Dray & Pepper-Ann ✖ Le mardi 16 aout à 21h46

J'étais morose, presque mélancolique et je n'étais clairement pas au meilleur de ma forme. Le souffle court et la respiration haletante, mon cœur palpitait douloureusement contre ma poitrine, il me brulait. Ma main se serrait contre ma poitrine, essayant en vain d'atténuer le mal d'une manière ou d'une autre. Je craignais de déranger mes colocataires avec mes plaintes, certes silencieuses, et mes toux rauques et grasses. Je quittais donc la pièce, errant dans les couloirs du Yacht le temps que ça s'apaise, que ça se calme, que je puisse enfin me reposer. J'étais fatiguée, de jolies cernes bleutées soulignaient mes orbes noisettes. Je me trainais finalement au salon et y trouvais Dray, installé confortablement dans l'un des fauteuils. Un sourire se glissait sur mes lippes alors que je m'approchais doucement de lui pour venir prendre place à ses côté. Tout naturellement, je venais poser ma tête contre son épaule, me blottissant dans ses bras. Je fermais les yeux, inspirant profondément. Il sentait bon. J'étais rassurée de savoir qu'il était immunisé, encore cette semaine. Rassurée qu'il reste, même si je n'avais pas la certitude que ce serait le cas pour moi. J'ouvrais finalement les yeux, pour voir ce qu'il regardait à la télévision. Ma respiration était irrégulière, mais c'était tout de même mieux que tout à l'heure.

L'ambiance sur le bateau reflétait le moral de nombreux candidats, entre les kidnappeurs de glaces et les plongés dans un mutisme pesant, Dray s'obligeait à arborer un air enjoué, même si le cœur n'y était pas vraiment. Finalement, vers le début de soirée, il s'isola dans le salon désert, et s'installa dans un fauteuil. Un tantinet amorphe. Un dvd était en route : Requiem for a dream. Il l'avait déjà vu une bonne dizaine de fois, mais n'avait pour autant aucune envie de changer. Un mardi soir sans grand intérêt, en résumé. L'attention accaparée par le film, le new-yorkais ne remarqua la présence de Pepper-Ann qu'une fois à ses côtés. Difficile de la rater, puisqu'elle se blottit dans ses bras, bras qui l'accueillirent avec douceur. La demoiselle avait l'air fatiguée, il lui plaqua un baiser sur le front, silencieux. Lorsqu'elle rouvrit à nouveau les yeux, il baissa le volume, n'ayant pas l'intention de crier, surtout pour ce qu'il avait à dire. « Me lâche pas cette semaine. » Il aurait pu tout aussi bien dire : j'imagine pas l'aventure sans toi, donc je vais te ligoter à la porte de ma cabine au cas où, mais ca sonnait moins bien. Oui, c'était surement pour ça. Ses prunelles foncées se détournèrent enfin de l'écran de télévision pour se poser sur sa squatteuse de fauteuil. « Ils devraient distribuer les immunités par deux, car finalement ca revient au même, impossible d'être détendu. Tu ne stresses pas pour toi-même, mais pour quelqu'un d'autre. » Légère grimace, et il la sert un peu plus contre lui. Rien ne correspondait à ce qu'il avait imaginé avant d'arriver sur ce yacht. Le prime et son résultat final avait eu un effet étrange sur le garçon, comme s'il se rendait compte enfin, après quelques semaines ici, qu'il tenait aux individus qui l'entourait, certains plus que d'autres, et Pepper-Ann faisait partie de ces « plus ».

Rien qu'en posant mon regard su l'écran de télévision, je reconnaissais ce film plutôt déprimant que l'on ne regardait que lorsqu'on avait déjà le moral dans les chaussettes. Ainsi, cette mauvaise vague de mélancolie s'était répandue sur tous les candidats, même sur lui. Les images défilaient et je m'en détachais rapidement, reportant mon attention sur lui. Me lâche pas cette semaine. Un sourire venait fendre mes lèvres alors que ma paume se posait doucement contre son torse. Ce n'est malheureusement pas moi qui décide. Ma voix était rauque, sans doute parce que j'avais gardé le silence trop longtemps. La gorge sèche, je cherchais de l'air, respirant profondément pour calmer ce cœur dont les battements étaient toujours irréguliers. Je n'avais pas envie de partir, je n'avais pas envie de quitter cette petite bulle, j'avais peur de ne plus ressentir la même chose une fois en dehors. C'était étrange. Ils devraient distribuer les immunités par deux, car finalement ca revient au même, impossible d'être détendu. Tu ne stresses pas pour toi-même, mais pour quelqu'un d'autre. Il n'avait pas tord, mais on craignait toujours de perdre quelqu'un. C'était le jeu, nous n'avions pas le choix. J'haussais vaguement les épaules, me blottissant un peu plus contre lui. Je ne me tracasserais pas pour toi cette semaine, c'est déjà ça. Oui, il serait là la semaine prochaine, quoi qu'il arrive. Si je restais, j'étais certaine de le retrouver. C'était rassurant et un peu égoïste, parce que je pouvais très bien partir, mais ce n'était pas la même chose. Enfin, je me tracassais pour Jones, puis pour Marilou. Pourvu que l'on ne nous oppose pas l'une à l'autre. Je n'avais jamais sentis la nomination aussi proche de moi, c'était comme si elle flottait au dessus de moi et menaçait de tomber, à tout moment, à tout instant. On est arrivé ensemble, on est obligé de partir ensemble. Un sourire, voilà, c'était ce qu'il fallait se dire, ensemble jusqu'au bout.

Et ce n'est malheureusement pas lui qui décide non plus. « Dommage que je n'ai pas ramené mon chéquier, j'aurais pu les soudoyer un à un. » Un sourire doux-amer prit possession de ses lèvres. Encore s'il y pouvait quelque-chose, mais même pas. Malheureusement chacun était réduit à subir les choix des autres. On en devenait égoïste, ne pensant qu'à ses propres affinités. Protéger ses préférences. Ces personnes avec qui l'on rit, avec qui l'on passe le plus clair de son temps, avec qui on partage des regards complices. Jamais rester autant passif ne lui avait paru aussi frustrant. Attendre que le couperet tombe. Il y était passé pas loin, il le savait. Ils ne pourraient pas rester indéfiniment ici. Dommage, ca commençait à devenir un voyage entre potes, garnit d'histoires sentimentales, un ensemble des plus agréables. Surtout quand on y faisait des rencontres surprenantes. Elle résuma bien la situation. Le plus idyllique des scénarios. « Ca me va plutôt bien. » Il prit quelques secondes, ses dents venant mordre sa lèvre inférieur. « Je crois que j'aurais du mal à te voir à travers un écran. Enfin tu dois très bien passer à l'image c'est pas ca, mais.. enfin tu vois. » Dray ou la limpidité de ses propos. C'est dingue de s'y prendre aussi mal. Il soupira, d'un genre consterné de lui-même. Il y avait de quoi. Sa tête se repose sur le haut du fauteuil, il ferme les rideaux sur ses yeux, et sa main vint récupérer celle de Peps posée sur son torse, liant délicatement ses doigts aux siens. Puis ses paupières s'ouvrent, ses billes venant fixer celles presque identiques de sa complice, déviant ensuite en direction de sa poitrine qui se soulevait au rythme des respirations. « Tu comptes me dire ce qui se passe ? » D'une voix douce et posée, presque chuchotée. Elle pourrait tout aussi bien lui dire non, il ne lui en tiendrait pas rigueur. Après tout, qui était-il pour s'inviter dans la sphère privée de la candidate ? Mais difficile de ne pas sentir son pouls irrégulier, son corps ainsi serré contre le sien. Une simple coïncidence, peut-être, seulement depuis qu'il l'avait vu peiner lors de la montée du volcan, son esprit commençait à nourrir quelques interrogations.

Dommage que je n'ai pas ramené mon chéquier, j'aurais pu les soudoyer un à un. Un sourire s'emparait alors de mes lèvres. Il avait l'air terriblement frustré de ne pouvoir rien faire contre ses nominations. Moi, même si je ne les vivais pas spécialement bien, je m'étais faites à l'idée que je ne pouvais contrôler les autres, tout comme je n'avais pas pu contrôler ma maladie. C'était le jeu, c'était comme ça, un peu comme le destin... En imaginant que je puisse croire à quelques choses comme le destin. Ca me va plutôt bien. Nouveau sourire, oui, moi aussi, ça m'allait plutôt bien, malheureusement, ce jeu réservait bien des surprises, il pouvait nous mettre à l'épreuve et nous séparer si l'envie lui en prenait. Je crois que j'aurais du mal à te voir à travers un écran. Enfin tu dois très bien passer à l'image c'est pas ça, mais.. enfin tu vois. Sa mains se glissa doucement dans la mienne, mes doigts s’entrelaçant au mien, tout naturellement. Je relevais mon regard vers lui, j'étais terriblement bien. Trop bien peut-être.Tu comptes me dire ce qui se passe ? Ma gorge se nouait, je baissais mon regard sur nos mains toujours liées. Je n'osais plus le regarder. Je n'osais même pas lui mentir, mais je n'avais aucune envie de lui lâcher la vérité, comme ça. j'étais trop bien pour gâcher cet instant. Pourtant, la question était là et je ne pouvais évincer le sujet... Enfin si, je le pouvais, sans réellement le pouvoir. C'était compliqué. Peut-être était-ce à cause de l'attachement que j'avais envers lui. Mes lèvres se pinçaient délicatement l'une contre l'autre. Comment dire les choses sans réellement lui dire. Ma deuxième main venait se glisser contre sa main, l’encerclant doucement. J'ai quelques petits problèmes de santé. Oui, des petits problèmes,... Hm. Ce n'était pas mentir. pas réellement. Je relevais mon regard sur lui, un sourire serein et calme aux lèvres. Mais ne te tracasse pas, je ne compte pas mourir tout de suite. Un rire, pour détendre l'atmosphère et pour minimiser la maladie, comme si elle n'était pas si importante, pas si grave.

Des petits problèmes de santé ? Ah, la santé, l'une des rares choses où votre statut n'importait pas, ni votre rang. Nous étions tous égaux face à elle. Jusqu'ici tout avait sourit pour Dray à ce niveau là, une chance inouï vu les substances absorbées et les situations violentes dans lesquels il se mettait. Quelques côtes cassées, une arcade fendue, voilà à quoi se limitait son parcours médical. Gageons qu'un jour tout ceci le rattraperait. Tant pis, il n'avait jamais prétendu à une vie longue et sereine. Quand à Pepper-Ann, hé bien, il semblerait que la question du garçon ne soit pas la plus simple. Il n'aurait pas pu la retenir bien longtemps, puisque ca la concernait, cela avait une certaine importance à ses yeux. Sa main se retrouva encerclée des deux siennes, dans un cocon confortable. « D'accord ». Simplement, comme une acceptation de l'explication. Il ne poserait pas d'avantages de questions, inutile. Son carnet de santé n'importait pas, c'était le genre de choses secondaires, surtout à ce moment là. Cette légère révélation n'eut aucun effet sur le bien-être de Dray, il s'en inquiéterait peut-être après, mais pas maintenant. Surement le calme de la demoiselle qui s'infusait dans ses propres veines. « J'espère bien. Quoique ca aurait quelque-chose de poétique, genre Roméo et Juliette, sauf que je ne me suiciderais pas après. » Il arbora une moue désolée quoiqu'amusée, tandis que sa main inquisitrice vint se poser sur la joue de la candidate, son pouce caressant doucement sa peau lactée. D'ici, il était assez proche pour détailler les traits féminins, trop proche pour se maintenir dans une bienséance entretenue depuis des semaines. « Mais on est jamais à l'abri, il paraît. » L'excuse du : on peut mourir à chaque instant, vivons chaque minute comme si c'était la dernière. « Je n'aimerais pas avoir de regret, et puis je t'avais prévenu. » Un sourire malicieux prit possession de son visage, visage qui s'approche dangereusement de celui de Peps, jusqu'à ce que leurs lèvres se frôlent, sa langue venant les narguer, douce, sensuelle et joueuse.