⇝ dix heures, dimanche 22 avril.

Lorsqu'elle s'éveilla, le dimanche, après une courte nuit de sommeil, un sourire éclairait déjà le visage de Bambi-Jane. La vie lui semblait on ne peut plus sympathique, ce matin. Sympathique, avait dit Noah, la veille, durant le prime, avec l'air du type pas convaincu du tout par ce qu'il est en train de sortir. Couchée sur le flan, elle n'avait pas prêté attention à la personne qui occupait déjà ce lit-là lorsqu'elle était remontée dans la chambre d'Hadès, tard dans la nuit. Il avait fallu fêter dignement ce retour au chalet, en compagnie de tous ces nouveaux petits camarades de jeu dont certains étaient, il fallait le noter, franchement canons. Pour des hommes, s'entend.

De bonne humeur donc, elle se leva et, après un vague coup d'oeil au reflet qu'elle offrait au psyché, décida de descendre prendre le petit-déjeuner. Bon, elle était décoiffée et son pyjashort était vraiment très froissé mais en même temps, qui était impeccable au réveil ? Bâillant, elle gagna la cuisine où d'autres se trouvaient déjà. « Saluuuuuut ! lança-t-elle à la cantonnade, se frottant la nuque. Bien dormi ? » ajouta-t-elle, sans s'adresser à quelqu'un en particulier. Ce faisant, elle partit en quête de jus d'orange, dans le frigidaire. Elle s'en servit un verre, qu'elle porta à ses lèvres.

Dimanche matin, dix heures et des poussières. La nuit avait été courte et pour cause, nous avions tous un peu tardé avant de rejoindre notre lit. Le prime s'était étendu jusqu'à pas d'heure, mais nous n'en avions pas été déçus pour autant puisque celui-ci avait donné lieu à cinq nouvelles arrivées au sein de l'aventure. Cela faisait un peu trop de beaux jeunes hommes d'un coup mais que voulez-vous, je n'avais pas d'autre choix que de m'en accommoder. À peine levé et la mine un peu déconfite, j'avais rejoins la cuisine où quelques candidats prenaient leur petit-déjeuner. Difficile en étant mal réveillé de mettre un nom sur chacun des protagonistes présents dans la pièce, alors je me contentai de les saluer d'un signe de la main valable pour tous. Mon bol de sorti, je versai à l'intérieur de celui-ci un peu de lait quand la porte s'ouvrit. C'était Bambi-Jane, que je me plaisais à nommer BJ, qui comme moi me sembla encore très peu réveillée. « Saluuuuuut ! Bien dormi ? » Elle ne s'adressait pas à moi en particulier, mais ma foi pourquoi ne pas lui répondre ? « BJ ! Sa... salut ma belle. » Instinctivement, je m'approchai d'elle pour déposer un baiser sur son front. Ne me demandez pas d'où je le sortais celui-là, ça m'était venu comme ça. Tout en ponctuant mes premières paroles d'un sourire sincère, je continuai de plus belle tandis qu'elle s'était servie entre temps un verre de jus d'orange. « Perso j'ai... j'ai eu du mal à trouver le... sommeil. Et toi ? Je parie que... que t'as fait de bien jolis rêves, hmm. » Comme beaucoup de demoiselles présentes en ces lieux, BJ avait probablement rêvé des beaux jeunes hommes arrivés la veille, à l'image de Noah, Timothé, Angel et Jewon. Rien ne garantissait cependant que je me souvienne de leurs quatre prénoms dans une heure... La jeune femme ne m'avait pas semblée insensible à leurs charmes, voilà pourquoi je m'étais permis cette question. À mon humble avis elle n'était pas malvenue, et de toute manière libre à elle de fantasmer sur ces jeunes hommes. Elle n'avait de comptes à rendre à personne, encore moins à moi.

Pour son plus grand plaisir, Bambi-Jane vit Dimitri lever le nez de son bol de lait pour la saluer. Elle ne put s'empêcher de trouver le baiser qu'il laissa sur son front un rien paternel. Un vague sourire aux lèvres, elle lui glissa un regard. Le léger bégaiement dont faisait preuve le jeune homme chaque fois qu'il ouvrait la bouche était plutôt mignon, quoi qu'on en dise. Au moins, il était charmant et inspirait confiance, selon Bee. Descendant une bonne partie de son jus d'orange, elle promena rapidement son regard sur la petite troupe ensommeillée qui avait investi la cuisine. Certains remonteraient probablement se coucher, vu les têtes qu'ils affichaient. Ah, elles étaient loin, les petites miss perfection du premier prime, cherchant toutes à surpasser l'autre avec un sourire ravageur ou un déhanché plus sensuel que celui de la voisine. Devant les visages encore bouffis de sommeil de quelques candidates, la petite brune ne put s'empêcher de sourire. Reposant son verre encore à moitié plein, elle lança un regard joyeux à Dimitri, qui lui souriait. « Perso j'ai... j'ai eu du mal à trouver le... sommeil, fit-il, et toi ? Je parie que... que t'as fait de bien jolis rêves, hmm » Elle fronça légèrement les sourcils, cherchant à comprendre le sens réel de sa phrase. Était-ce une vraie question ou juste une constatation lancée comme ça, histoire de faire la conversation ? Elle haussa les épaules, avec un petit sourire. « Les rêves, je trouve ça frustrant, dit-elle, levant les yeux vers lui, sérieux, pourquoi penser, dans ton sommeil, à quelque chose que tu veux faire, au lieu de lever ton cul et d'aller le faire, tout simplement ? » Ouch, il était peut-être encore un peu tôt pour ce genre de réflexion. Elle fit la moue, ne comprenant qu'à moitié ce qu'elle venait de sortir. « Mh, fais comme si j'avais rien dit, j'crois que je suis pas encore tout à fait réveillée, pouffa-t-elle avant de reprendre une gorgée de jus d'orange, mais ouais, j'ai plutôt bien dormi » Posant à nouveau son verre sur le plan de travail, elle se pencha sur l'îlot central pour attraper une pomme, dans laquelle elle croqua, reportant du même temps son attention sur son colocataire. « Ils nous collé un nouveau, reprit-elle, la bouche pleine, dans notre chambre, je veux dire. D'ailleurs, j'ai toujours pas retenu le nom des deux autres. Enfin, j'crois que le nouveau en question a passé la nuit dans mon lit.. à moins que ce soit monsieur j'ai-une-barbe-de-trois-jours-parce-que-c'est-sexy, j'en sais rien et je― merde, je t'ai craché dessus » marmonna-t-elle, baissant les yeux. D'un geste vif de sa main libre, elle débarrassa du minuscule morceau de pomme l'épaule de Dimitri. « Désolée, marmotta-t-elle, avant de demander : tu dors avec qui, toi, au fait ? Enfin, dans ta chambre, j'veux dire, tu es avec qui ?.. désolée, le matin, j'ai un peu de mal à m'exprimer. Tu remarqueras que ça m'empêche pas de parler beaucoup, alors que j'suis pas très claire » railla-t-elle, rougissant un peu pour le coup. Elle croqua une seconde fois dans sa pomme puis elle prit place sur l'un des tabourets libres qui se trouvaient là. Enfin à hauteur de Dimitri ― et Dieu seul savait combien elle pouvait complexer d'être si petite devant les autres qui avaient l'air d'avoir été façonnés selon les statues de certaines divinités grecques, tant ils étaient grands et élancés ―, elle lui jeta un regard attentif, curieuse d'en apprendre un peu plus sur lui et.. non, curieuse tout court.

« Les rêves, je trouve ça frustrant, sérieux, pourquoi penser, dans ton sommeil, à quelque chose que tu veux faire, au lieu de lever ton cul et d'aller le faire, tout simplement ? » Je pouvais constater que je n'étais pas le seul à avoir du mal à donner du sens à mes propos ce matin. Néanmoins j'avais tout de même compris celui des paroles de BJ, du moins pour la majeure partie d'entre eux. « Mh, fais comme si j'avais rien dit, j'crois que je suis pas encore tout à fait réveillée, mais ouais, j'ai plutôt bien dormi » affirma-t-elle alors, tout en se saisissant d'une pomme qu'elle croqua à pleines dents. Si elle avait bien dormi, c'était encore le principal. « Ils nous collé un nouveau, dans notre chambre, je veux dire. D'ailleurs, j'ai toujours pas retenu le nom des deux autres. Enfin, j'crois que le nouveau en question a passé la nuit dans mon lit.. à moins que ce soit monsieur j'ai-une-barbe-de-trois-jours-parce-que-c'est-sexy, j'en sais rien et je― merde, je t'ai craché dessus » Hmm, ah oui en effet un minuscule morceau de pomme était venu se projeter sur mon épaule. Très vite, la demoiselle le retira tout en s'excusant par la suite. « Désolée, tu dors avec qui, toi, au fait ? Enfin, dans ta chambre, j'veux dire, tu es avec qui ?.. désolée, le matin, j'ai un peu de mal à m'exprimer. Tu remarqueras que ça m'empêche pas de parler beaucoup, alors que j'suis pas très claire » Il me sembla que BJ avait rougit, mais peut-être me faisais-je juste des idées. Par ailleurs elle avait prit place sur l'un des tabourets présents à côté de moi, histoire de se mettre à ma hauteur. Quant à moi, et bien je pouvais enfin en placer une. « Pfou. Ce que tu... peux parler vite alors. C'est juste in... incroyable. » Et oui, la demoiselle avait parlé à une vitesse telle que je n'avais même pas pu parler avant ça. Elle se donnait au moins raison à elle-même : si elle n'était pas très réveillée, cela ne l'empêchait aucunement de parler à tout va. « Hum. Pour répondre à ta... question, nous sommes cinq à... partager la chambre d'Hestia... » répondis-je, avant de réfléchir un instant pour finalement énoncer les noms de mes camarades de chambre. « Donc Freddie, avec qui je... je suis censé partager mon lit ; Cruz, hum, Prudence et... et Angel. Et puis moi quoi. » Cinq, le compte était bon. Mon regard se porta sur BJ, et bientôt j'arborais un sourire des plus timides. Pourquoi ce sourire ? Pourquoi toujours cette même timidité ? Et pourquoi ne m'étais-je pas moi aussi saisi d'une pomme ? Ni une ni deux, je pris la première me tombant sous la main et portai celle-ci à ma bouche. Exit le bol de lait, les fruits le matin il n'y a pas mieux pour gagner en vitamines.

Bon, il allait réellement falloir qu'elle contrôle son cerveau et sa langue, qui s'entendaient pour trahir son souhait d'avoir l'air normal et pas trop.. bavarde. C'était plutôt compliqué puisqu'en fait.. elle avait l'impression d'avoir toujours quelque chose à dire lorsqu'elle se sentait à l'aise. Et avec Dimitri, elle se sentait parfaitement à son aise. Sa timidité le rendait attachant et, c'était indéniable, différent. Sans mentir, Bambi s'était attendu à rencontrer uniquement des petits prétentieux imbus d'eux-mêmes, dans cette aventure. Elle était, toutefois, heureuse de s'être trompée. « Pfou. Ce que tu... peux parler vite alors. C'est juste in... incroyable » articula-t-il. Elle fronça légèrement les sourcils, vaguement inquiète à l'idée de le gêner, tant par le contenu parfaitement inutile de son bavarde que par son débit plutôt.. haut. Au plus grand soulagement de la brunette, Dimitri ne tenta ni de s'éclipser ni de la repousser, au contraire, puisqu'il répondit à ses questions pourtant confuses. « Hum. Pour répondre à ta... question, nous sommes cinq à... partager la chambre d'Hestia... » dit-il lentement. Puis il marqua une pause, semblant réfléchir, avant de continuer : « Donc Freddie, avec qui je... je suis censé partager mon lit ; Cruz, hum, Prudence et... et Angel. Et puis moi quoi» Cinq ? Oh bon sang, cinq personnes dans la même chambre ? Écarquillant les yeux, elle leva la tête vers son camarade pour croiser son regard, posé sur elle. Etait-ce l'idée de partager sa chambre avec quatre personnes qui était à l'origine de ce tout petit sourire gêné, empreint d'une timidité certaine, ou était-ce elle et sa grande gueule ? Elle regarda un instant la pomme qu'il avait saisi à son tour avant de croquer dans la sienne, sans le quitter des yeux. Au bout d'une bonne demi-minute passée dans un silence seulement entrecoupées par les quelques bruits de bouches qu'occasionnaient toujours la dégustation de fruits aussi croquants qu'une pomme. « Dis, fit-elle finalement, après avoir avalé sa bouchée ― ce n'était pas le moment de lui cracher à nouveau dessus ―, tu as toujours été aussi.. timide ou c'est parce que tout ça est nouveau ? demanda-t-elle, d'une petite voix curieuse, se mordillant la lèvre inférieure. Je veux dire, c'est mignon, et tout, mais je me demandais si.. tu vois, si c'était toi, vraiment toi.. je sais pas si tu comprends ce que je veux dire mais.. c'est très mignon, hein » répéta-t-elle, en posant sa main libre sur son bras, dans un geste très spontané, sans avoir vraiment réfléchis.

Jamais, je dis bien jamais, je n'avais entendu quelqu'un déblatérer autant de choses au réveil tout en se disant peu réveillée. C'était épatant, vraiment, de voir que dès le matin BJ pouvait se montrer vraiment très bavarde. Le premier soir, lors de notre entrée dans le chalet, ça n'était pas l'impression qu'elle m'avait donnée. Mais là, les choses avaient grandement changées et je jurais même que la belle brune gagnait en confiance à mesure que les jours passaient. Je ne pouvais que m'en réjouir pour elle, bien sur. J'aurais d'ailleurs aimé avoir autant de choses à dire ce matin, mais si l'envie était peut-être là, mon courage lui avait plié bagage et m'attendait ailleurs. Après que je lui eut affirmé que nous partagions notre chambre à cinq et qu'elle parlait à une vitesse folle, un silence s'installa entre nous tandis que nous croquions chacun dans nos pommes respectives. BJ décida finalement de briser le silence. « Dis, tu as toujours été aussi.. timide ou c'est parce que tout ça est nouveau ? Je veux dire, c'est mignon, et tout, mais je me demandais si.. tu vois, si c'était toi, vraiment toi.. je sais pas si tu comprends ce que je veux dire mais.. c'est très mignon, hein » Entre temps sa main - celle qui ne tenait pas la pomme que la demoiselle mangeait - était venue se poser sur mon bras comme par réflexe. Un geste qui me gêna sur le moment mais qui ne me déplu pas pour autant. « Je... » Il m'était difficile d'articuler ne serait-ce qu'un mot, voilà pourquoi je pris un instant afin de m'éclaircir la voix. Une fois que ce fut fait, je me mis à poursuivre. « J'ai pas toujours été... comme ça, non. C'est... disons que ce que j'ai vécu ces... dernières années a eu raison de ma spontanéité... de ma confiance en moi. » Même si cela pouvait être difficile à croire, je n'avais pas toujours été aussi timide et renfermé sur moi-même. Seulement certaines choses, dans mon passé, avaient changé mon comportement et ma personnalité de façon radicale. Je n'aimais pas ce que j'étais devenu, mais tout ce que j'étais aujourd'hui ne m'était pas uniquement dû. « Mais... je suis ravi de savoir que tu... tu trouves ça mignon. Disons que ça... ça réconforte. » J'en vins à baisser la tête, avant de poser ma main sur la sienne, tandis que cette dernière était toujours posée sur mon bras. J'avais entre temps posé ma pomme sur le comptoir. Pour le moment je n'avais plus très faim, à vrai dire.

A l'instant où ses doigts entrèrent en contact avec l'avant-bras de Dimitri, Bambi-Jane leva sur lui un regard un peu inquiet, interrogateur. Peut-être ne devait-elle pas, peut-être ne pouvait-elle pas se permettre ce genre de contacts. Il semblait un peu.. fragile. Pas seulement timide. Réservé ! Voilà, c'était le mot. Peut-être n'aimait-il pas être touché et, dans ce cas-là, elle avait tout faux. Et lorsqu'elle l'entendit peiner à articuler un simple : « Je... » Bee ne put que serrer la mâchoire, se maudissant mentalement de tant de familiarité. Ne songeant même pas à reprendre sa main, elle resta focalisée sur Dimitri, attendant un quelconque signe, n'importe quoi, un sourire, un frémissement, une parole, quelque chose qui la rassurerait. Parce que là, franchement, elle flippait un peu. De l'avoir mis dans l'embarras, de l'avoir gêné. Ce n'était pas son but, bien au contraire. Elle l'aimait bien, pour le peu qu'ils avaient été ensemble depuis le début de l'aventure, et il n'était pas du tout dans ses intentions de le mettre mal à l'aise. Lorsqu'elle entendit sa voix, Bee ne put retenir un discret soupir de soulagement. « J'ai pas toujours été... comme ça, non, parvint-il à dire après s'être légèrement éclairci la gorge. C'est... disons que ce que j'ai vécu ces... dernières années a eu raison de ma spontanéité... de ma confiance en moi » Le sourire de Bambi-Jane avait disparu, remplacée par une mine concernée. Quels que furent le sens réel et l'expérience derrière ses mots, c'était personnel, ça lui appartenait. Elle n'aurait pas dû poser cette question et elle ne lui demanderait rien de plus. Ce qu'ils avaient vécu, tous, avant d'entrer dans l'émission, ne regardaient qu'eux. Là, il était clair qu'elle avait touché une corde sensible. « Mais... je suis ravi de savoir que tu... tu trouves ça mignon, reprit-il, disons que ça... ça réconforte » Un doux sourire naquit sur les lèvres de la petite brune lorsqu'elle le vit abaisser la tête. La grande main de Dimitri recouvrit la sienne, plus petite, plus fine, posée sur son avant-bras. Son cœur rata un battement. Elle détestait voir les personnes de son entourage mal, à plus forte raison lorsque c'était sa faute. Lâchant sa pomme qui roula un peu sur le plan de travail, elle essuya sa main libre sur le short de son pyjama puis effleura les cheveux bruns de son camarade. « Désolée, souffla-t-elle tandis que ses doigts glissaient sur la joue blanche de Dimitri pour venir trouver son menton, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Je suis trop curieuse et ça me joue des sales tours, continua-t-elle, le forçant légèrement à la regarder dans les yeux, et c'est peut-être qu'une piètre consolation, mais c'est vraiment mignon. Tu es vraiment mignon » précisa-t-elle avec un sourire. Mh. Ce genre de déclarations au milieu de la cuisine, dès le matin, n'était peut-être pas recommandée. Mais elle se sentait coupable d'avoir pu, peut-être, faire resurgir de mauvais souvenirs. La souffrance, Bambi-Jane y avait déjà affaire au quotidien, dans le cadre de son boulot, alors il n'était pas question qu'elle fasse du mal à quelqu'un ici.

C'était toujours avec beaucoup de difficulté que j'en venais à ressasser le passé, car celui-ci était ponctué de pas mal d'évènements douloureux. J'avais beaucoup souffert ces dernières années, et avais plus connu la trahison que l'amitié, les désillusions que la joie. Bref, l'amour m'avait joué de bien sales tours. BJ avait très vite compris que j'avais du mal à parler de tout ça, et pour cause je me rendais compte aujourd'hui que tout ceci n'avait fait que changer celui que j'étais, en mal bien sur. Une bien désolante constatation. La jeune femme avait posé sa pomme, essuyé sa main sur son bas de pyjama avant d'effleurer avec celle-ci mes cheveux. Bientôt ses doigts s'y entremêlaient, avant de venir caresser ma joue, pour finalement se poser sous me menton, afin de me faire relever quelque peu cette tête que je gardais baissée depuis quelques instants. « Désolée, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Je suis trop curieuse et ça me joue des sales tours, et c'est peut-être qu'une piètre consolation, mais c'est vraiment mignon. Tu es vraiment mignon » Je n'avais maintenant plus d'autre choix que de regarder BJ dans les yeux. Je m'étais tout de même arrêté sur les derniers mots de la demoiselle. Ainsi donc j'étais "mignon"... J'avais du mal à voir où est-ce qu'elle voulait en venir, alors le mieux était encore de le lui demander. « mignon ? c'est... c'est-à-dire ? » Maintenant c'était moi qui prenais un air interrogateur. On pouvait interpréter le terme "mignon" de bien des manières, vous savez... « Tu sais tu... as de très beaux yeux. » Okay, cette flatterie n'avait pas grande chose à faire ici, ce matin, en plein petit-déjeuner, mais j'avais tout de même tenu à le lui signifier. Pourquoi ? Quel intérêt ? Je n'en savais trop rien, mais une fois encore je m'étais montré sincère. De toute manière je n'avais aucune raison de lui mentir. Elle était vraiment très jolie, et là encore il n'était question que de ses yeux... J'aurais aussi très bien pu complimenter son sourire, qui se voulait ravageur. Une autre fois, peut-être ?

En fait, ce n'était pas bien malin d'avoir doublé le contact physique. Merde, il avait l'air déjà mal à l'aise parce qu'elle avait posé sa main sur son bras, alors sur son visage.. réalisant son erreur, Bambi se crispa, les yeux fixés sur Dimitri. Pourvu qu'il ne se mette pas à trembler comme une feuille ou à lui crier dessus. Mais lorsque leurs yeux se croisèrent à nouveau, la jeune femme distingua, avec surprise, dans ceux de son vis-à-vis une lueur intriguée et non pas la gêne qu'elle pensait y lire. « Mignon ? répéta Dimitri. C'est... c'est-à-dire ? » demanda-t-il ensuite. Ah, c'était donc ça. Se mordillant la lèvre inférieure, BJ se maudit mentalement, elle et sa grande bouche qu'elle ne parvenait pas à fermer quand il le fallait. Oh, ce n'était pas bien grave. Elle n'avait pas confessé là un meurtre ou quoi que ce soit. Il pouvait gérer tout seul le fait qu'elle le trouvait mignon ― et par extension, plutôt attirant ―, après tout, il était adulte, non ? « Tu sais tu... as de très beaux yeux » dit-il, alors qu'elle ouvrait la bouche pour s'exprimer. Il y eut un léger flottement, Bee n'étant pas certaine d'avoir bien entendu. Elle cligna des yeux plusieurs fois, un peu hébétée. C'était elle qu'il venait de complimenter ? Bon, d'accord, si on réfléchissait bien, ce genre de mot gentil pouvait paraître banal mais, sans très bien savoir pourquoi, venant de Dimitri, elle trouvait ça simplement vrai, pas joué, pas balancé comme ça, pour faire la conversation ou renvoyer l'ascenseur comme ça se faisait tant. Un nouveau sourire naquit lentement sur les lèvres de la petite brune. « Eh bien, commença-t-elle en s'éclaircissant la gorge, pas encore certaine de ce qu'elle allait dire, je.. merci, marmotta-t-elle, un peu gênée, et quand je dis que je te trouve mignon, c'est que.. je sais pas, j'aime bien ton visage, il est doux tu vois, enfin, pas doux, genre, au toucher, tu vois― enfin, pas que t'aies pas la peau douce mais― merde, il faut que je me concentre quand je parle, marmonna-t-elle, avec un soupir, bref, je.. je disais quoi déjà ? Ah, oui, ton visage, il inspire confiance et quand tu souris, je sais pas, c'est communicatif, j'ai envie de sourire aussi alors.. oh, c'est bizarre non ? » lâcha-t-elle, s'interrompant légèrement. Non, vraiment, cet échange devenait un peu, voire franchement étrange. Ah, ils devaient vraiment avoir l'air de deux couillons, plantés là au milieu. Avec un léger rire, Bambi recula, lâchant Dimitri, sans oser le regarder. Ce qui était stupide. Encore une fois, elle ne venait pas de confesser un meurtre ou un truc impardonnable. Non, juste qu'il l'attirait.. un peu.

Je ne savais plus trop quoi penser de cet échange avec BJ dans la cuisine ce matin. Je sentais la gêne naitre d'un côté comme de l'autre, et ça ne m'aidait pas à y voir plus clair d'ailleurs. J'avais toutes les raisons d'être gêné, car il était dans ma nature de me montrer gêné pour un rien, mais elle... pourquoi me semblait-elle soudain mal à l'aise ? Peut-être que c'était moi qui en était la cause. Cela ne m'aurait pas étonné plus que ça, vu que je n'avais aucune confiance en moi et qu'à la moindre occasion j'en venais à douter de moi, de mon utilité, de mon intérêt. Après avoir glissé un compliment plus que sincère à la jeune femme concernant ses yeux qui me fascinaient autant que tout ce qu'elle représentait, j'avais cherché à comprendre ce qu'elle insinuait par le fait que j'étais "mignon". Elle me sembla alors plus gênée que précédemment, avant de prendre la parole. « Eh bien, commença-t-elle en s'éclaircissant la gorge, pas encore certaine de ce qu'elle allait dire, je.. merci, et quand je dis que je te trouve mignon, c'est que.. je sais pas, j'aime bien ton visage, il est doux tu vois, enfin, pas doux, genre, au toucher, tu vois― enfin, pas que t'aies pas la peau douce mais― merde, il faut que je me concentre quand je parle, bref, je.. je disais quoi déjà ? Ah, oui, ton visage, il inspire confiance et quand tu souris, je sais pas, c'est communicatif, j'ai envie de sourire aussi alors.. oh, c'est bizarre non ? » Wow. Cela faisait beaucoup d'informations débitées en un seul monologue. J'avais donc un visage des plus doux, qui inspirait confiance, qui donnait envie de sourire quand je le faisais... J'ignorais tout ça jusqu'à ce que BJ ne me le confie. Je n'avais pas franchement droit à autant de belles paroles dans la vie de tous les jours, au contraire. Je pris donc ça avec le sourire, et peut-être celui-ci n'allait pas tarder à l'encourager à sourire à son tour. Mais son regard n'était plus posé sur moi désormais ; c'était comme si elle me fuyait de celui-ci. Mince. Je ne savais plus trop où me mettre, moi, du coup. Je tentai donc maladroitement de détendre l'atmosphère. « Tu... t'as pas à être gênée de... de quoi que ce soit BJ. Je veux... veux dire que... t'es toi aussi très... mignonne et j'ai pas... pas peur de te le dire. » Ne pas avoir peur ne garantissait pas pour autant ne pas être infiniment mal à l'aise mais je tentais de ne pas le montrer pour ne pas lui communiquer toute ma gêne car de toute évidence, elle n'en avait pas besoin. Comme par réflexe ensuite, j'en vins à me rapprocher d'elle et à prendre sa main... que je lâchai aussitôt, comme si je venais là de commettre une erreur. Honnêtement, j'ignorais pourquoi j'en étais venu à prendre sa main. Comme j'ignorais pourquoi je l'avais aussitôt lâchée d'ailleurs.