« Ca craaaaaaaint ! PUTAIN ! » Lançais-je dans l’escalier menant du sous-sol au rez-de-chaussée, pour me retrouver dans le hall. Je venais tout juste de quitter la salle de cinéma. Le cinéma, c’est quasiment toute ma vie ; non, c’est toute ma vie. Je pourrais passer mes journées entières dans une salle de cinéma. Pire encore, je donnerais tous ce que j’ai en ma possession – presque tout – pour retourner à Hollywood, si seulement quelqu’un voulait bien de moi. Si seulement le prénom Joshua ne planait pas toujours au dessus de ma tête à chaque fois que je cherchais un contrat là-bas. « Quel connard » murmurais-je dans ma barbe imaginaire, parce que je ne suis pas encore prête à faire partie d’un cirque en tant que femme à barbe. Joshua, c’est bien le connard en question. Pourquoi en est-il un ? Pour plusieurs raisons. Pour m’avoir lâchement mis des bâtons dans les roues à Hollywood. Pour n’avoir même pas daigné se battre pour partager la garde de notre fille et pire, pour avoir refusé de l’avoir un week-end par mois. Pour s’être affiché avec sa nouvelle pouf – genre un peu l’une des petites mains d’Hollywood, dont j’ai fait partis aussi – et pour l’avoir pistonné pour être assistante costumière sur QUEL FILM ? HUNGER GAME quoi ! Ca aurait du être moi ! J’aurai pu en être l’une des costumières si c’est enfoiré… J’étais arrivée dans le salon. Ma main venait d’agripper un coussin, que j’envoyais valser sur un fauteuil d’en face. Finalement, je tombais sur le canapé, ma tête contre celui-ci, faisant semblant de pleurer. « Bouuuuuuh… » Finalement je me mis à rire. Ce moment avait dû me rendre, aux yeux des téléspectateurs, super pathétique.

Tu t'prends un pot d'glace brownies. F*ck, c'est froid. Tu passes par le dressing pour ajouter un sweat à capuche et des chaussettes. C'tout toi, t'as toujours envie d'glaces alors que dehors, il fait plutôt froid. Enfin tu t'en balances, généralement tu as tendance à suivre tes envies sans trop réfléchir. Enfin, dans les limites du raisonnable, hein !!! T'es pas tarée et immorale non plus. Enfin, tu traines dans le salon, armée de ta cuillère et de ton pot d'glace.T'es prête à te lancer dans le fauteuil quand t'as la rouquine qui débarque en traitant quelqu'un de conard. T'es pas certaine de comprendre, tu l'as regardes simplement alors qu'elle se jette sur le fauteuil en s'enfonçant la tête dans le cousin. Hm. Tu prend une cuillère de glace, tu sais franchement pas quoi dire. T'es franchement pas douée pour réconforter les gens, alors finalement tu te poses sur le canapé et tu te contente de lui tendre le pot de glace, avec la cuillère enfoncée dans la glace. Tu lui souris doucement. Un sourire qui s'veut réconfortant. Mais tu restes silencieuse, parce que dans le genre manque de tact, t'es super forte. Tu veux pas l'enfoncer non plus, même si ça a pas l'air super sérieux non plus comme coup de cafard.

J’aurai pu être capable de tout casser dans le chalet. Derrière mon petit corps, j’ai bien plus que l’on ne pourrait le croire. Genre je pouvais vraiment le faire, je me retenais. Qui sait. Peut-être que ce connard suivait l’émission avec intérêt, pour me voir à la télé peut-être. Je ne voulais pas lui donner l’occasion de se venter, de m’énerver toujours. Bien que ce soit le cas en fait. J’oscillais entre la déception et le je-m’en-foutisme, bien que mes rires se fassent entendre, malgré ma tête complètement enfoncée dans le coussin du canapé. Je n’étais même pas capable de déprimer sans rire un peu. Je n’avais pas remarqué la présence d’une personne dans la pièce. J’étais bien trop occupé à maugréer dans ma tête pour écouter l’extérieur. Finalement, après quelques minutes, je relevais ma tête pour voir une jeune spectatrice devant moi. Elle me tendait son énorme pot de glace. Elle me prenait par les sentiments là, déjà exacerbés. Je tendais le bras pour m’en saisir, et deux secondes plus tard, la cuillère se trouvait déjà dans ma bouche, suivit d’un soupire de réconfort. « T’es trop ma sauveuse toi ! Merci ! » Lui lançais-je, à peine la glace avalée. J’en reprenais une cuillère, frissonnant avec un long bruit. « AAAAAH putain, la glace c’est trop froiiiiid ! » m’exclamais-je, tapant des pieds sur le sol. Je lui rendais son pot, me dandinant. « T’es Freddie, c’est ça ? » lui demandais-je, me calmant un peu.

T’es trop ma sauveuse toi ! Merci ! Ca t'fait doucement sourire, parce que bon, Saoirse, c'est une fille qui a l'air pleine de vie. T'as pas eu l'occasion d'lui parler plus que ça, mais c'est l'impression qu'elle donne et franchement, c'est agréable de voir quelqu'un d'aussi spontanée qui calcule pas le moindre de ses gestes. Vla qu'elle hurle. AAAAAH putain, la glace c’est trop froiiiiid ! Elle gesticule, elle tape du pied et toi, toi tu tentes de sauver le pot de glace, parce qu'elle a l'air cool la rouquine, on gaspille pas d'la glace, surtout quand c'est d'la glace Brownies. La glace, c'est froid. Mouai, bon, c'est pas comme si c'était le but, mais c'est tout comme. Tu l'as prend pas pour une conne, parce que c'est le genre de connerie que tu pourrais lâché, sans te rendre compte de l'évidence. Tu enfonces la cuillère dans la glace et tu la fourres dans ta bouche. Tu dis rien t'sais pas trop quoi dire. T’es Freddie, c’est ça ? Merde t'as plein la bouche. Et c'est vraie que c'est froid. Tellement froid qu'ça te brule la bouche. T'avales tout rond, alors que tu hoches la tête pour lui répondre. Yep. Mais appelle moi Fred. Et toi, Saoirse, non? t'es d'origine Irlandaise, ou rien avoir? Hop, une nouvelle bouchée de glace, parce que t'aimes trop ca.

« Yep. Mais appelle-moi Fred. Et toi, Saoirse, non? T'es d'origine Irlandaise, ou rien avoir? » Je secouais ma tête pour lui signifier que oui, j’allais l’appeler par ce pseudonyme aussi sympa que son prénom. Et aussi pour lui répondre que oui, c’est bien moi Saoirse, la rousse. Puis je me laissais tomber en arrière, mon dos arrêté par le dossier ; ma tête se callant sur le haut de ce dossier. Pourquoi tout le monde se sentait obligé de parler de mes origines. C’est plutôt frappant quand même. Mon prénom, mes tâches de rousseur. Je crois même que je vais me promener en pull d’Aran pendant une semaine, comme ça je pense que tout le monde pourra se dire : à ouai, elle est quand même irlandaise celle-là. Le premier qui me demandera si j’étais d’origine chinoise sera mon idole, que dis-je, mon dieu. Heureusement que je ne suis pas du genre à le prendre mal. « Nan nan c’est ça, Saoirse, née en Irlande, mais vivant depuis vingt-six ans aux Etats-Unis ! » Déclarais-je, avec un sourire sur les lèvres. Je me repositionnais sur le canapé, offrant un large sourire à FRED, avant de lui piquer son pot de glace. « T’as des origines toi ? Parce que ça ne se voit pas vraiment sur ton visage, contrairement à certain quoi… enfin certaine… et genre, t’avais un papa qui tenait absolument à avoir un fils, c’est pour ça que tu t’appelles Freddie ? » Je reprenais mon souffle, puis j’enfournais la cuillère de glace dans ma bouche, à mon tour.