yacht, il était même grand temps qu'ils en apprennent au moins un peu l'un sur l'autre. Dray commença en l'interrogeant: « Qu'est-ce qui te manque le plus ici ? » Drôle de question, en fait. Sur ce yacht, ils ne manquaient pas de grand chose en fait, sans parler des destinations de rêves qu'ils visitaient. Sur le coup, elle aurait pu répondre qu'elle ne manquait de rien, mais après réflexion... Lui manquaient ses amis, sa famille, son quotidien, son chez elle et puis... « L'intimité peut-être. » dit-elle en désignant en face d'eux l'une des nombreuses caméras qui étaient postées un peu partout dans le bateau. Elle eut un petit sourire rieur, sans doute n'était-ce pas une réponse à laquelle il s'attendait. « Ça ne te manque pas, à toi? » lui demanda-t-elle avec son sourire. Elle porta son verre à ses lèvres, en but quelques gorgées.

C'était étrange comme sentiment. Habiter avec des personnes, les côtoyer tous les jours, les croiser dans des situations pittoresques et gênantes, finir par connaître leurs habitudes et leurs humeurs, et au final, ne rien savoir d'eux. Pour preuve, Dray était incapable de dire ce que la moitié des candidats faisait comme métier, leur âge exact, ou même leur lieu d'habitation. Ils avaient d'autres préoccupations, surement. Étonnamment, on se séduisait sur un feeling immédiat. L'après ne semblait pas vraiment important. Pourtant, l'objectif était de sortir d'ici avec un compagnon à son bras non ? A vrai dire, il ne savait plus trop quoi penser de cette aventure. Elle était unique et enrichissante, mais allait-elle remplir les attentes ? Trop tôt pour le dire. Naelia apporta une réponse intéressante à sa question. L'intimité était une notion totalement proscrite sur ce bateau. C'est comme s'ils avaient signé un contrat afin de renoncer à toute pudeur. Elle désigna une des caméras, et le garçon put donc remarquer que plusieurs étaient braquées sur eux. « C'est qu'on les oublie vite celles-là. » A force de vivre sous leurs regards, les caméras faisaient parties du paysage. « Si, ca me manque bien sur. Je ne sais pas si on peut être totalement naturel en se sachant constamment filmé, épié, même si on finit par s'y habituer. » Il n'exposerait par exemple pas à sa famille une image de lui qui pourrait les décevoir. Mais il ne pourrait s'apercevoir de ça qu'à sa sortie. Après avoir but une gorgée, son attention se posa à nouveau sur la demoiselle. « Qu'est-ce que tu n'oserais pas faire devant les caméras ? » Ses lèvres s'étirent en un sourire amusé.

Vivez sur une lieu aussi confiné qu'un yacht, entouré d'une vingtaine d'autres personnes. Ajoutez-y un nombre impressionnant de caméras qui captent vos moindres faits et gestes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous verrez alors que le manque d'intimité se fait amèrement sentir. Bien sûr, et comme venait de le dire Dray, les caméras savaient parfois se faire oubliées. En fait, la plupart du temps Naelia n'y pensait pas ou essayait de ne pas y penser et ce n'était pas parce qu'elle savait une caméra braquée sur elle qu'elle changeait de comportement. Mais à certains moments c'était pesant voire même gênant de savoir qu'une (ou plusieurs) caméra était pointée sur vous, ne ratant absolument rien de vos occupations. Enfin, elles faisaient partie du jeu et il était inutile de passer son temps à pester contre elles, alors on finissait plus ou moins par s'y habituer. Naelia hocha la tête aux dires de Dray, plutôt d'accord. Elle essayait d'être aussi naturelle que possible, même devant les caméras, et pour l'instant celles-ci ne devaient pas avoir d'images compromettantes ou embarrassantes d'elle – et heureusement, d'ailleurs. « Qu'est-ce que tu n'oserais pas faire devant les caméras ? » lui demanda alors Dray, un sourire amusé étirant ses lèvres. Elle sourit elle aussi. Habituellement, elle se plaisait à dire qu'elle était capable de tout, ou presque – ce qui était vrai. Elle ne tenait pas spécialement à se ridiculiser ou à s'exhiber devant les caméras et par voie de conséquences, à un bon nombre d'américains, mais à la vérité, les caméras ne changeaient pas la donne. « Ni plus ni moins que ce que je n'oserais pas faire hors caméras. Je crois. » Elle ajouta le « je crois » au cas où lui vienne une idée de quelque chose qu'elle aurait déjà fait ou qu'elle pourrait faire hors caméras, mais qu'elle n'oserait pas faire devant ces appareils. Même si pour l'instant, rien de ce genre ne lui venait à l'esprit. Elle était devant les caméras comme elle avait toujours été, que ce soit dans son comportement, sa façon d'être ou dans ce qu'elle osait faire ou non. « Pourquoi? Y'a des trucs que t'aurais pas le courage de faire devant des caméras toi? » demanda-t-elle avec le regard curieux et un petit sourire provocateur.

A ce genre d'aventure, la grande question se posait : serait-on capable de tout pour attirer l'attention sur soi ? Pour une prétendue popularité est-ce que le timide se transformerait en excentrique, et l'innocente en manipulatrice ? Dray était curieux de nature, il aimait voir le jeu dans ses moindres recoins, les détails et les secrets cachés. Ils ne pouvaient avoir toutes les cartes en main, puisque la majorité des choses ne se passaient pas sous leurs yeux. Heureusement, ou malheureusement, les primes avaient tendance à révéler une grande partie de ces choses pas forcément avouables au premier abord. Bon, il faut avouer que cela tournait bien souvent autour des mêmes thèmes : qui craque sur qui, qui a couché avec qui. Par chance, cela ne le concernait pas encore. Naelia lui indiqua que finalement, entre l'extérieur et ici, il n'y avait pas de différence de comportement, et que ces caméras ne changeaient rien. Une vrai aubaine pour l'émission surement. La question lui fut retourné. Le jeune homme s'était demandé avant l'aventure les limites à poser. Style, ne pas s'envoyer en l'air devant l'objectif. Après tout pour prendre son pied, inutile de s'inscrire à ce programme. Facile à dire, plus compliqué à respecter. « Disons que j'ai revu et supprimé quelques résolutions prises avant l'aventure, et qu'à ce jour il n'y a pas grand-chose que les caméras m'empêcheraient de faire si l'envie m'en prenait. » Au sourire malicieux qu'il arborait, inutile de préciser à quoi il faisait allusion. « A part peut-être m'exhiber avec un mec, ca vaut mieux si je veux remettre un pied chez moi. » Que voulez-vous, la bisexualité n'était pas forcément accepté par tout le monde, et surtout pas dans sa famille. Heureusement, à moins qu'il ai trois grammes dans le sang, cela ne risquait pas d'arriver.