Bordel, je crois arriver au summum de l’emmerde. D’un côté, je crois que n’importe qui à ma place s’ennuierait aussi, non ? Déjà, on n’est pas arrivé sur une destination. Ensuite, y’a plus Cameron. Et enfin, tout le monde est con sur ce bateau. Oui, oui, tout le monde, parce que s’ils ne seraient pas cons, bah écoutez, Hassan serait parti. Et Cameron serait resté. Vie de merde. Tah. Donc, je suis dans la période où je déteste les gens. Et où je me fais drôlement chier. Mais vous savez, quand je dis ça, je suis très sérieuse hein. Pour vous montrer à quel point, je suis lamentablement avachie sur un canapé avec un feutre noir à la main. Ce que je fais ? Des bonhommes sur mes doigts. Ce n’est pas passionnant, en effet. N’empêche qu’on y trouve Roger le hippie qui fume un pétard, Aladdin, Mickey, Raphael le vampire avec ses dents bien aiguisées, Harry Potter (le vrai, l’unique) et c’est tout, parce que je n’arrive pas à dessiner de la main gauche. Je mate mes bonhommes en remuant les doigts. Ouais, ça ne m’avance strictement à rien. J’aurai dû faire le grand schtroumpf. Ouais. Je m’ennuie tellement que j’en suis à regretter d’avoir dessiné Raph le vamp, parce que j’ai plus de doigts disponibles. Mon dieu que c’est long, la vie sur ce bateau. Ca m’donne envie de roupiller tiens.

Le prime de la veille avait à la fois était salvateur et porteur de mauvaises nouvelles. Elle ne savait pas comment c’était possible mais ça l’était, et c’était clairement horrible. Elle ne pouvait pleinement se réjouir en sachant qu’elle serait peut-être partie la semaine prochaine mais avait envie de fêter sa présence ici. Tout un paradoxe en elle-même. Du coup, elle ne fit rien, elle ne se plaignit pas de son sort ni ne se réjouit d’être resté. Errant dans le bateau telle une âme en peine, elle cherchait quelque chose à faire qui changeait un peu de l’ordinaire ou simplement un endroit tranquille ou passer l’après midi. En poussant les portes du salon, elle tomba sur Marilou, la petite Marilou qu’elle ne connaissait pas si bien que ça au final. Mais ce qu’elle savait, c’est qu’elle devait être triste du départ de Cameron et que puisqu’elle était là, autant faire en sorte qu’elle oublie ça quelques minutes. S’asseyant sur la petite table devant les canapés, elle lui tendit sa main. « Je te prête mes doigts si tu veux. » Toute forme d’art restait de l’art, même si dessiner sur sa main était une chose qu’elle avait arrêté de faire en maternelle. « A une condition cependant, que tu me racontes le souvenir le plus gai de ton enfance. »

On ose me déranger dans mon ennui total. Hm. Je devrais peut-être en être reconnaissante, je ne sais pas. Je lève la tête et voit Rosaly. C’est drôle qu’en un mois, on n’a pas était foutues de se parler. Je ne sais pas. Manque d’envie ? En tout cas, ça ne risque pas d’être le manque de temps. J’attrape l’une de ses mains et commence à faire ce fameux grand schtroumpf. Le souvenir le plus gai. Je réfléchis en silence tout en traçant le chapeau. Dommage, je n’ai pas de couleur. J’essaye de remonter dans mon enfance, tout ça. Ce n’est pas que j’ai eu une vie de gamine malheureuse, bien au contraire, mais c’est drôlement difficile de trouver une anecdote, un souvenir, ou plutôt le souvenir. « C’est carrément ridicule, mais tant pis. Quand j’étais petite, j’étais très proche de ma petite sœur. On venait de se disputer pour un truc con, tu sais. Et donc quand on s’est réconciliées, on a volé deux petites bagues en plastiques en honneur de notre « amitié », une connerie comme ça. » C’est bête hein, mais je me dis que cette bague (que j’ai dans mon sac, oui, oui, je ne l’ai pas perdue) c’est un peu ce qui me relie à elle aujourd’hui. Oui, bon, dans le genre d’anecdote niaise hein, mais bon. « Et je l’ai dans mes affaires là, sur le bateau. » J’examine le premier doigt de Rosaly. Terminé. Je passe au second et décide d’y faire Bob l’éponge. Pourquoi j’y ai pas pensé avant, à Bob, hein ? Soit. « J’espère que t’as rien contre une certaine éponge carrée. Et toi alors, une petite anecdote ? » Autant retourner la question.

Rose ne fit aucun commentaire sur ce que Marilou raconta mais elle n’en pensait pas moins. Pour autant, elle préféra hocher la tête, accrocher un léger sourire à ses lèvres et lui laisser penser qu’elle n’avait pas vraiment ce qu’elle avait dit. Parce que si son meilleur souvenir concernait un vol, elle n’imaginait pas très bien ce que pouvait être son pire. Rosaly part du principe qu’il y a une loi pour la respecter et ne pas tomber dans le chaos et l’anarchie et n’a par conséquent, jamais volé ou briser aucune règle imposé par l’état. Mais ce que les autres faisaient n’étaient pas ses affaires. C’était drôle parce qu’elle ne se serait pas gêné pour le lui faire remarquer avant, que voler était mal. Mais il était certain qu’elle en avait déjà conscience. Au cas ou … « T’as volé d’autres trucs ? » L’air réprobateur sur son visage s’installa tout seul, reflexe. Même si le fond était mignon, la forme beaucoup moins. M’enfin. Elle examina ensuite le bonhomme qu’elle arborait désormais sur son doigt, tout en imaginant bob l’éponge sur le suivant. Ce qu’il ne fallait pas faire pour essayer de remonter le moral à quelqu’un … En tous les cas, c’était désormais son tour de raconter une anecdote sur son enfance. Elle ne savait pas vraiment quoi choisir, elle n’avait pas été malheureuse dans l’ensemble. « Quand j’avais huit ans, ma mère m’a emmené à Disney Land avec mon meilleur ami pour le week-end. C’était le meilleur week-end de tout les temps. Tout était parfait, le rêve. Et je me souviens, le dimanche soir lorsque l’on a ramené mon ami chez lui, il m’a embrassé. C’était plus lèvres contre lèvre qu’autre chose bien sur mais ça avait scellé ces deux jours parfaits. C’était mon premier bisou. Mon dernier pendant un long moment aussi. » Surtout à partir du moment où elle avait comprit qu’elle préférait les filles … « A quel âge tu as comprit que tu aimais aussi les filles ? »