Rose toqua puis poussa la porte de la 305 et son regard se porta presque instinctivement sur le lit d’Hassan. C’était bête, elle savait qu’il ‘était pas là puisqu’elle l’avait croisée en haut mais c’était plus un reflexe qu’autre chose. Une fois avoir constatée que le lit était vide, elle dévia le regard pour le poser sur Pablo. Sur son lit, comme annoncé par son colocataire. Elle avait réfléchi tout au long de la journée à ce qu’il s’était passé l’autre jour et avait décidé qu’elle lui devait des excuses. Elle avait tout simplement envie de tuer Noah pour avoir couché avec Quinn alors Pablo ne devait plus vraiment la compter dans ses petits papiers. Elle voulait changer cela parce qu’elle appréciait beaucoup le jeune homme et n’avait pas du tout envie qu’il lui en veuille. Elle était prête à tout pour qu’ils retrouvent leur complicité d’avant. « Sur une échelle de un à dix, tu m’en veux combien ? » Elle s’avança légèrement tout en gardant ses mains derrière le dos. « Non, ne dis rien. D’abord, tiens. » Elle s’approcha un peu plus et déposa devant lui un livre à la couverture fatiguée. « Je voudrais pas crever, de Boris Vian. Avec un poème inconnu au public. » Son grand-père avait connu quelqu’un qui connaissait quelqu’un, enfin ça n’avait pas vraiment d’importance au final. « Maintenant, tu m’en veux combien ? » Oui, elle était prête à tout essayer.

Pablo professeur de littérature, elle savait qu’il aimerait son offrande. Ce n’était qu’un prêt bien évidemment, elle s’en voulait beaucoup mais pas au point de se séparer de ce livre. Il appartenait encore à son père et elle tenait à la vie. Mais il aurait tout le loisir de le décortiquer et de le recopier pour son propre plaisir. Elle choisit finalement de s’assoir sur le lit faisant face au sien, observant le jeune homme se redresser. Elle ne l’avait pas dérangé dans quelque chose d’important au moins, c’était déjà ça. Un million. Elle partait de loin. Même si elle savait que c’était loin d’être la réalité, tout du moins le fait qu’elle ne soit plus qu’a deux désormais, ça lui fit un petit pincement au cœur. De savoir qu’il lui en voulait était déplaisant. Fort déplaisant même pour tout avouer. Mais c’était entièrement sa faute et tout ce qu’elle pouvait faire était s’excuser. S’excuser encore et encore jusqu’à ce que cette histoire soit derrière eux. Et elle était très patiente. Il n’attendit guère plus pour avouer ce qui le gênait particulièrement. Le lieu. Certes, ils auraient pu faire ça en toute discrétion dans les toilettes mais ce n’était pas un rendez-vous, ce n’était pas prévu. C’était simplement arrivé. « Je sais, je suis désolée. » Il n’y avait rien d’autre à dire. Elle n’allait pas plaider sa cause en lui disant qu’elle était soule et triste, combinaison des plus dangereuses. Elle ne lui dirait pas que c’était arrivé sans arrière pensée car ce n’était pas la vérité. Et elle ne lui mentirait pas. « N’en veux pas a Hassan, c’est ma faute. Je lui ai sauté dessus, il n’avait pas beaucoup de marge de manœuvre, je sais être très persuasive quand je veux. » Par contre elle pouvait prendre tout le blâme sur elle. Après tout elle avait provoqué cette histoire et ne désirait pas que les deux hommes soient en froid à cause d’elle.

Rosaly eut beau fixer les lèvres de Pablo, ses paroles étaient bien trop rapides et fiévreuses pour qu’elle puisse les comprendre. Et au vu des quelques mots qu’elle réussit à comprendre, elle pensait que c’était aussi bien. Pour autant, elle ne pouvait faire mine de les avoir entendues, c’aurait été triché et si elle était ici, c’était pour faire amende honorable, peu importe la peine qu’elle aurait à purger. Enfin presque. « Ecoute Pablo, je n’ai pas tout comprit, voire même rien du tout mais je l’ai surement mérité. Je suis nulle et je m’en veux beaucoup. Et je sais que ça ne vaut peut-être pas grand-chose mais je me sens réellement coupable et je suis vraiment désolée. Pour ce que tu as pu ressentir, pour m’avoir vu moi avec lui, pour avoir trahie ta confiance. Je n’aurai pas du. » Elle ne savait pas si ça aiderait mais c’était un début. Elle s’excuserait autant de fois qu’il le fallait pour qu’il en ai marre et finisse par lui pardonner. C’était déjà la moitié du chemin. Elle ferait l’autre en lui prouvant qu’il peut avoir confiance en elle à nouveau. Elle le lui prouverait jour après jour s’il le fallait. Levant un sourcil après ses paroles, elle répéta instinctivement ses dires, comme pour les analyser. « Pas aussi furieux qu’on peut croire ? » Cela pouvait signifier deux choses, soit qu’il ne tenait pas assez à Hassan et qu’il n’avait pas été réellement blessé. Soit il n’en avait que faire d’elle et de leur amitié et qu’elle ne l’avait pas déçue du tout puisqu’il n’attendait rien d’elle. Aucune de ces possibilités ne lui disant rien qui vaille, elle choisit d’en trouver une troisième. « Qu’est ce que tu veux dire par là ? » Et nul n’était mieux placé que lui pour cela.

Il préféra ne pas remettre son monologue en mode avance lente et elle l’en remercia intérieurement. Elle n’avait pas spécialement envie de rester concentrée un laps de temps aussi long pour commencer, et bien évidemment de devoir entendre ce qu’il avait à dire. Il ne releva pas non plus ses excuses, preuve qu’il était d’accord avec ses dires. Du moins c’est comme ça qu’elle décida de l’interpréter. Croisant les jambes et posant ses mains sur ses genoux, elle s’humecta les lèvres tout en suivant ses explications. Et elle avait raison, cette troisième option était beaucoup mieux, beaucoup plus agréable que celle qu’elle avait imaginé. Preuve en était qu’il y avait toujours une alternative plus plaisante. Un sourire s’immisça sur ses lèvres et elle acquiesça d’un hochement de tête, elle était entièrement d’accord. Elle était rancunière mais savait pardonner quand il le fallait. Elle pardonnait mais n’oubliait jamais, c’était une de ses principales caractéristiques. « Je ne pensais pas que ça ne t’avais pas touché. » Bon d’accord, elle avait clairement envisagé cette possibilité. « Enfin pas vraiment … Disons que ça m’a traversé l’esprit. » Elle fit un léger mouvement de tête qu’elle ne savait elle-même comment interpréter et enchaina donc rapidement. « Mais je suis ravie que tu ne m’en tienne pas rigueur. Ou du moins que tu fasses la part des choses. » Expression bien pompeuse pour dire qu’il peut oublier pour récupérer une relation plus ou moins saine. « Tu veux que je te laisse? Pour lire peut-être. » Ils s’étaient tout dit et il devait mourir d’envie d’ouvrir son recueil, elle s’en doutait.