dream on (17-04, 15h19)

feat. Yasmine

Dans absolument toutes les maisons, bateaux et autres lieux de vie de candidats de télé-réalité, il y avait une piscine. Je ne savais pas pourquoi, mais il en était ainsi. C'était peut-être un impératif. Même dans ce chalet, ils avaient trouvé le moyen d'en installer une. Au sous-sol. Du luxe à l'état pur. Magique, paradisiaque, irréel. On n'avait à peu près les mêmes, à Miami, si ce n'est qu'elles n'étaient pas couvertes et que, comme elles étaient privées, je n'y avais pas accès. Ici, la piscine nous était complètement ouverte. C'est donc tout naturellement que, n'ayant rien d'autre à faire, je décidai d'en profiter et de m'offrir une petite baignade. Je me rendis donc à ma chambre, trouvai mon maillot de bain au fond de ma valise, l'enfilai, pris une serviette et descendis au sous-sol en un rien de temps. J'entrai dans la salle, une fois de plus illuminé par la beauté et le luxe des lieux, et je constatai que je n'étais pas le seul à avoir eu l'idée de faire un petit plongeon. « Salut ! » Je n'eus aucun mal à reconnaître la jeune femme qui m'avait accompagné lors de l'entrée dans le jeu. Je lui adressai un franc sourire, bien que je n'ai pas eu le temps de faire sa connaissance lors du prime, malheureusement. « On se plaît bien ici, n'est-ce-pas ? » demandai-je en posant ma serviette sur l'un des transats qui entouraient la piscine. Question rhétorique. Qui ne se sentirait pas à son aise dans un chalet luxueux doté : d'une piscine, d'une salle de cinéma et d'un jacuzzi ? Personne.

Nous n’étions visiblement pas à plaindre. Le luxe dans lequel on nous obligeait à vivre compensait bien pour l’enfermement que nous subissions, ainsi que pour tous nos moindres faits et gestes que les caméras, installées un peu partout dans la maison, captaient pour le regard indiscret des téléspectateurs. Il fallait être un peu voyeur, non, pour s’adonner à ce plaisir de regarder une téléréalité ? Fort probablement. Disons que je n’étais pas ce genre de filles typiques qui s’adonnait à ce passe-temps fort malsain. J’avais mieux à faire. Alors pourquoi étais-je ici ? Dans l’envers du décor ? Bonne question. Peut-être avais-je simplement décidé d’écouter, pour une fois, mes amis qui me recommandaient de profiter un peu plus de la vie. M’inscrire à Three Wishes sous leurs encouragements les avait satisfaites, mais si je m’étais attendu à ce qu’on me sélectionne, oh que non. Mais voilà, j’étais là, maintenant. Aussi bien vivre cette aventure à fond, et jusqu’au bout si possible. Ce chalet avait tant à nous offrir, il aurait été malhonnête de ne pas en exploiter les moindres recoins. Cet après-midi là, j’avais donc décidé d’investir la piscine. Qui, tout comme le reste de la maison, respirait le luxe et la richesse. Le confort aussi, songeais-je en m’installant quelques secondes sur l’un des transats, le temps de retirer mon micro et de me débarrasser de ma serviette, dévoilant ainsi mon maillot qui se cachait dessous. Je m’apprêtais à pénétrer dans la piscine lorsqu’un candidat – l’un des rares dont la tête me disait quelque chose – s’invita sur les lieux. Emmett, le candidat avec qui j'avais fait mon entrée lors du prime. « Salut ! » fit-il à mon attention, un large sourire au bout des lèvres. « Bonjour ! » lui répondis-je sur le même ton. Je descendis l’escalier alors que d’un coin de mon regard, je scrutais le candidat, qui se défaisait de sa serviette en la posant sur un transat voisin du mien. « On se plaît bien ici, n’est-ce pas ? » J’acquiesçais d’un signe de tête. C’était un fait. Nous avions tout à notre disposition pour ne pas nous ennuyer. Nous étions choyés. « La production nous dorlote, y’a pas à dire. »

À l'évidence, en effet, la production nous chouchoutait. En plus de nous donner l'opportunité de trouver quelqu'un – entre autres choses, puisque les motivations des uns et des autres variaient vraisemblablement –, ils mettaient à notre disposition un chalet à la richesse incroyable. On ne pouvait rêver mieux. D'ailleurs, il était temps pour moi d'en profiter. Je me plaçai au bord de l'eau, m'étirai puis plongeai. L'eau était délicieusement tiède, ce qui ne m'étonna pas. Si la production avait les moyens de s'offrir un tel chalet, doté d'une si grande piscine, il eut été étonnant qu'elle n'eyt pas été chauffée. Nager dans cette piscine procurait une réelle sensation de bien-être. À peine émergeai-je de l'eau que, faisant quelques brasses, je me tournai à nouveau vers Yasmine. Nous étions seuls tous les deux dans cette grande piscine et il aurait été idiot de ne pas engager la conversation. « Alors, qu'est-ce qu'une aussi jolie femme que toi fait dans une émission pareille ? » demandai-je avec curiosité. Question banale, peut-être personnelle, mais néanmoins essentielle pour commencer à faire connaissance dans le contexte de l'émission. Yasmine me semblait plutôt mystérieuse et était loin de l'image que je faisais d'une candidate de télé-réalité type. J'étais donc d'autant plus curieux d'en savoir un peu à son sujet et de connaître ses motivations.

Tout en discutant avec mon camarade, je m’étais peu à peu glissé dans l’eau, m’attendant à ce qu’elle soit fraîche. Je m’étais trompée, puisque c’est plutôt un liquide tiède qui entra en contact avec ma peau. Je n’allais pas rechigner, au contraire. Moi qui prenant un temps fou à me jeter à l’eau, il ne fallut que quelques secondes pour me plonger totalement – ou du moins, jusqu’au cou – dans la marée bleue qui me ceignait de tout bord, tout côté. Mon camarade en fit de même, dans une entrée beaucoup plus majestueuse que la mienne, à savoir un magnifique plongeon. Je le jaugeais un moment avant de reprendre ma nage sans trop me prendre au sérieux. J’étais venu là pour me détendre et profiter de l’endroit, et non pas pour m’entraîner. De toute façon, cette piscine-là ne m’inciterait jamais à faire autre chose que paresser, désolée, mais il était impossible de se pousser à faire quelques longueurs quand tout respirait le calme et la détente. Ce n’était qu’une excuse, certes, mais voilà, je la prendrai volontiers. Surtout quand on songeait que quelques étages plus hauts, je pourrais aisément dépenser toutes mes énergies et suer un bon coup. Emmett se retourna pour me faire face. « Alors, qu’est ce qu’une aussi jolie femme que toi fait dans une émission pareille ? » me questionna-t-il. « Je pourrais te retourner la question. » Je le taquinais, toutefois, il y avait bien une part de vérité. Il fallait tout de même avouer que la production ne nous avait pas donné d’affreux compagnons. « J’avais besoin de sortir de mon quotidien et de vivre quelque chose… de différent. De changer ma routine, de la chambouler un peu. Et puis, naïvement parlant, peut-être je pourrais trouver l’amour, ici. On est tous un peu là pour ça. » Enfin, presque tous. Certains ne voyaient que le gain au bout du chemin. C’était peut-être idiot de croire que je pouvais trouver dans une téléréalité ce que je n’arrivais pas à trouver dans ma vie de tous les jours : troquer 600 000 habitants contre une panoplie d’inconnus trier sur le volet allait-il vraiment changer quelque ? J’allais bientôt le découvrir. « C'est indiscret de te demander pourquoi toi, tu es là ? » fit-je, lui retournant ainsi la question.

Je n'étais pas un grand nageur. Ni un grand sportif. Ni un sportif tout court d'ailleurs. Si mes muscles étaient plutôt bien dessinés, c'était pour une infime partie dû au sport. Majoritairement, c'était grâce à la chance et au don de la nature. J'étais flâneur. Pour moi, piscine ne rimait pas avec entraînement, exercice, surpassement ou nage intensive. Du tout. Plutôt avec détente, bien-être et repos. Et, en l’occurrence, c'était l'occasion de faire plus ample connaissance avec l'une des candidate. La charmante Yasmine. Je nageai un peu, sentant mes muscles se détendre et ma peau s'hydrater au contact de l'eau agréablement tiède, puis je me posai quelques instants dans un coin de la piscine et à nouveau je m'attardai un peu plus sur mon interlocutrice. Elle m'expliqua que sa motivation première était de vivre quelque chose de nouveau et que, naïvement, elle espérait peut-être trouver l'amour ici. J’acquiesçai, sans doute parce que c'était la raison pour laquelle j'étais ici – l'amour. J'étais par ailleurs étonné du nombre de personnes qui n'était pas là pour ça : argent, reconnaissance, expérience, les motifs étaient nombreux, divers, et souvent bien différents des miens. D'ailleurs, Yasmine ne tarda pas à me retourner la question. « Ce n'est pas indiscret. Je ne me suis pas gêné pour te poser la question. » fis-je avec un sourire. Vu le contexte de l'émission, j'imaginais que tout le monde était indiscret avec tout le monde, de toute façon. Même si, et je l'oubliais souvent, les caméras et micros étaient là pour capter tous nos gestes, enregistrer toutes nos confidences et les diffuser devant des millions de téléspectateurs. « Disons simplement que je suis encore plus naïf que toi. » répondis-je simplement et honnêtement. Naïf, c'était bien le mot. Je croyais au grand amour, et je pensais possible de le rencontrer dans une émission de télé-réalité. Naïf, c'était bien le mot qui convenait.