far from the carnage of the fiery sun (25/05, 13h08)

w/ freddie.

HOEDERER. - De toute façon, tu ne pourrais pas faire un tueur. C'est une affaire de vocation. HUGO. - N'importe qui peut tuer si le Parti le commande. HOEDERER. - Si le Parti te commandait de danser sur une corde raide, tu crois que tu pourrais y arriver ? On est tueur de naissance. Toi, tu réfléchis trop: tu ne pourrais pas. HUGO. - Je pourrais si je l'avais décidé. HOEDERER. - Tu pourrais me descendre froidement d'une balle entre les deux yeux parce que je ne suis pas de ton avis sur la politique ? HUGO. - Oui, si je l'avais décidé ou si le Parti me l'avait commandé. HOEDERER. - Tu m'étonnes. (Hugo va pour plonger la main dans sa poche mais Hoederer la lui saisit et l'élève légèrement au-dessus de ta table) Suppose que cette main tienne une arme et que ce doigt-là soit posé sur la gâchette... HUGO. - Lâchez ma main. Jean-Paul Sartre. Les Mains sales. Une pièce de théâtre dont il ne se lasserait sans doute jamais. En fait, il aurait pu relire n'importe quelle pièce de Sartre au moins mille fois. Le mec avait beau être un sale con, ça l'empêchait pas d'avoir pigé certains trucs. Du coup, il avait décidé, comme ça, par ennui autant que par envie, de se replonger dans la lecture de cette pièce en particulier. Peut-être pas la meilleure idée qui soit, ou du moins, sans doute n'aurait-il du pas mettre ses plans à exécution au moment même où il avait faim. Parce que cuisiner d'une main, et lire avec son bouquin dans l'autre en même temps, c'était pas top. Du coup, il avait vite fini par se rendre compte que ses pâtes avaient... comme qui dirait... cramé? Pas possible. Scandalisé par sa propre connerie, Benjamin retapa son bouquin sur le buffet, et coupa avec précipitation la plaque sur laquelle chauffait son repas désormais perdu. À ce moment-là, quelqu'un immergea dans la pièce. Apercevant Freddie, la fille de la salle de cinéma, il esquissa un vague sourire. « Enfin une tête connue. » Ouais, parce qu'avec ces nouveaux qui avaient envahi le chalet, difficile de garder ses repères. Enfin, au moins, c'était pas des pauvres cons. Pas de ce qu'il savait d'eux, en tout cas. « Je t'aurais bien proposé un truc à manger mais j'crois que je viens de réussir à rater des pâtes. » Il désigna tristement la casserole. La honte. Lui qui était plutôt doué en cuisine, d'habitude, il avait juste envie d'aller se cacher, là.

Enfin une tête connue. Un sourire qui se glisse sur tes lèvres alors que t'entres dans la cuisine. Tu portes un jeans, une blouse de dentelle blanche doublée, pour pas dévoiler ses seins. Elle a enfiler un fil gris asymétrique, histoire de pas avoir froid. Et une écharpe en prime. Enfin, c'plus un foulard qu'une écharpe. t'adores avoir quelques choses autour de son cou. Tu sai pas trop pourquoi, c'est comme ça. l'été, ça t'ennuie de pas mettre de foulard, t'as toujours l'impression qu'il te manque quelques choses. Tu prend doucement le livre pour regarder la couverture et tu le reposes avec soin, exactement comme tu l'avais trouvé. Je t'aurais bien proposé un truc à manger mais j'crois que je viens de réussir à rater des pâtes. Tu souris, relevant ta frimousse vers lui. Encore un peu et j'allais croire que tu étais une version de moi au masculin. Mais vu que moi je réussis les pâtes. Tu lui fais un clin d’œil. Tu lui passes derrière, lui tapotant l'épaule, tu ouvres un peu les armoire et tout pour trouver ce que tu pourrais bien faire à manger. Mais c'est ton jour de chance, j'suis pas du genre à laisser quelqu'un manger des pâtes ratés. Des crêpes salées, ça t'dit?

Elle était étrange comme fille, la Freddie. Sympa et tout, mais étrange. Enfin, Benjamin arrivait pas à la situer. Avec certaines personnes, il était assez facile de dresser un bref topo sur leur personnalité, ou du moins, une partie, en bien résumé. Là... Nada. Enfin, c'était marrant aussi, de pas pouvoir deviner à l'avance les réactions, et tout. Un peu frustrant, mais drôle, aussi. Enfin bon, il devait être plus ou moins du même acabit, alors il n'allait pas se prendre la tête à essayer de la décrypter, la gosse. D'autant plus qu'il avait autre chose à foutre. Enfin bref, là, en l'occurrence, la demoiselle rigolait bien. Faut dire que réussir à rater des pâtes... À sa décharge, il était occupé à autre chose. Mais ça reste horrible. Un sacré coup pour sa réputation. Il jouait son image, là. « Enfonce-moi, vas-y, j'ai pas encore assez la honte. » Il secoua la tête d'un air faussement désespéré. Finalement, le Benjamin, la laissant tournicoter tout autour de lui à faire il ne savait quoi, il entreprend de dégager le carnage. Les pasta à la poubelle, l'eau dans l'évier, la casserole à laver. Hop. Un truc était certain, il était rapide et plus vif pour cacher les preuves de son manque cruel de débrouillardise que pour se concocter un truc à gober. Puis revoilà Freddie qui ouvrait la bouche. Quoi ? Quoi ? Aussitôt, le brun redresse la tête. « Crêpes ? T'as bien dit crêpes ? Tu veux m'épouser ? » Nan mais faut savoir. Les crêpes et lui, c'était la plus grande histoire d'amour depuis Roméo et Juliette. Vrai. Le nombre de ces trucs-là qu'il avait déjà avaler depuis qu'il était né. Puis le nombre d'indigestions que ça lui avait refilé, aussi. Indénombrable. T'en as, c'est le chocolat, ou pour les moins sains d'esprit d'entre nous, les légumes, lui, c'était les crêpes. N'importe quelle sorte.

Enfonce-moi, vas-y, j'ai pas encore assez la honte. T'as ce petit sourire en coin. T'as aucune envie de le vexer, mais c'est plutôt drôle de voir sa réaction. Alors, t'peux pas empêcher ce sourire de pointer l'bout d'son nez. T'sais quoi? Parce que je suis persuadée que tu cuisines merveilleusement bien j'te donne l'occasion de te rattrapper. C'qui veut dire que, maintenant, tu m'dois un plat de pâtes. T'es sérieuse? Absolument. T'es pas exigeante non plus, tu lui demandes pas dans l'heure, parce que t'as aps spécialement envie de pâte. Alors, tu lui proposes des crêpes et là... BAM. Tu comprends que els mecs et la bouffe, c'est une histoire d'amour avec lequel aucune femme ne peut rivaliser. Crêpes ? T'as bien dit crêpes ? Tu veux m'épouser ? Tu souris, t'as même un léger rire qui passe le seuil de tes lèvres. Tu vas prendre ça pour un oui, alors tu commences à sortir tout ce qui te faut pour faire des crêpes. Hm. J'pense que je vais attendre que tu me séduises avec tes fameuses pâtes. Tu m'en as tellement parler que ça m'fait rêver rien qu'dit penser. Puis franchement, l'épouser? Tu trouves ça un peu ironique, parce que là, vous plaisanté, mais y a trois ans, quand tu t'es marié, tu prenais aussi le mariage à la légère et aujourd’hui, tu t'en mords les doigts. Tu commences à préparer la pâte. T'es plutôt douée, parce que des crêpes, c'est la première choses que ta maman t'as appris à faire. Et la seule chose d'ailleurs. T'aurais voulu qu'elle t'apprennes plus que la recette des crêpes. Mais l'temps à jouer contre vous.