⇝ dix-neuf heures quarante-cinq, dimanche 22 avril.

On pourrait dire ce qu'on voulait, l'appel du ventre restait toujours le plus fort, même contre le besoin urgent de sommeil. Et dormir, Bambi en avait relativement besoin. Elle n'avait pas eu de vraie nuit depuis le début de l'aventure 3 Wishes et c'était presque si elle n'avait pas passé sa journée à bâiller avant qu'Adam ne lui propose ― ou, plutôt, ne l'oblige ― d'aller dormir un peu avant le dîner, lui promettant de venir la secouer en temps voulu. Sauf que.. sauf qu'elle s'était mise à avoir faim. Elle s'était donc relevée, déjà en pyjama ― puisque bon, elle savait pertinemment qu'elle ne ferait pas de vieux os ce soir ― et avait quitté la chambre d'Hadès pour la cuisine. Chacun ses priorités, hein, et lorsqu'elle avait faim, Bee ne pouvait rien faire avant d'avoir mangé à satiété. Il n'y avait pas besoin d'être un expert de la grande distribution ou de la restauration rapide pour comprendre comprendre qu'ils cuisinaient beaucoup trop chaque midi. Le côté pratique du phénomène, c'est qu'il restait toujours de copieux restes le soir. Flanquant l'un des plats de pâtes au micro-ondes, elle disposa une pile d'assiettes sur la table de la salle à manger, y ajouta un tas de couverts ― sans doute en manquait-il mais.. les derniers iraient se servir eux-mêmes, après tout ― ainsi qu'une petite pile de verre. Une petite sonnerie lui signala la fin du cycle. Sans se préoccuper des autres, elle regagna la cuisine et extirpa le plat réchauffé du micro-ondes avant de retourner, en trottinant, un vague sourire flottant sur ses lèvres, à la salle à manger. Déposant le semblant de dîner au centre de la table, elle balaya la pièce du regard. « Évitez de me regarder manger hein, je vais avoir l'impression d'être une vache dans un pré ricana-t-elle, alors soyez un peu sympa et venez poser votre cul sur une chaise.. si jamais vous avez faim, hein » précisa-t-elle. Sans un mot de plus, elle attrapa assiette, couverts et verre, puis entreprit de se servir.

Ho ho ho, c'était l'heure du diner. Mon ventre qui gargouillait et qu'on entendait à l'autre bout de la pièce était là pour le prouver. Vous pouviez être sur que je ne loupais jamais un repas de la journée. Je ne faisais pas parti de ceux qui pouvaient aisément en sauter un. Oh non. Sacrilège. Bref, c'était tout naturellement que je me rendis dans la cuisine pour me faire à manger. Mais sur le passage, je constatai que quelqu'un s'était déjà occupé de mettre rapidement la table. Et surtout qui proposait à manger. Ah. Même pas besoin de faire quoi que ce soit. Si c'était pas magnifique. Je souris en entendant la jeune femme déclarer qu'elle allait ressembler à une vache dans un pré. Bambi-Jane. J'avais retenu son prénom. En même temps il était assez singulier pour qu'on s'en rappelle. Ça ne courrait pas les rues les Bambi-Jane.  « Si jamais j'ai faim ? Quelle question, j'ai toujours faim » dis je en m'installant en face d'elle.  « Alors, qu'est ce qu'on a de bon ce soir ? » Je regardais le plat au centre de la table.  « Des pâtes ! Une valeur sure » On était jamais déçu par des pâtes. Ça tombait bien, j'en avais pas mangé ce midi. Je m'attrapai une assiette et les couverts qu'elle avait posé, et me servis généreusement. Ne faites pas attention, j'avais tendance à manger pour deux.  « Je te préviens, moi aussi c'est tout un spectacle à me regarder manger. »

Il ne fallut pas longtemps avant qu'on ne s'approche de la table. Manifestement, Bee n'était pas la seule à avoir l'estomac qui criait famine. « Si jamais j'ai faim ? lança un candidat ― Milo, si sa mémoire ne lui jouait pas de tours ― qu'elle reconnut comme étant l'un de ceux auxquels elle avait tenu la main, durant la hola, au cours du dernier prime. Quelle question, j'ai toujours faim ! » Et il prit place, juste en face d'elle. Son assiette à la main, la petite brune lui jeta un sourire amusé, avant de reporter rapidement son attention sur les pâtes qu'elle se servait. Elle n'était pas particulièrement maladroite mais il suffirait bien d'une seconde d'inattention pour qu'elle se parvienne à se rendre ridicule, chanceuse comme elle l'était. « Alors, qu'est ce qu'on a de bon ce soir ? continua son camarade, avant d'examiner le plat posé juste sous son nez. Des pâtes ! Une valeur sure ! » « Il paraît, ouais » souffla-t-elle, tout en s'asseyant enfin, avec un petit soupir de contentement. Merde, elle était vraiment.. affamée ? Ça sonnait un peu désespérée, tout de même, formulé ainsi, mais il suffisait de jeter un coup d'oeil au copieux contenu de son assiette pour comprendre qu'elle ne se contentait pas de grignoter. Attaquant sans attendre, elle enroula une généreuse portion de spaghetti autour de sa fourchette, fixant les pâtes avec gourmandise. « Je te préviens, moi aussi c'est tout un spectacle à me regarder manger » annonça Milo, au moment où elle enfournait sa première bouchée. Levant les yeux vers lui, elle arqua un sourcil et faillit parler mais.. elle avait été bien élevée et on parle pas la bouche pleine, hein. Bambi-Jane se contenta donc de le regarder, tout en mâchant, avant d'être capable de pouvoir répondre. La fourchette en l'air, sa première bouchée avalée, elle s'autorisa un petit soupir de contentement. Bordel, ça faisait du bien. Glissant un regard vers l'assiette de son vis-à-vis, elle ne put retenir un léger rire. « Et tu manges autant que moi, lança-t-elle, ravie, ça, c'est un bon point.. les types avec un bon appétit sont des mecs gentils, fit-elle, vaguement moqueuse, enfin, ma grand-mère disait ça.. plus ou moins » précisa-t-elle, agitant un peu sa main libre avec une petite moue incertaine. En vérité, ce n'était pas exactement ça mais l'idée était là. On reconnaissait les hommes biens au contenu de leur assiette, selon la grand-mère maternelle de Bee. Probablement une idée préconçue ; toujours était-il que les hommes de la famille se resservaient toujours deux ou trois fois de copieuses assiettes. « Milo.. c'est ça, hein ? J'ai encore un peu de mal avec les prénoms de tout le monde, navrée » marmotta-t-elle, avec un piteux sourire, avant de replonger le nez dans son assiette, vaguement honteuse. Ça faisait tout de même une semaine. Depuis le temps, elle aurait dû imprimer tous leurs prénoms. C'était un peu gênant, de devoir vérifier ou demander à son interlocuteur chaque fois qu'elle croisait une nouvelle tête.