C’est dingue de dire ça mais parfois j’avais un profond besoin de boire de l’alcool. Non, ne montez pas sur vos grands chevaux j’étais bien loin d’être un garçon alcoolique. Au contraire mais boire une petite vodka de temps en temps ne me semblait pas très négatif et puis merde, si j’avais envie de me taper une cuite j’avais le droit de le faire non ? Sans plus attendre je me levais donc de mon lit sur lequel j’étais allongé depuis une dizaine de minutes réfléchissant à ce que j’allais faire ce soir, hier nous avions eu droit à une soirée mousse des plus mouvementées et je n’avais vraiment pas envie de faire quelque chose de trop recherché, discuter… Ou draguer au choix devant une bouteille de vodka me semblait être une bonne idée. Débarquant dans le bar-lounge simplement vêtu d’un bas de survêt et d’un t-shirt je me laissais tomber contre l’un des sièges entourant le bar m’avançant pour saisir une bouteille de bière, le popotin en l’air la tête en bas j’avais l’air… Je ne sais pas justement. Pendant que je recherchais une petite bouteille qui serait susceptible de m’intéresser je n’avais pas entendu que quelqu’un était entré.

Ce soir : fajitas au diner. Autant dire que je me suis régalé et fait péter le bide. Le menu mexicain est l’un de mes préférés. J’avais adoré mon séjour et la gastronomie quand je m’étais rendu au Mexique avec mon cirque. Bref, une bonne digestion s’impose. Mais il s’avère que je ne trouve pas de thé, de tisane ou de truc dans le genre. Alors je pense à aller au bar-lounge pour me trouver un alcool digestif du genre liqueur. Ouai, liqueur de cassis. Il doit bien y avoir ça dans le bar. Je pars du principe qu’il y a tous les alcools du monde dans ce bar de toute façon. Vêtu d’un pantalon ample style baba-cool et d’une marinière, je me rends aux alentours de vingt-et-une heure dans le bar-lounge. Pensant être le seul à y être à cette heure-là, je suis surpris d’y apercevoir quelqu’un. Ce quelqu’un se trouve dans une position… étrange. Oui, étrange, c’est le mot. Il est appuyé contre l’un des sièges du bar, le cul bombé, la tête je-ne-sais-trop-où, à faire je-ne-sais-trop-quoi. « Tu imites l’autruche ? » Que je lui demande tout en m’approchant petit à petit de lui. Là, je reconnais alors Angel. Tiens, le vétérinaire qui imite une position d’un de ses animaux. C’est assez drôle.

Je fouillais désespérément le bar à la recherche d’un alcool fort, pas forcément dans le but de me bourrer la gueule puisqu’il me faudrait de toute manière au moins deux bouteilles entières pour que je commence à me sentir plus euphorique qu’au naturel mais passons. Les fesses en l’air à la recherche de cette putain de bouteille j’avouerais volontiers qu’en me contentant de faire le tour du bar j’aurais gagné en visibilité mais j’arrêtais de me poser des questions à partir de vingt heures. Je ne soupçonnais pas un instant qu’un autre candidat avait pu me rejoindre d’où ma surprise lorsque ce dernier commença à parler. « Tu imites l’autruche ? » Je manquais de faire une crise cardiaque, me laissant tomber sur mon siège avec une bouteille de téquila, faute de mieux je tournais la tête pour sourire au beau Sacha. « Je n’imitais pas… J’étais une autruche, tu sais ce sont des bêtes plus… Bestiales qu’on peut le croire. » Je plaisantais bien sûr, m’appuyant sur le bar pour prendre deux verres je les remplissais tous les deux en tendant un au beau brun. « A la tienne ! »

La position qu’arbore Angel dans le bar est assez fun. Je la compare à celle d’une autruche. Le jeune homme, qui sursaute par ma présence, prend la chose avec humour et décide même d’en plaisanter . « Je sais. Mon cousin s’est fait poursuivre par une autruche en furie quand il était petit. » Silence soudain de deux secondes avant que nous nous mettions à rire ensemble. C’est ridicule je sais mais c’est pourtant la vérité. J’en ai tellement des anecdotes de ce genre de toute façon. Vive le cirque et les animaux. C’est dans ces moments-là que je me dis qu’ils me manquent. Ma vie me manque. Coup de blues soudain. Le jeune homme me propose un verre de tequila. Parfait. Ça ne pouvait pas tomber mieux. « Santé ! » Je le bois d’une traite puis essaye de me changer les idées en attrapant trois bouteilles d’alcool peu remplies. « N’aies pas peur. » Qu’il se tienne pour prévenu. J’ai pour intention de faire voler les bouteilles. Je suis jongleur professionnel, rappelons le. Si j’ai pour habitude de jongler avec des boules de feu, je sais tout aussi bien jongler avec n’importe quel objet. Mais le risque est présent avec des bouteilles de verre. Je tache donc de faire attention. Pas de casse au final. La démo est terminée. J’espère qu’elle aura plu au candidat.

Personne ne pouvait dire à mon propos que je ne savais pas rigoler, c’était comme se foutre de la charité puisque j’étais toujours en train de plaisanter même si, je vous l’accorde c’était parfois de mauvais goût. Du coup lorsque le beau Sacha s’était amusé à me comparer à une autruche je l’avais bien pris rentrant dans son jeu avec un petit sourire amusé qui me quittait rarement. « Je sais. Mon cousin s’est fait poursuivre par une autruche en furie quand il était petit. » Un petit silence s’installait pendant une ou deux secondes le temps que je puisse imaginer la situation, j’éclatais de rire brisant ce même silence, il m’accompagnait ce qui avait un rendu plutôt intéressant, deux rires singuliers combinés. Je lui propose ensuite de la téquila, il accepte et le boit le premier shot cul sec ce que je prends plaisir à faire moi-même, je me doutais qu’il tenait bien l’alcool puisque les gens du voyage buvaient souvent, enfin, une idée reçue supplémentaire quoi. « N’aies pas peur. » Je me demandais ce qu’il allait faire, la première chose qui me vint à l’idée c’est qu’il allait surement jongler, bonne pioche. Je reculais légèrement pour lui laisser de l’espace, me comportant comme un gosse face à un numéro de magie, il était fort. Lorsqu’il arrivait au bout de son numéro je commençais à l’applaudir avec un petit sourire amusé. « Tu es doué de tes mains toi… » Je n’avais pas voulu le dire de cette manière mais je me rendais compte après l’avoir dit que c’était quelque peu ambigüe… Et alors ?