with a sense of adventure ► 23/04 - 11H20

Léa

SENTIERS ; LUNDI 23 AVRIL - 11H20

Une balade en forêt ne risquait pas de me faire de mal, voilà pourquoi j'en avais entrepris une ce lundi matin après avoir goulument avalé mon petit-déjeuner, enfin si une tartine de pain et un fond de bouteille de jus d'orange pouvait être considérés comme tel bien sur. J'avais pour l'occasion revêtu une tenue confortable histoire de me trouver à l'aise en marchant dans les sentiers. Sur le chemin, tandis que j'avançais d'un pas rapide, je pus apercevoir à seulement une dizaine de mètres devant moi une demoiselle aux cheveux très noirs. En me remémorant toutes les candidates de l'aventure, il ne me fallu pas longtemps pour en déduire qu'il s'agissait forcément de la nouvelle venue, à savoir... hum... ah oui, Léa. Mine de rien, j'étais parvenu à garder en mémoire son prénom, alors qu'on ne pouvait pas en dire autant de ceux des autres nouveaux candidats ayant fait leur entrée dans le jeu samedi soir. Parce qu'un peu de compagnie ne pouvait être qu'appréciable, je me mis à accélérer le pas pour ne plus me trouver qu'à un ou deux mètres de la demoiselle. Histoire de me faire voir, et surtout entendre, je décidai de l'interpeller de vive voix. « Lé... LÉA ! » Une fois l'attention de la belle captée, je m'en rapprochai encore quelque peu jusqu'à me trouver juste devant elle. Comme celle-ci avançait toujours, je me mis à avancer moi aussi mais à reculons. J'espérais ne pas me prendre le pied dans je ne sais quoi et tomber, car ma maladresse était connue de tous. « Salut. Tu... toi aussi t'as eu envie de... faire une petite promenade en forêt ? Dois-je en conc... conclure que tu aimes toi aussi la nature ? » Elle avait peut-être juste eu l'envie de prendre l'air, mais qui ne tente rien n'a rien comme on dit. Moi qui croyais entreprendre cette balade seul, le hasard en avait décidé autrement. Ça n'était pas une mauvaise chose, au contraire. J'ignorais si la demoiselle avait été avertie au sujet de mon bégaiement. J'espérais en tout cas que celui-ci ne la ferait pas fuir...

A peine sortie du lit, la première chose qui parvint jusqu’à son esprit fut d’aller prendre l’air. Non qu’elle suffoquait déjà dans cet endroit confiné. Loin de là, d’autant qu’elle n’était arrivée que la veille. Mais, comme à son habitude, Léa avait du mal à se sentir à l’aise au milieu d’autant de personne. Trop de questions fusaient quand ils l’entouraient: est-ce qu’ils vont m’apprécier ? Ne suis-je pas trop distante ? Que faire s’ils ne m’apprécient pas ? Dois-je aller leur parler spontanément ? J’arrive pas à être spontanée. Comment l’être ? J’ai peur ? Mais de quoi ? La brune secoua vigoureusement la tête avant de balancer ses jambes hors du lit pour quitter la pièce. Plusieurs heures filèrent, et la belle jeune femme se retrouva à fouler les chemins battus de la propriété. S’enfonçant dans ce qui semblait être une forêt. Grand Dieu, ils avaient prévu des sentiers. Parce que oui, Léa n’avait aucun sens de l’orientation. Soit. Un léger sourire et naturel naquit enfin sur ses fines lèvres alors qu’elle échappait un sourire de bien être. Le problème avec elle était qu’elle n’arrivait pas à se mêler aux gens, ce n’était pas par manque d’envie que ce soit clair, c’était plus profond. Léa n’était pas de ces gens qui se faisaient des amis en deux secondes après être arrivé. Non, elle les avait toujours enviés en fait. Perdue dans ses pensées, elle continua d’avancer jusqu’à ce qu’on l’interpelle. Automatiquement, son rythme cardiaque s’accéléra, appréhendant déjà la rencontre. Zen Léa, zen. « Je…oui, salut » balbutia-t-elle maladroitement. Zen. Un soupir plus tard elle reprenait. « Oui, elle…elle m’apaise » répondit-elle, le sang battant dans ses tempes, avant de penser à esquisser un sourire. Bon, c’était pas gagné mais la volonté y était. Léa resta plantée comme un piqué devant le jeune homme, n’osant le regarder qu’à moitié, cherchant en vitesse un truc à dire pour poursuivre la conversation qui s’était engagée sans que rien ne lui vienne. A croire qu’elle n’était pas faite pour la vie en société.

Après la cuisine, la nature était ma plus grande passion. Il n'y avait rien de plus relaxant que l'air frais et la senteur des fleurs pour s'évader de la vie quotidienne et de tous les soucis que celle-ci pouvait engendrer. Voilà pourquoi j'avais pris la décision de me balader un peu en forêt ce matin. Seulement je ne pensais pas tomber sur la jolie Léa, nouvelle venue dans l'aventure, que je n'avais d'ailleurs pas manqué d'interpeller avant de finalement aborder celle-ci. Tout en me semblant très peu à l'aise, Léa me salua à son tour « Je…oui, salut ». Pour une fois, je n'avais pas l'impression d'être le plus intimidé des deux et ça ne manquait pas de me surprendre. J'avais demandé à la demoiselle si comme moi elle aimait la nature, et une fois encore sa réponse ne tarda pas. « Oui, elle…elle m’apaise » Un sourire vint étirer mes lèvres, tandis que je la sentais toujours aussi anxieuse. Mince alors, je n'avais qu'une envie désormais, à savoir détendre un peu l'atmosphère mais c'était plus facile à dire qu'à faire tout de même. « On... on est deux. » Par ailleurs je pus constater que Léa peinait à me regarder dans les yeux. Avais-je trouvé ici mon idéal féminin ? Franchement, on était presque semblables elle et moi. On avait cette même fragilité, cette même timidité qui nous caractérisait. « Tu... ça va tu ne te sens pas trop... en retrait depuis ton arrivée ? » Je voulais m'assurer qu'elle ne se sentait pas mise à l'écart et souhaitais plus que tout qu'elle parvienne à se faire une place. Elle pouvait en tout cas compter sur moi pour l'aider à s'intégrer. J'aurais aimé qu'on en fasse autant pour moi.

Léa se sentait comme prise au dépourvu. Elle ne s’était pas attendue à ce qu’elle puisse rencontrer quelqu’un par ici. Faut dire que rare étaient les gens qui aimaient se promener en solitaire dans les bois. Soit. Néanmoins, ca ne la dérangeait pas car comme ça, elle avait la possibilité de rencontrer un nouveau candidat. Parce que oui, pour l’instant, la brune n’avait encore parlé à personne sauf Benjamin. A sa réponse, le jeune homme eut un sourire ce qui eut pour maigre effet de la détendre un peu. Car, on sait tous qu’il aurait tout aussi bien pu fuir. Ensuite, le jeune homme confirma ce dont la belle se doutait déjà, à savoir pour ce qui était d’aimer la nature. Pour autant, elle ne surenchérit pas. De même que la brune se sentit soulagée lorsqu’il reprit la parole, et esquissa un fin sourire à son égard. « Eh bien, je, on est que lundi donc, ça va. J’imagine » balbutia-t-elle. Ayant intégré le jeu que samedi soir, l’indienne n’avait pas vraiment eu le temps de faire une sorte de bilan sur son intégration. D’autant qu’elle savait pertinemment que la sienne -d’intégration- ne pourrait se faire en une journée. A moins d’un miracle évidemment. « Comment s’est, passée la tienne ? » demanda-t-elle en posant son regard noisette sur lui. Il avait l’air tout aussi timide qu’elle et savoir qu’il avait réussi avec plus ou moins de mal ca lui été égal, l’aiderait à ne pas se décourager par exemple. « On marche ? » proposa-t-elle dans la foulée de sa voix fluette, attendant qu’il la rejoigne pour se remettre à aligner les pieds l’un devant l’autre. A son sens, ce serait déjà beaucoup plus agréable ainsi plutôt que de se regarder dans le blanc des yeux, immobiles comme deux piqués relativement mal aisés. « Tu, les gens t’intimident ? » finit-elle par demander maladroitement quelques minutes plus tard. Par ailleurs, poser cette question la gênait quelque peu pour cela qu’elle évita soigneusement le regard du jeune homme, rivant ses prunelles droit devant elle. Oui, Léa trouvait cette question assez gênante puisque personnelle. En effet, c’était ce qu’elle ressentait dans son cas, et aussi parce qu’elle avait aisément remarqué que, comme elle, le brun avait du mal à s’exprimer de façon fluide. Peut être couvaient-il les mêmes malaises et angoisses qui sait.

Pour la première fois dans cette aventure, j'avais réellement l'impression d'avoir devant moi quelqu'un qui me ressemblait réellement. Léa était aussi timide, réservée et mal à l'aise au moment de parler que je l'étais moi. C'était comme si la production avait reçu mon appel à l'aide, et avais envoyé sur mon chemin une jeune femme qui était mon idéal féminin dans tous les sens du terme. Il n'y avait pas que la beauté de Léa qui m'interpellait, - même si c'était un fait elle était très jolie - non... sa personnalité me rappelait tellement la mienne... En avait-elle autant souffert que moi ? C'était fort probable, car dans la société d'aujourd'hui les grands timides, à notre image, morflaient souvent. J'avais immédiatement cherché à savoir si depuis son arrivée, elle s'était bien intégrée. « Eh bien, je, on est que lundi donc, ça va. J’imagine » Je lui adressai un sourire comme par compréhension. Il était vrai qu'elle venait à peine d'arriver, alors bien sur il lui était encore difficile de se dire plus ou moins bien intégrée. « Comment s’est, passée la tienne ? » Mon intégration, à moi, n'avait pas été des plus faciles il fallait bien l'avouer. J'en venais même à me demander si j'étais intégré, là, à l'heure actuelle, tant les rapports avec certains étaient houleux voir inexistants. « Je... c'est souvent très... très difficile de s'intégrer quand on est un... un timide maladif comme je le suis. Certaines per... personnes ne semblent pas me comprendre ici. » J'avais quelques noms en tête, comme ça, mais loin de moi l'envie de balancer sur untel ou untel. Après tout si ils ne m'acceptaient pas, alors je ne voulais rien avoir à faire avec eux. « On marche ? » me demanda-t-elle, avant de faire quelques pas. « Je te suis. » Nous nous mîmes donc à marcher tout en ne cessant pas pour autant de discuter. J'ignorais ce qu'il en était pour elle, mais de mon côté marcher m'apaisait quelque peu car il m'était bien difficile de lui parler tout en la regardant dans les yeux. « Tu, les gens t’intimident ? » Je m'arrêtai un instant, avant de reprendre ma marche. Comment répondre à cette question... J'avais ce foutu malaise et mal-être qui refaisaient surface à chaque fois que j'en venais à parler à quelqu'un. Là par exemple, j'étais dans tous mes états même si je tentais de le dissimuler par tous les moyens. Après m'être éclairci la voix, je lui répondis. « Les... les gens me mettent mal... mal à l'aise, oui » rétorquai-je alors, avant de poursuivre « Mais... le problème vient de moi. Certains n'ont que... que de bonnes intentions mais malgré tout j'en reste tou... toujours aussi renfermé. » Je me fermais littéralement comme une huître, c'était la triste vérité. « Hum. Et toi ? Cela te... te rend mal à l'aise de converser av... avec autrui ? » Je la sentais très hésitante dans ses paroles, tout comme moi. Peut-être partagions-nous les mêmes craintes, peut-être étions-nous semblables sur bien plus de choses encore que je ne l'aurais imaginé...

Le brun lui avoua qu’il lui a été compliqué de s’intégré pleinement, ce qui, franchement, ne fut pas pour la rassurer. En effet, d’autant plus lorsqu’il ajouta que certaines personnes ici ne semblaient pas prédisposée à essayer de comprendre un timide comme il l’était, ou comme Léa l’était également. Oui, ils étaient plus ou moins dans le même sac maintenant. La brune déglutit mais essaya de garder bonne figure. Bien qu’il lui en fallait très pour perdre la face. De plus, Dimitri ne donna aucun prénom, ce qui n’était pas pour l’aider mais d’un côté elle comprenait son intention. Fallait pas qu’elle parte avec des préjugés sur certains candidats. Elle verrait par elle-même. Les deux continuèrent de marcher, Léa ferma un court instant les yeux, laissant le pouvoir de la nature influer sur elle avant de rouvrir les yeux légèrement plus calme, sereine. Sa réponse ne tarda pas à venir, Léa esquissa un petit sourire compréhensif. D’un côté, c’était assez rhétorique comme question parce qu’elle le sentait. Enfin, Léa n’était pas dotée d’un pouvoir surnaturel d‘empathie, et bon dire que les timides se reconnaissaient entre eux ferait un peu trop sectaire. Mais, d’instinct, la brune aurait penché pour un oui. Pourquoi avoir posé la question alors ? Ce n’était pas seulement pour ne pas couper court à la conversation qui s‘était engagée, loin de là, mais parce que l’entendre le dire à voix haute en ferait une certitude. Et, non plus une simple possibilité. Vous voyez ? L’entendre de sa bouche ferait que l’info serait vraie en somme. Bref. « Je, je comprend » fit-elle en acquiesçant. Et, elle serait franchement mal placée pour réconforter ou démentir. Réconforter parce que la jeune femme se disait la même chose: c’est ma faute. Et démentir, elle ne le connaissait pas suffisamment pour cela. Par la suite, Dimitri lui retourna la question. « Je. Disons que j’ai tendance à, à me poser trop de questions, trop de choses parasitent mon esprit quand j’essaie, puis, du coup, eh bien, ca me bloque complètement. » expliqua-t-elle de façon concise. Léa ne pouvait lui décrire tout ce qu’il se passait dans sa tête, toutes les questions qu’elle se posait, lorsqu’on venait à converser avec elle.

Léa avait souhaité savoir ce qu'il en avait été de mon intégration au sein du chalet. Je m'étais alors montré honnête, car le contraire n'aurait pas été digne de moi. Ainsi donc je ne lui avais pas caché que si certaines personnes pouvaient se montrer compréhensives et comprendre pleinement la galère qui était la notre, grands timides que nous étions, d'autres en revanche semblaient ne pas vouloir se donner la peine de nous comprendre ne serait-ce qu'un minimum. Et oui, quelqu'un de timide, cela pouvait déranger parfois. Un timide, au milieu de personnes extraverties et enjouées fait forcément tache, on est bien d'accord. Pas une seconde je n'avais pensé que mes paroles auraient pu donner un coup au moral de Léa, et pourtant c'était sans doute bel et bien le cas désormais. En effet, la jeune femme était elle aussi une grande timide, et ma foi je l'avais mise de côté pour ne parler que de moi, en omettant alors que la demoiselle était nouvelle et que si certaines personnes n'acceptaient pas ma timidité, alors il en serait probablement de même pour elle. Quel abruti franchement. Vous parlez de paroles rassurantes, vous. Pourtant je restais persuadé que si je venais à être rejeté parfois, c'était quand même à moi qu'en revenait l'entière responsabilité. Je ne faisais aucun effort pour aller vers les gens, alors forcément... Pourquoi ceux-ci se sentiraient obligés de venir vers moi quand moi-même je me refusais de venir vers eux. Malheureusement cela marchait dans les deux sens ; c'était du donnant-donnant, comme on dit. « Je, je comprend » fit-elle alors. Je lui avais retourné la question, car je la sentais tout de même bien mal à l'aise tandis que nous conversions elle et moi. « Je. Disons que j’ai tendance à, à me poser trop de questions, trop de choses parasitent mon esprit quand j’essaie, puis, du coup, eh bien, ca me bloque complètement. » La pauvre était donc aussi gênée de parler avec autrui que je l'étais moi. Et bien au moins nous semblions dans le même cas, ce qui me rassurait tout de même. Instinctivement, je lui pris la main. J'ignore si c'était là un signe pour lui témoigner ma compréhension ou si cela signifiait autre chose, toujours était-il que ma main avait trouvé la sienne. « On... on va devoir se serrer les... les coudes, alors. En tout moi je... je ne te laisserai pas tomber et tu pourras tou... toujours compter sur moi et sur... mon soutien si ça ne va pas. » On était dans la même barque elle et moi désormais. Une barque qui était sur le point de couler mais qu'il nous fallait maintenir à flot. Et oui, Léa me semblait vraiment très fragile, et j'étais apte à l'aider si le besoin s'en faisait ressentir. Loin de moi l'envie de me montrer envahissant par ailleurs. Il était juste question de lui faire comprendre que si elle avait besoin de moi, je serais là pour elle.